L’organisme à but non lucratif Save Our Seine/Sauvons notre Seine (S.O.S), en partenariat avec le département des eaux et des déchets de la Ville de Winnipeg lancera un projet pilote dans le courant du mois de mai.

Ce dernier consiste à introduire une espèce native de lentilles d’eau dans l’un des vieux bassins de rétention situé dans le sud-ouest de la ville. L’idée est d’utiliser ces plantes comme des agents filtrants organiques.

Étant donné que ces bassins recueillent, non seulement les eaux de pluies, mais aussi les eaux de ruissèlement urbain, l’idée est donc de limiter les dégâts environnementaux lorsque l’eau contenue dans ces bassins se déverse dans les rivières, les ruisseaux et les nappes phréatiques.

Et en particulier contre le phénomène d’eutrophisation qui donne lieu à la prolifération des algues. Qui peut être, rappelons-le, particulièrement néfaste pour l’écosystème aquatique. Ryan Palmquist, directeur général de S.O.S donne quelques renseignements sur la plante qui sera utilisée.

« La lentille d’eau est fascinante. C’est la plante au taux de croissance le plus rapide au monde. Dans les circonstances idéales, elle peut quasiment doubler sa biomasse en 24 heures. Et cette plante est une grosse consommatrice de phosphore. »

Et c’est en cela qu’elle est intéressante. Le phosphore est, aujourd’hui, la principale cause d’eutrophisation qui est un sérieux problème, notamment dans le lac Winnipeg. Et comme tous les corps d’eau sont interconnectés, le problème se répand partout.

Il faut dire que le phosphore est un élément chimique très répandu. On en trouve par exemple dans les engrais et aussi certains shampooings.

Et si la décision a été prise d’adresser le problème dans les bassins de rétention, ce n’est pas par hasard. Ryan Palmquist explique que ces déversements sont un problème récurrent, en particulier pour les « vieux bassins construits avant 2002 ».

Des bassins obsolètes

Ces derniers étant entièrement artificiels, ils sont incapables de filtrer ou d’absorber l’eau reçue et les polluants qu’elle contient. À l’inverse, les bassins plus récents ont été pensés et modelés comme des « mini zones humides ». L’introduction de la lentille d’eau dans ces derniers va donc permettre de se rapprocher d’un modèle mini-zone humide.

Jacques Bourgeois, chargé de la communication au Marais Oak Hammock détaille l’utilité de la lentille d’eau. « Comme bien des plantes aquatiques qui poussent dans les terres humides, la lentille d’eau joue un rôle d’épuration des eaux en bioaccumulant les polluants présents. »

Cela veut dire que ce que la plante va consommer ne se limitera pas au phosphore. Selon Ryan Palmquist, elle serait aussi en mesure d’absorber des polluants plus « nocifs » comme les microplastiques par exemple.

Jacques Bourgeois met également le doigt sur un autre aspect positif de la lentille d’eau, qui concerne la faune cette fois-ci : « Elle procure également de l’ombre, ce qui peut être bénéfique pour plusieurs espèces animales comme les poissons, les grenouilles et des petits invertébrés. »

Le test sera d’abord mené sur un seul bassin et se décompose en deux parties. Au bout d’un certain temps, les lentilles d’eau seront récoltées et déplacées. « Vers un endroit avec un sol de mauvaise qualité ou écologiquement traumatisé, explique Ryan Palmquist. Nous allons ensuite tester l’utilité des lentilles d’eau comme engrais. »

Des risques potentiels

Le postulat de départ est simple. Puisque les lentilles se nourrissent du phosphore (qui joue le rôle de nutriment) contenu dans l’eau, l’effet de ce dernier peut être appliqué sur les sols.

Seulement, comme cela a été mentionné plus tôt, l’eau contenue dans les bassins de rétention contient un nombre considérable d’autres polluants, que les lentilles d’eau absorbent sans discernement. Alors les utiliser ailleurs ne revient-il pas à déplacer le problème?

« C’est ce que l’expérience devra déterminer. L’un des effets de la végétation est que toute substance nocive aspirée par une plante commence à subir une certaine décomposition chimique. La question sera de savoir dans quelle mesure ce matériau est décomposé. » C’est pour cela que les plantes seront testées sur des terres quasi mortes. Pour ne pas prendre de risque.

Mais Jacques Bourgeois se veut rassurant. « Ces plantes stockent les contaminants dans leurs racines, leurs tiges et leurs feuilles où elles peuvent transformer ces produits en une forme moins toxique. Certaines plantes transforment même les contaminants en vapeurs, qui sont ensuite libérées dans l’air.

« Par la suite, lorsque la plante meurt, une multitude de microorganismes et microbes jouent le rôle crucial de décomposer les contaminants déjà rendus moins toxiques par les processus végétaux en les transformant en substances encore moins nocives. » Ce phénomène s’inscrit dans un système de purification qui porte le nom de phytoremédiation.

Une espèce endémique

Finalement, un autre aspect du projet qui peut sembler problématique, c’est que les lentilles d’eaux, en cas de fortes pluies par exemple, quittent les bassins pour rejoindre les rivières.

Car comme le rappelle Jacques Bourgeois, « c’est une plante très prolifique ».

« Elle se reproduit rapidement dans les cours d’eau à faible débit et peut couvrir un marais en un rien de temps. Elle peut ralentir la croissance d’autres espèces végétales dans certains endroits. »

Les plantes en surface peuvent également bloquer les rayons du soleil et faire mourir les plantes situées plus en profondeur. Ces dernières, en mourant, peuvent créer ce que l’on appelle des zones mortes dans lesquelles l’oxygène n’est plus filtré.

Cependant, Ryan Palmquist insiste sur le fait que l’espèce de lentille d’eau qui sera utilisée est endémique à notre partie du monde. Par conséquent, les risques sont très limités.

Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté