Ces ressources s’inscrivent dans une volonté du gouvernement provincial de rendre obligatoire son enseignement.

L’organisation juive indépendante de défense des droits de la personne du pays, B’nai Brith Canada a publié au début du mois de mai son rapport d’audit sur les incidents antisémites au pays. Entre 2022 et 2023, ce chiffre a augmenté de 109,1 % pour atteindre 5 791 incidents. Dans la province du Manitoba, ce chiffre a augmenté de 413 %, soit 261 incidents en 2023. 

Belle Jarniewski, directrice générale du Jewish Heritage Centre of Western Canada, établit un lien très clair entre l’éducation et la propagation de la haine. « L’éducation sur la Shoah est un outil clé contre les préjugés, contre le racisme et qui cultive l’inclusion. C’est un chapitre de l’histoire tragique non pas seulement pour les personnes juives. Mais aussi pour l’humanité. Il faut apprendre à quel point l’escalade de la haine est facile. D’une simple parole, à l’agression physique jusqu’au meurtre. »

C’était donc une demande de longue haleine que de rendre obligatoire l’enseignement de l’Holocauste dans les écoles manitobaines. Belle Jarniewski se réjouit de cette nouvelle étape. « Depuis plus d’un demi-siècle, nous demandons que l’enseignement de la Shoah soit obligatoire. Finalement, nous avons été entendus par le ministre de l’Éducation et il a agi. »

Il faut dire que des discussions avaient déjà lieu en coulisse entre Belle Jarniewski et quelques membres du Palais législatif. Elle détaille. « Après l’élection d’octobre 2023, j’ai demandé une rencontre avec le ministre de l’Éducation. J’ai emmené, avec moi, un excellent éducateur du Westwood Collegiate. Nous avons apporté des ressources et discuté de notre vision. Lors du discours du Trône, le gouvernement provincial a montré sa volonté d’être engagé sur la question, volonté qui s’est concrétisée avec l’annonce du 6 mai. »

De quelle manière?

Belle Jarniewski a donc déjà tout un éventail de ressources prêt pour être distribuées à la prochaine rentrée scolaire. « Les experts recommandent l’enseignement de la Shoah vers la 5e ou 6e année. Avant cela, il est possible de parler d’antisémitisme, d’inclusion et de respect des uns et des autres. 

« Nous recommandons aussi d’avoir un cours sur ce qui s’est passé entre 1933 et 1945. Mais aussi apprendre qui sont les juifs, leur histoire, l’histoire d’Israël et la longue histoire de l’antisémitisme dans le monde. Nous ne voulons pas montrer les juifs comme victimes, il y a toute la richesse culturelle que nous voulons mettre en avant. »

Dans les écoles de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM), l’enseignement de l’Holocauste fait partie du cursus pédagogique au même titre que d’autres génocides. Son directeur général, Alain Laberge pointe qu’« on est toujours à la recherche de ressources pédagogiques alors on remercie le ministère de l’Éducation pour cette initiative. 

« Nous faisons déjà l’étude de l’Holocauste et d’autres génocides. De la 1e année à la 12e, nous abordons l’Holocauste suivant le niveau de compréhension des élèves. »

Cependant, l’étude de ces génocides se fait aussi en sensibilité aux différents élèves des écoles de la division scolaire. « Nous avons des élèves qui viennent de différents pays qui ont pu vivre des horreurs traumatisantes. Alors il faut aussi prendre en compte cette réalité. Parfois, certains élèves ont encore de la famille dans des conflits de guerre. C’est une sensibilité à avoir dans l’enseignement. »

Alain Laberge
Alain Laberge, directeur général de la DSFM. (photo : Marta Guerrero)

Des ressources bilingues 

Belle Jarniewski se veut tout de suite rassurante quant à la disponibilité de ressources bilingues. « Nous n’allons pas réinventer tout le matériel. Nous avons déjà des partenaires au Canada comme la Fondation Azrieli. De leur côté, tout est bilingue, ils offrent des ressources pédagogiques aussi en français. Du côté de l’Europe, il y a aussi des ressources déjà en français. Le matériel est donc déjà présent. »

Alain Laberge sait aussi qu’il peut compter sur l’appui du Jewish Heritage Centre of Western Canada. « Ces nouvelles ressources vont permettre d’aller plus loin, de faciliter les conversations qui peuvent être parfois difficiles. Certaines écoles à Winnipeg travaillent déjà avec le Jewish Heritage Centre of Western Canada. Mais parce que nous sommes une division provinciale, nous devons respecter l’équité dans toutes nos écoles, alors nous essayons d’avoir un cercle de personnes qui apportent des perspectives différentes sans tomber dans les clichés. 

« Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir des ressources significatives. Pas simplement des traductions. Bien évidemment qu’il peut y avoir de très bonnes ressources disponibles grâce à la traduction. Mais c’est important pour nous d’incorporer la voix de personnes juives francophones, d’avoir leurs perspectives aussi. »

Évidemment, pour Belle Jarniewski, il est important que le plus grand nombre ait accès à ces ressources. « Maintenant, c’est plus important que jamais. Avec tout ce qu’on entend, ce qu’on voit. C’est crucial. Aujourd’hui, il y a un détournement de l’histoire. On le voit davantage par rapport au négationnisme. L’influence des réseaux sociaux comme TikTok a permis la prolifération de ce détournement de l’histoire. Alors, rendre obligatoire l’enseignement de la Shoah, c’est absolument crucial pour l’avenir de la société. »

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