La date du 6 juin 1944 reste gravée dans les mémoires de beaucoup de personnes, qu’elles aient ou non vécu l’évènement.

Le 6 juin 1944, plus de 150 000 soldats alliés ont pris d’assaut les plages du Nord-Ouest français, dont plus de 14 000 Canadiens sur la plage Juno en Normandie, dans le but de libérer la France et l’Europe de l’Ouest du joug de l’Allemagne nazie.

Ce débarquement a non seulement été la plus grande opération logistique de débarquement militaire de l’histoire, impliquant sur plusieurs jours quelque trois millions de soldats canadiens, américains, britanniques, australiens, néo-zélandais, français, belges, polonais, tchécoslovaques, hollandais et norvégiens, mais la Bataille de Normandie qui a suivi entre juin et août 1944 a été l’une des plus grandes de la Seconde Guerre mondiale sur le sol européen.

Le Major-général à la retraite des Royal Winnipeg Rifles, Dennis C. Tabbernor, qui s’est enrôlé dans les Royal Winnipeg Rifles en 1967, revient sur ce jour important pour ses camarades d’armes avant lui. « Ce jour a été un tournant vraiment majeur dans l’histoire militaire et dans la Seconde Guerre mondiale. On a débarqué le 6 juin 1944 et moins d’un an plus tard, la guerre était finie en Europe, alors qu’elle durait depuis cinq ans! Le Jour J, c’était donc le début de la fin. »

Les Royal Winnipeg Rifles étaient parmi les troupes arrivées sur la plage Juno pour combattre ce matin-là. Un autre régiment manitobain, les 12th Manitoba Dragoons, a également participé aux combats en Europe de l’Ouest un peu plus tard dans la guerre.

Un tournant longtemps attendu

L’historien du Musée canadien de la guerre spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, Jeff Noakes, précise en quoi le Jour J était un moment charnière dans la guerre : « La France avait été vaincue par l’Allemagne et envahie en partie en juin 1940, puis en totalité en novembre 1942. Ce grand débarquement était donc attendu depuis des années par les Français et tous les pays Alliés.

« Il marquait le retour des combats directs contre l’armée allemande en Europe de l’Ouest, et le succès de l’ouverture d’un front de combat à l’Ouest. Ça redonnait de l’espoir aux Alliés. Ce front allait permettre d’attaquer l’armée allemande de part et d’autre, etdonc de l’affaiblir jusqu’à sa défaite ultime. »

Il mentionne d’ailleurs que dans les mois qui ont suivi le Jour J, plusieurs grandes offensives se sont déroulées à travers l’Europede l’Ouest et ont permis de repous- ser les troupes allemandes, notamment en Provence, en Belgique ou encore dans les Vosges, une région du nord- est français. C’est donc un vent de victoire qui soufflait sur les Alliés à partir du 6 juin 1944.

« Les Forces canadiennes ont notamment joué un rôle central dans une bataille assez peu connue et pourtant très importante, cellede l’Escaut, à l’automne 1944 », signale Jeff Noakes. En effet, cette bataille a redonné aux troupes alliées l’accès au port d’Anvers, entre la Belgique et les Pays-Bas, un port essentiel pour assurer leur ravitaillement afin de poursuivre l’avancée contre l’armée ennemie.

Plus que des bateaux

Dans l’imaginaire collectif, le Jour J renvoie à une image de milliers de soldats entassés dans des petites péniches et se dirigeant vers les plages normandes pour y débarquer à la nage puis à pied. Certes, une grande portion du Débarquement s’est déroulée de cette manière, mais Jeff Noakes rappelle que c’était beaucoup plus complexe que cela.

« Il y avait aussi des soldats qui débarquaient avec des chars d’assaut et autres véhicules transportés sur des grands bateaux, ou même amphibies. C’étaient des opérations compliquées. D’ailleurs, beaucoup de chars ont coulé le 6 juin, non pas à cause de l’action ennemie, mais à cause des conditions des eaux!

« Il y avait également des parachutistes. Le premier Bataillon canadien de Parachutistes a été transporté par avion puis parachuté à l’est des plages du Débarquement, avec pour mission de bloquer les troupes allemandes en cas d’offensive par l’est. »

Un devoir de mémoire

Pour la Ministre canadienne des Anciens combattants, Ginette Petitpas Taylor, ceci ne fait aucun doute :

« Ces hommes qui sont partis en direction de la Normandie le 6 juin 1944 étaient très braves. Ils savaient que si le Débarquement échouait, ils ne pourraient pas se cacher. C’était un engagement militaire très difficile, un véritable sacrifice. On a perdu 359 Canadiens ce jour-là. »

La Marine royale canadienne lors du Débarquement de Normandie. (La Marine royale canadienne lors du Débarquement de Normandie. (photo : Gracieuseté Musée canadien de la guerre – collection d’archives George-Metcalf / Gilbert Alexander Milne)

Sur l’ensemble de la guerre, le Canada a perdu plus de 45 000 hommes, et 55 000 autres sont rentrés blessés.

« Comme Canadiennes et Canadiens, nous avons tous et toutes la responsabilité de s’assurer qu’on ne va jamais oublier le sacrifice de ces personnes, de leur rendre hommage et de les remercier, reprend la ministre. Le Jour J, et la Bataille de Normandie qui a suivi, sont parmi les engagements militaires les plus importants et significatifs du Canada au cours du 20e siècle. »

Un devoir de mémoire aidé en partie par l’industrie du film, puisque de nombreux films et séries se sont inspirés des évènements du 6 juin 1944.

« Grâce au cinéma, beaucoup de gens sont très intéressés par les questions de stratégie militaire autour du Jour J, mais aussi par les perspectives plus personnelles. Ils veulent comprendre l’expérience vécue par les soldats canadiens durant la Seconde Guerre mondiale, constate Jeff Noakes au Musée canadien de la guerre.

« Le Jour J, c’est une histoire dramatique et héroïque par excellence. C’est simple, il n’y avait pas de plan B, il fallait que le débarquement soit un succès. Et les Canadiens l’ont fait pour un pays, un continent autre que le leur. Ça, ça touche directement le côté humain, les émotions, même si on ne connaît personne dans son entourage qui a vécu l’évènement. On se sent tous concernéspar ce moment de l’histoire canadienne, d’autant plus que tout s’est fini par une victoire sur le mal. »