Plus de 200 élèves du Collège Jeanne-Sauvé ont pris la direction de la forêt situé derrière leur école le 9 mai. Une fois passés les trembles et les érables negundo, la forêt s’ouvre sur une grande clairière.
Là, une dizaine d’agents du service des parcs et des espaces ouverts de la Ville de Winnipeg attendent ces élèves. Ces derniers se retrouvent rapidement divisés en trois groupes. Pelles à la main et paires de gants, ce sont près de 1 000 arbres que les jeunes ont plantés, là où se trouvait un dépotoir jusque dans les années 1960.
« Nous ne plantons pas juste un arbre ici et là, nous plantons une forêt », souligne Cameron Ruml, naturaliste pour le service des parcs et des espaces ouverts.
Le gazon a été retiré sur plusieurs centaines de petits carrés de terre au préalable. Cameron Ruml montre l’exemple et explique comment s’y prendre, puis les élèves s’attèlent en groupe, parfois seuls, à creuser des trous qu’ils remplissent avec les racines et les tiges de futurs arbres et buissons.
Si le choix de la Ville s’est porté sur ce bout de terrain en particulier, c’est grâce à la détermination du comité ÉCOlympiens, composé d’une vingtaine d’élèves. Les honneurs reviennent en particulier à Paul Graham, qui n’a pas pu être présent lors de la visite de La Liberté.
Une sensibilisation
Pour Cameron Ruml, le fait de voir des élèves si impliqués est très positif. C’est aussi une belle opportunité de sensibiliser les jeunes à l’importance écologique des forêts urbaines.
Entre autres, les arbres filtrent activement le dioxyde de carbone dans l’air, ils permettent également de filtrer l’eau, de la rendre plus propre et d’éviter le débordement des systèmes d’égouts. De plus, la forêt urbaine permet aussi de créer des habitats pour la faune.
C’est donc l’occasion pour les jeunes d’apprendre plusieurs choses. « C’est difficile de parler à tout le monde. Mais nous apportons toujours un aspect éducatif. Ils
sont assez jeunes pour voir le résultat de leur travail, voir les arbres grandir. Ils apprennent également à planter, et peut- être qu’ils réutiliseront cette compétence plus tard. »
Et le travail accompli peut déjà s’observer sur le terrain. Pour protéger les toutes jeunes pousses des animaux, ces dernières sont entourées d’un manchon de protection orangé. La clairière en est envahie.
Justement le fait de voir le fruit de leur travail est d’autant plus grisant pour certains des élèves. C’est le cas de Raeesa Hoque, élève de 12e, elle aussi membre du comité ÉCOlympiens.
Un stress réel
« On peut voir que la forêt va devenir plus belle. Je sens que je fais quelque chose. Cette action nous donne le sentiment que l’on peut accomplir des choses pour la planète. »
Et ce sentiment d’avoir un impact sur l’environnement est essentiel pour la nouvelle génération.
Raeesa Hoque, à l’instar de bien des jeunes Canadiens, huit sur dix selon une étude menée par l’Université onta- rienne Lakehead, souffrent d’écoanxiété.
« Dès la 7e année, j’ai commencé à apprendre au sujet de la crise climatique et j’ai commencé à réfléchir à mon futur, confie-t-elle souriante, mais sérieuse.
« Il y a beaucoup de choses que je veux faire. J’adore la nature, je veux l’explorer, je veux voyager. Mais j’ai peur que ces choses disparaissent. Cette perspective me met mal à l’aise. »
L’avis d’une psychologue
Les actions, comme celle à laquelle les élèves ont participé ce jour-là, sont une façon importante de faire face à cette écoanxiété. C’est ce qu’explique la psychologue associée Manon Talbot. « Il y a une définition universelle du stress. Les chercheurs ont déterminé un acronyme pour identifier les facteurs de stress : CINÉ (Contrôle, Imprévisibilité, Nouveauté et Égo) », pour résumer, la psychologue explique ensuite que les situations dans lesquelles un individu a le sentiment de ne pas être en contrôle peut potentiellement provoquer du stress. Le même principe s’applique ensuite aux situations imprévisibles, inédites ou nouvelles, et lorsque l’égo d’un individu est menacé. Manon Talbot souligne par ailleurs qu’il n’est pas nécessaire de rassembler tous ces facteurs pour subir du stress, un seul est suffisant.
« On sait très bien qu’en jouant sur l’une de ces variables, comme celle du contrôle par exemple, se redonner du pouvoir va réduire le stress. Si j’ai un examen, plus je me prépare, plus j’étudie, plus je vais avoir l’impression d’être en contrôle et je serai moins stressé. Si l’on fait le lien avec l’écoanxiété, tout ce qui est recyclage, planter des arbres, récupérer l’eau de pluie ou encore faire du compostage, ce sont toutes des actions qui donnent du contrôle à l’individu et vont avoir pour effet de réduire cette anxiété. »
En ce sens, la psychologue associée approuve l’initiative des ÉCOlympiens, « c’est une excellente stratégie ».
Raeesa Hoque exprime ensuite son souhait de pouvoir, elle et les générations futures, vivre dans un environnement « où il y a des arbres, de la belle pelouse et où l’on peut se baigner dans les lacs ».
Redonner espoir
Dernièrement, le comité ÉCOlympiens a vu le nombre de ses membres augmenter pour passer à une vingtaine. Quant à savoir s’il faut y voir un signe que l’écoanxiété touche de plus en plus d’élèves, c’est difficile à dire.
Raeesa Hoque, en re- vanche, indique que plusieurs élèves sont concernés. Elle observe aussi qu’il n’y a pas de demi-mesure chez les personnes qui sont concernées.
« Soit les élèves sont très anxieux et veulent agir, soit ils ont perdu espoir et pensent que c’est inutile. Ce projet, c’est aussi un moyen de leur redonner espoir et de leur montrer que tu peux faire des choses pour ta communauté et la biodiversité. »
Ces réactions face à la crise climatique sont parfaitement normales selon Manon Talbot. « Ce sentiment d’impuissance acquise, se défend lorsque l’on regarde la différence d’échelle entre ce que l’on peut faire, le recyclage, planter des arbres et l’augmentation du trafique aérien, où la pollution provoquée par les entreprises.
« Les gestes que l’on fait peuvent donner le sentiment de n’être que des coups d’épée dans l’eau. D’autres, plus optimistes, vont se dire qu’il vaut mieux être un exemple pour d’autres. Les deux sentiments peuvent coexister, et ils peuvent même parfois coexister chez un seul individu. »
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