Lorsqu’ils avaient été adoptés en 2015, les Objectifs de développement durable semblaient ambitieux : réduire la pauvreté, le gaspillage alimentaire et les gaz à effet de serre ; augmenter l’accès à l’éducation, le recyclage et l’aide au développement.
Aussi appelé « Agenda 2030 » en référence à l’année cible, il s’agit d’un plan d’action né d’une prise de conscience relativement récente : tous ces enjeux sont interconnectés. C’est-à-dire qu’on peut, par exemple, travailler à réduire la pauvreté à l’échelle mondiale en améliorant l’éducation. Et le fait de protéger la biodiversité crée des emplois locaux, tout comme la réduction du gaspillage de l’eau potable contribue au développement économique, à la santé des populations et en particulier, à la santé des groupes les plus pauvres.
Ces 17 objectifs se divisent en 169 cibles : or, de ce nombre, seulement 16 % auront été atteintes en 2030, si la tendance actuelle se maintient, selon la dernière édition du rapport, produit annuellement par un groupe de chercheurs choisis pour évaluer les progrès.
Il faut rappeler qu’il s’agit d’un accord non contraignant, c’est-à-dire qu’un pays qui n’atteint pas ses objectifs n’aura aucune « pénalité ». Et c’est en partie ce qui explique qu’en 2030, il y aura toujours 575 millions de personnes vivant dans une pauvreté « extrême », 600 millions souffrant de famine et 84 millions d’enfants sans accès à une école.
Sans se concentrer outre mesure sur l’année 2030, il est possible d’améliorer les approches actuelles, suggèrent quelques-uns de ces chercheurs d’Europe et des États-Unis dans une édition récente de la revue Nature. Par exemple, l’objectif d’élimination de la pauvreté devrait, écrivent-ils, être accompagné d’une augmentation des mesures de protection sociale des plus vulnérables. La guerre aux famines devrait aussi s’attaquer à la malnutrition.
En d’autres termes, ils proposent d’accroître les ambitions, plutôt que de les réduire, là encore au nom du principe que tous ces problèmes — sociaux, sanitaires, environnementaux — sont interconnectés. Et en repensant le calendrier : 2050 avec ces cibles plus ambitieuses, plutôt que 2030.
« Les actions demeurent trop souvent en silo, et les stratégies, mal coordonnées. » Par exemple, les fonds d’aide à la reprise économique post-COVID sont souvent allés à des industries polluantes, nuisant du coup à l’atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Même l’accélération de l’intelligence artificielle (IA) peut justifier de repenser ces objectifs, ajoutent-ils : l’IA pourrait donner un coup de pouce à 134 des cibles, par exemple, par des diagnostics médicaux plus rapides ou de meilleures prévisions météorologiques. Mais elle pourrait aussi nuire à certaines des cibles, notamment, en alimentant la désinformation.
C’est un rappel à l’ordre utile, souligne la revue Nature en éditorial, sachant que, pour les chercheurs du monde entier, s’entendre sur des cibles signifie qu’il faut aussi s’entendre sur des méthodes pour mesurer les progrès, s’il y en a. En 2015, lorsque les différents pays s’étaient entendus sur les 17 objectifs de développement durable, « seulement 60 % des indicateurs » étaient accompagnés d’une méthodologie qui faisait consensus dans la communauté scientifique. Si les cibles de 2030 doivent être repensées, ajoute Nature, on n’aura pas trop de temps d’ici 2030 pour faire s’entendre sur ces chiffres les gouvernements et leurs intérêts parfois contradictoires.