Sylvie Lacerte, la commissaire de l’exposition, donne les clés de sa démarche.
L’année 2022 a marqué le centenaire de l’artiste canadien Jean Paul Riopelle, décédé en 2002. Tout au long d’une carrière de cinquante ans, l’artiste a prouvé qu’il ne se préoccupait pas des étiquettes ou des modes. Il était simplement guidé par son désir de s’exprimer avec tous les moyens artistiques qui lui tombaient sous la main.
Voilà le Riopelle que veut montrer la Dr Sylvie Lacerte.
Par les pièces choisies pour l’exposition, elle voulait mettre en valeur l’étendue d’un travail réalisé tout au long d’une vie, dont des mosaïques pour lesquelles Jean Paul Riopelle est reconnu. Mais aussi des sculptures, des empreintes et des aquarelles.
Des visiteurs surpris
Objectif atteint : Sylvie Lacerte a remarqué l’étonnement des visiteurs. « Ils n’arrivaient pas à croire que toutes ces oeuvres avaient été réalisées par la même personne. Riopelle était tellement curieux d’explorer de nouvelles facettes de son art.
« Sa curiosité a commencé jeune, en étudiant la peinture et le dessin. Riopelle était captivé par la multitude de moyens avec lesquels il pouvait explorer et s’exprimer. Un enthousiasme débordant un temps étouffé par la culture québécoise traditionnelle, dictée par l’Église catholique et renforcée par le gouvernement provincial de l’époque. »
Avec l’appui de l’influent Paul-Émile Borduas, il est devenu cosignataire et créateur de l’illustration de la couverture du Refus global, un manifeste historique qui dénonçait la culture rigide du temps.
À cause du rejet social de pratiques expérimentales chez lui, Jean Paul Riopelle est allé en France où il a trouvé de nouvelles influences et la liberté d’explorer sans limites.
De nouvelles influences à explorer
Sylvie Lacerte a cherché à mettre en valeur ces influences. « Il était dans son propre monde lorsqu’il créait. Mais il n’était pas aveugle à ce qui se passait autour de lui. Beaucoup de gens ont dit que ses oeuvres étaient dépassées, ce qui n’était pas vrai. En fait, ses oeuvres étaient très novatrices et pertinentes. Il était au courant de toutes les tendances dans le monde de l’art. »
L’influence des courant d’art du temps sont d’ailleurs plus qu’évidente dans sa relation avec la peintre américaine Joanne Mitchell. Sylvie Lacerte a tenu à démontrer la façon dont ils se sont mutuellement influencés. D’où la présence d’oeuvres de Joanne Mitchell dans l’exposition.
Mais la commissaire est allée plus loin. « L’héritage de Riopelle est présent dans le travail d’artistes modernes. Il n’était pas qu’un artiste abstrait. Comme il était aussi paysagiste, j’ai inclus le travail de Aïda Vosoughi, une artiste née en Iran qui travaille à Montréal. »
Une mosaïque d’aquarelles
Displaced Landscapes II par Vosoughi représente les paysages déformés par les conflits armés et les catastrophes écologiques au Moyen-Orient à travers une mosaïque d’aquarelles qui rappelle les mosaïques des paysages créés par Riopelle durant les années 1950.
Une autre pièce contemporaine présentée rend hommage à la fois à la fantaisie de Jean Paul Riopelle et à son amour du hockey (qu’il avait concrétisé dans son oeuvre Hommage à Duchamp (Hommage à Maurice Richard). L’oeuvre de Marc-Antoine K. Phaneuf combine les deux aspects de sa personnalité en un seul tableau, intitulé Peinture canadienne.
La pièce évoque un assemblage de couleurs placées complètement au hasard. C’est le moyen choisi par cet artiste qui a voulu travailler dans la continuité de l’héritage de Riopelle. La toile est entièrement recouverte de cartes de hockey. Détail remarquable : l’oeuvre change suivant l’endroit où elle est exposée.
Pour rendre hommage au Musée des Beaux-arts de Winnipeg, chaque carte de hockey utilisée dans cette mosaïque représente un joueur des Jets de Winnipeg, tout comme elles représentaient des joueurs des Sénateurs d’Ottawa lors de son lancement dans la capitale nationale.
Les partis pris de Sylvie Lacerte révèlent le plein sens du titre de l’exposition : Riopelle: Crossroads in Time / À la croisée des temps. « Riopelle a traversé plusieurs décennies au fil desquelles il a rencontré une multitude d’artistes. Il est un carrefour en soi pour les artistes d’aujourd’hui. Comme Riopelle était en plus un conteur, j’ai aussi voulu raconter une histoire couvrant plusieurs décennies qui aboutit à aujourd’hui après avoir partagé le plus possible de sa personne et de ses oeuvres. »