En tant que première francophone à la tête de cette Commission, Me Karine Pelletier tient à développer un volet de sensibilisation autant sur les droits linguistiques que sur la portée de la Commission.
La Commission du travail du Manitoba n’est pas un nouveau terrain pour Me Karine Pelletier. En effet, à partir de 2016, elle est devenue la vice-présidente à temps partiel. Puis rapidement, en 2018, elle a pris le poste de vice-présidente à temps plein. Finalement, à la suite du départ à la retraite de Colin S. Robinson, le gouvernement du Manitoba a nommé Me Karine Pelletier comme présidente de la Commission du travail
Pour arriver à sa nomination, il y a eu un certain processus que Me Karine Pelletier détaille. « Il faut souligner qu’au Manitoba, nous avons une loi assez unique que plusieurs juridictions nous envient. Les choix de présidents et de vice-présidents sont faits après des consultations avec les représentants des groupes syndicaux et des représentants du côté patronal. Ils établissent ensuite une liste de noms que le gouvernement considèrera pour les postes.
« Il faut un consensus entre les représentants. Ce qui signifie que le gouvernement provincial ne décide pas tout seul de qui assurera la présidence ou la vice-présidence. »
C’est donc une véritable reconnaissance de son travail. À l’année longue, la Commission du travail Manitoba agit en vertu de 14 lois manitobaines. Me Karine Pelletier souligne que « la Commission est un tribunal administratif spécialisé, indépendant et autonome. On est responsable de l’arbitrage de causes qui nous sont présentées. Nous avons un rôle dans plusieurs lois.
Principalement, nos décisions sont en vertu de la Loi sur les relations du travail, le Code et normes d’emploi, la Loi sur la sécurité et l’hygiène du travail. »
Droits linguistiques
Après avoir remis en contexte ce nouveau poste, Me Karine Pelletier, qui est aussi la présidente de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba, se tourne vers quelques éléments qu’elle souhaite apporter à la Commission. « Je veux augmenter notre capacité linguistique. J’aimerais beaucoup que la Commission puisse offrir un service complet en français pour ceux et celles qui veulent se présenter devant la commission. Il faut faire de la sensibilisation sur le fait que les gens peuvent être entendus dans la langue officielle de leur choix. »
En effet, Me Guy Jourdain, qui a oeuvré une grande partie de sa carrière dans les droits linguistiques, tient à faire un point qui est peu connu. « Selon l’article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba, les tribunaux au sens traditionnel doivent fonctionner dans les deux langues officielles. Au Manitoba, ce sont la Cour du Banc du Roi, la Cour provinciale et la Cour d’appel.
« Cependant, dans la jurisprudence de la Cour suprême, il a été dit que l’article 23 s’appliquait aussi aux tribunaux administratifs dont la Commission du travail fait partie. »
Première francophone et première Métisse à la Commission
Me Karine Pelletier est la première francophone et la première Métisse à siéger à la Commission. « Ce n’est pas un poste qui est vacant très souvent. Avant moi, l’ancien président était en poste depuis 2012. En 40 ans, il y a eu quatre hommes qui ont occupé ce poste.
« Je vais apporter de nouvelles lentilles. C’est toujours bien d’avoir du changement. »
Me Guy Jourdain appuie les propos de sa consoeur. « Avoir des gens bilingues bien placés dans nos institutions a quatre effets selon moi. Tout d’abord, ce sont des personnes qui sont capables d’entendre des causes directement en français sans interprète. C’est fondamental.
« Elles vont aussi avoir les compétences interculturelles nécessaires pour entendre les gens de partout dans la francophonie. Avec l’immigration, le besoin va être croissant.
« Ce sont aussi des personnes qui vont pouvoir mettre des pressions dans l’appareil judiciaire pour souligner les besoins. Et enfin, elles deviennent des modèles pour les générations de bilingues à venir que ce soit des francophones langue première ou langue seconde. »
Une certaine accessibilité
Me Karine Pelletier a déjà quelques idées de changements qu’elle souhaiterait opérer au sein de la Commission du travail du Manitoba.
« Par exemple, j’aimerais rendre la Commission moins intimidante pour les personnes qui y ont affaire pour la première fois. Il y a un volet éducation que je souhaite développer pour que les gens sachent à quoi s’attendre dans cette Commission. On veut éliminer les barrières présentes au maximum. »
À cet égard, la Commission a déjà mené un certain travail puisqu’il est possible de mener des audiences de manière virtuelle. « La Commission a été pensée pour désengorger les tribunaux des procédures administratives. On est censé être plus rapide et plus accessible que les tribunaux.
« Nous avons pu sortir de la pandémie sans arriéré. Nous offrons des audiences hybrides, en personne et nous avons été proactifs pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’arriéré.
« Une audience virtuelle prend beaucoup plus d’énergie qu’une en personne. Mais on offre ce service parce qu’il y a des litiges partout dans la province. »
L’année dernière, la Commission a entendu 219 causes en vertu de la Loi sur les relations du travail, 30 causes en vertu du Code et normes d’emploi et huit causes en vertu de la Loi sur la sécurité et l’hygiène du travail. Il y a eu 47 demandes d’arbitrage et 25 conciliations.
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