Pour Brian Pincott, urbaniste, passionné de vélo, ancien conseiller municipal de Calgary et rési- dent de Winnipeg, il semble clair qu’historiquement, « les pistes cyclables ne sont pas une priorité de la Ville de Winnipeg ».

Et même si de plus en plus d’efforts sont faits pour augmenter le nombre de pistes cyclables, il déplore une approche « piste par piste, sans continuité, plutôt que de les voir en réseau ».

Pour le cycliste, ceci peut poser des problèmes importants de sécurité, et donc dissuader certaines personnes de se mettre au vélo. « C’est presque impossible à Winnipeg de se rendre d’un point A à un point B en vélo en toute sécurité. On a des pistes cyclables ici et là, mais elles ne sont pas connectées entre elles. Il faut rouler dans le trafic par moments, et ça peut être dangereux. Alors les gens préfèrent ne pas prendre leur vélo du tout. »

Mark Cohoe, directeur exécutif de Bike Winnipeg, ajoute : « Il faut vraiment que la Ville protège mieux ses cyclistes aux carrefours. Actuellement, on risque souvent de se faire frapper par une voiture qui tourne. »

Autre point de danger selon lui : les pistes cyclables dessinées sans aucune sépara- tion physique. « On est coincé entre le trafic à gauche et les voitures stationnées ou les autobus à droite. Ce n’est pas sécuritaire ni plaisant. » Heureusement, il constate que les automobilistes sont de plus en plus respectueux des cyclistes.

Inégalités

Les deux adeptes du vélo affirment par ailleurs que tous les coins de Winnipeg ne sont pas égaux en matière de pistes cyclables. « Le North-End est très mal desservi, estime Brian Pincott. Le quartier est totalement déconnecté du reste de Winnipeg au niveau du transport actif, et dangereux à vélo.

« Même moi qui suis habitué, je dois vraiment penser à l’avance à mon trajet si je dois m’y rendre. Et souvent, je vais parcourir 12-15 kms à vélo plutôt que 6-7 kms en voiture, car le trajet direct serait trop dangereux. »

Mark Cohoe mentionne pour sa part la route Henderson où « on se fait coincer », Transcona où « c’est très difficile d’entrer et sortir des voies principales », ou encore Saint-Vital où, « il n’y a pas beaucoup de pistes cyclables directes ».

Miser sur la création d’un véritable réseau cyclable leur semble donc incontournable. « Pas un réseau pour ceux qui n’ont pas peur, mais pour les familles et ceux qui voudraient se déplacer à vélo mais ne se sentent pas assez en sécurité, précise Brian Pincott. Quand ces gens-là circuleront en ville à vélo, on aura réussi. »

Optimisme

Brian Pincott et Mark Cohoe gardent espoir. « La Ville a rétabli les routes cyclables, limitées en permanence à 30 km/heure, souligne ce dernier. Il y a aussi des rues entièrement fermées aux voitures l’été, comme la Wellington. C’est beaucoup plus agréable et sécuritaire pour les familles qui veulent rouler à vélo ou marcher. »

En outre, les pistes cyclables récentes tendent à être mieux protégées des voitures. C’est le cas de celles sur la rue Goulet, ou encore sur l’avenue McDermott au centre-ville. (1)

Côté budget municipal aussi, la place accordée au transport actif, dont les pistes cyclables, est en augmentation, avec tout de même des limites. « On parle d’environ 2 millions $ consacrés au développement d’un réseau de pistes cyclables, précise Mark Cohoe. Or pour créer 1 km de piste, il faut 1⁄2 million $! »

Bike Winnipeg continue donc de faire du lobbying auprès de la Ville pour que les pistes cyclables deviennent une priorité et que plus d’argent soit alloué au développement d’un réseau cyclable à Winnipeg.

« La Ville fait quand même un bien meilleur travail aujourd’hui qu’il y a quelques années, termine-t-il. Mais c’est encore très lent et inégal d’un quartier à l’autre. »

Changements en cours

La Ville de Winnipeg n’a pas pu nous accorder d’entrevue dans nos délais, mais Julie Horbal Dooley, coordonnatrice des communications, a envoyé une déclaration par courriel : « L’infrastructure, la politique et les projets en matière de cyclisme sont guidés par les stratégies approuvées par le Conseil. En fin de compte, notre objectif est de faire de la marche et du vélo des modes de transport sûrs, pratiques et confortables.

« Je conteste l’affirmation selon laquelle les choses évoluent lentement, car notre réseau cyclable est passé de 692 kilomètres de voies en 2019 à 815 kilomètres de voies en 2023. Cela représente une augmentation de 15 % en cinq ans. « Certes, il ne s’agit pas uniquement de pistes cyclables protégées, mais ce type d’infrastructure n’est pas le meilleur traitement à tous les endroits. Notre réseau comprend des pistes cyclables sur rue et séparées, des voies vertes de quartier et des sentiers polyvalents. Près de 7,2 millions $ sont consacrés à l’amélioration des transports actifs dans le budget d’investissement de 2024. »

(1) Pour plus d’information sur le réseau cyclable à Winnipeg ou pour trouver des groupes de vélo locaux, visitez bikewinnipeg.ca.