Par Mathilde GAUTIER

Mais la réponse est incomplète, car l’art va bien au-delà de l’objet, de son aspect esthétique et de l’institution qui l’accueille.

L’enfant poursuit son chemin avec cette nouvelle croyance jusqu’à rencontrer le philosophe qui, depuis Platon, s’interroge sur l’utilité et le sens de l’art.

Le philosophe enseigne alors à l’enfant que l’art n’a pas les mêmes fonctions selon la société dans laquelle il évolue et aussi suivant la perception qu’on en a.

L’art étant un moyen d’expression, il est perçu de manière différente suivant un contexte et suivant le spectateur, son vécu, sa culture de référence, son état émotionnel au moment où il découvre l’œuvre.

L’art est politique, rituel, esthétique, religieux, écologique, social, spirituel, modeste, grandiose, naïf, inspirant, dérangeant, conceptuel, abstrait, figuratif, engagé, unificateur, polémique… inclassable.

Après tout, rien n’est plus subjectif que les goûts et les couleurs. Mais la critique d’art apparue au 18e siècle n’hésite pas à juger le travail des artistes et à imposer son point de vue. Et l’enfant ne comprend pas pourquoi il doit soudainement s’intéresser à telle œuvre plutôt qu’à une autre.

Si la critique d’art avait dû être juste, l’artiste Vincent Van Goh et tant d’autres ne seraient pas morts dans la misère, ni rejetés par la société dans laquelle ils avaient tenté de se faire une place. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux sont encensés par cette critique qui les avaient pourtant auparavant considérés comme fous et leurs œuvres sans intérêt.

Que penser également des artistes tel que Marcel Duchamp qui s’est justement moqué de la critique d’art en jouant avec les codes que cette dernière avait elle-même instaurés

pour juger de ce qu’était de l’art ou ne l’était pas? Un simple urinoir posé dans un musée deviendrait-il de l’art parce qu’il est signé par un artiste reconnu par l’institution et par la critique?

L’enfant a dorénavant plus de questions que de réponses.

Mais qu’est-ce donc l’art?

À l’enfant, je lui répondrai que l’art est l’affaire de tous mais qu’il est avant tout une affaire d’émotions et de courage.

Je l’inciterai à se faire confiance et à écouter son ressenti face à un geste, un mot, un son ou une image qui l’interpelle.

Je l’encouragerai à être curieux et à parcourir le monde à la découverte des personnes qui osent créer et qui se laissent guider par leur monde intérieur sans se soucier de ce que pensent les autres.

Je lui conseillerai de se laisser surprendre par le doute et de continuer à apprendre, car plus on sait, moins on a de certitudes.

Je lui confierai qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, mais qu’on peut s’aimer soi- même.

Je lui chuchoterai de ne jamais cesser de s’émerveiller, de toujours se laisser la possibilité de rêver, d’observer le monde si vaste et de se laisser inspirer par la beauté des petites choses qui font souvent les grands bonheurs.

Je lui tendrai alors un instrument de musique, un pinceau, un crayon et l’inviterai à mettre en mouvement son corps pour laisser exprimer ce qui est dans son cœur… et transmettre à son tour ce qui nous fait tant débattre depuis le début de notre Humanité.

Pour aller plus loin :

Bernard Lahire, La culture des individus, La Découverte, Paris, 2006.

https://la-philosophie.com/philosophie-art https://bnf.libguides.com/critique_art

https://www.centrepompidou.fr/fr/ ressources/oeuvre/VgrNkuT