Au Manitoba, les inondations de 1997 et de 2011 ont marqué les esprits des communautés qui ont été impactées. Et le Manitoba n’est pas la seule province à avoir connu cette catastrophe naturelle. C’est pour ces raisons humaines et matérielles que Hachem Agili, président-directeur général de Geosapiens a fondé sa compagnie. « Geosapiens est né d’un projet universitaire. En 2011, il y a eu une grosse inondation à Saint-Jean-de- Richelieu au Québec. C’était un évènement extrême qui a duré quelques semaines. Le constat a été qu’il n’y avait pas assez d’information. Il y avait un manque aussi bien du côté des Municipalités, des Provinces ou encore des compagnies d’assurance pour se préparer et gérer ce risque.

« À partir de ce constat, nous avons commencé à travailler sur un modèle à base d’algorithmes. Puis après plusieurs années de travail, nous sommes arrivés à un modèle de maturité pour devenir l’entreprise Geosapiens en 2017. »

Basée au Québec, l’entreprise se spécialise en solutions technologiques pour gérer le risque d’inondations. « Nous proposons des données cartographiques à nos différents clients pour mieux connaître les risques d’inondations, à mieux les gérer et prendre de meilleures décisions en matière de planification, de prévention et de communication de risque. »

Les clients peuvent varier de Municipalités, de citoyens qui cherchent à acquérir un logement au bord de l’eau ou encore des compagnies d’assurance. Hachem Agili précise : « il y avait donc vraiment un potentiel énorme pour la démocratisation d’information sur les risques d’inondation afin d’aider notre société à être plus résiliente ».

La réalité sur le terrain

Depuis 2020, la Ville de Rigaud (au Québec), située entre la rivière Outaouais et le barrage de Carillon, collabore avec Geosapiens. Il faut dire que la ville est particulièrement sujette à des inondations. Entre 1905 et 2023, il y a eu 14 inondations, dont trois, durant le 21e siècle. Maxime Boissonneault, directeur général de la Ville détaille. « Nous avions besoin d’un portrait en temps réel tout en pouvant anticiper ce qui allait survenir en fonction des débits de la rivière Outaouais et le barrage de Carillon. Ce n’était pas facile de pouvoir anticiper et grâce à Geosapiens, on a pu avoir ce portrait pour préparer nos actions. »

Les services de Geosapiens ont permis à la Ville de Rigaud d’anticiper l’inondation de 2023. « Nous avons pu voir quels endroits allaient être impactés et agir en conséquence. Ces services nous ont donné deux ou trois coups d’avance. En effet, il est possible de jouer avec les scénarios, on peut aller d’une simple situation au pire. Grâce à ces scénarios, on peut prévenir la population, faire de la sensibilisation, préparer de la logistique en avance.

« En 2019, l’inondation avait coûté à la Ville près d’1,2 million $ pour gérer la situation alors qu’en 2023, l’inondation nous a coûté moins de 10 000$.»Les services de Geosapiens ont coûté à la Ville de Rigaud moins de 5 000 $ en 2023.

Données multiples

Pour alimenter ses algorithmes, Geosapiens a dû aller chercher autant de données que possible comme l’explique Hachem Agili. « Il y a beaucoup de travail de recherche et de développement. On utilise plusieurs sources de données souvent des données ouvertes comme celles des Provinces et du Fédéral. Il y a des données topographiques, hydrologiques, climatiques. Il y a aussi des données sur l’occupation des territoires. Toutes ces données sont utilisées pour alimenter nos algorithmes qui permettent de produire des cartes. »

Et ce sont ces cartes qui pourraient faire la différence lors de gestion de potentielles inondations.

« À partir de cette carte, on est capable de savoir le niveau de risque d’une propriété, d’un secteur, d’une région et même de la province au complet. Cette évaluation de risque peut être obtenue à partir de l’étendue de l’inondation potentielle, la profondeur d’eau potentielle, la probabilité qu’un endroit soit inondé. Et à partir de cette évaluation, les décideurs peuvent prendre de meilleures décisions au niveau de la planification, de l’urbanisme et de la gestion du territoire. Il y a plusieurs utilisations suivant la cartographie.

« Il est possible d’évaluer le risque d’inondation à grande échelle. Lorsqu’on travaille avec des Municipalités, on peut prévoir une inondation jusqu’à trois jours d’avance. On peut savoir les bâtiments qui vont être inondés, les routes qui vont être coupées, les maisons qui vont être isolées. »

C’est justement ce travail de collaboration qui a poussé la Ville de Rigaud à prendre un forfait annuel avec Geosapiens depuis le début de l’année 2024 pour un coût total de 5 300 $.

Un service pancanadien

« Au départ, nous utilisions leurs services périodiquement entre avril et mai, période d’inondations. Mais avec ce forfait annuel, on partage certaines de nos données. Comme ce qui est un bâtiment résidentiel, ce qui est un bâtiment commercial. On a aussi partagé nos données leaders de 2019 pour avoir un meilleur portrait de l’apport en eau en fonction des niveaux d’eau ainsi que les données de l’orthophoto mises à jour en 2023. »

Après sept ans d’existence, Geosapiens est donc en mesure d’offrir ces cartes de manière pancanadienne, pour le président-directeur général, Hachem Agili, c’est le début d’une longue aventure.

« Il reste beaucoup de travail. Nous voulons ajouter l’impact du changement climatique sur le risque d’inondations pour permettre de se projeter dans le temps.

« Les inondations sont la catastrophe naturelle la plus coûteuse au Canada. Elle est estimée à 1,5 milliard $ comme coût économique, pour les assurances c’est un coût d’environ 800 millions $ an- nuellement. Évidemment, ces coûts sont en augmen- tation.

« Dans notre vision, on aimerait s’attaquer à d’autres risques climatiques comme les feux de forêt. Ce sont des plans sur du très long terme. La prochaine étape est de voir à une extension vers les États- Unis. »