avec des informations d’Hugo Beaucamp
Aujourd’hui père de trois filles de 13, dix et quatre ans, il continue cette tradition qu’il souhaite à son tour transmettre à ses enfants.
« Partager la chasse avec mes filles, c’’est important pour moi, confie Daniel Dupont. Je ne les ai pas encore apportées dans le bois avec moi, mais c’est quelque chose que je veux vraiment faire. »
Lui-même se souvient de sa première expérience de chasse avec son père. « Mon premier type de chasse, ça a été la Gélinotte huppée. Ça ressemble à une perdrix. Aujourd’hui quand j’en ramène à la maison, avec mes filles on regarde toutes les parties, on les déplume, on garde la viande… Dans ce sens, elles ont déjà une connaissance de la chasse. »
Si transmettre l’art de la chasse à sa descendance est si important pour Daniel Dupont, c’est que c’est un élément important de la culture métisse qui n’est pas si évident à conserver aujourd’hui.
« De plus en plus de personnes des Premières Nations ou métisses vivent dans des milieux urbains, donc garder ce rapport avec la nature demande un effort, observe-t-il. Et c’est un défi encore plus grand de convaincre les jeunes. Pourtant, quand ils apprennent comment attraper et débiter un animal, comment tanner une peau, on voit qu’ils développent une certaine fierté. Ils sont intéressés par ces traditions, ces connaissances. C’est le fun de voir ça. »
Pour sa part, Daniel Dupont continue de chasser avant tout pour être en connexion avec la nature. « Pour faire la chasse, il faut forcément passer du temps en nature, se connecter avec l’environnement. Pour moi, c’est quelque chose de très personnel. Je sens que je fais partie de l’écosystème, du cercle de la vie.
« J’aime aussi les différentes habiletés que cela permet de développer, comme savoir lire ses environs. Tu vois des traces, de la végétation pliée, et tu sais qu’un animal est passé par là. Je trouve ça vraiment intéressant, de même que l’idée d’attraper ma propre nourriture. C’est spécial de pouvoir continuer cette tradition qui se transmet depuis des générations. »
La valeur du partage
Il mentionne également les valeurs sociales, familiales et communautaires de la chasse. « C’est un moment que j’ai souvent partagé avec ma famille, mon père et mes frères. Avec quelques amis aussi parfois.
« Mais que ce soit avec la chasse, la pêche, la cueillette ou autre, l’aspect social le plus important, c’est que tout ce qu’on ramène à la maison n’est pas juste pour soi et sa famille immédiate. On partage avec les grands-parents, les oncles, les tantes, les amis de la famille, etc.
« C’est un côté social de la chasse chez les Métis qu’on retrouve aussi chez les Premières Nations. Tout le monde ne peut pas se rendre dans le bois et faire de la chasse, que ce soit pour des raisons de santé, économiques ou autres, donc ceux qui peuvent le faire partagent pour que tout le monde ait accès à de la viande, du poisson, des fruits.
« Cette valeur du partage est ancrée dès un jeune âge chez les enfants Autochtones et Métis. Quand on a chassé ou pêché, c’est important pour nous de faire certain que tout le monde a eu sa part avant même de prendre la nôtre. »
Respecter l’animal
Daniel Dupont chasse surtout le cerf de Virginie, la Gélinotte huppée et parfois l’orignal. Il pêche aussi. « Quand les Métis chassent, on utilise vraiment tout ce qu’on peut de l’animal, explique-t-il. C’est une question de respect envers lui. De nombreuses personnes autochtones ou métisses, quand elles chassent, ont cette croyance que c’est l’animal qui se donne au chasseur. On veut donc respecter ce don de l’animal, ce don de sa vie en ne gaspillant rien. »
Ainsi, outre la viande, la fourrure et la peau sont conservées pour être tannées plus tard, ainsi que le cerveau qui sert au tannage. « Utiliser le cerveau de l’animal, c’est la façon traditionnelle de tanner une peau, précise Daniel Dupont. Sauf pour le bison. Son cerveau est trop petit par rapport à sa peau.
« La moelle osseuse peut aussi être gardée pour le tannage, surtout celle des os des pattes. Et je sais que des communautés autochtones gardent d’autres parties pour faire des vêtements traditionnels, des hochets, des bijoux, différents objets traditionnels. Ils utilisent quasiment tout. »
Daniel Dupont tanne des peaux depuis un jeune âge, y compris maintenant qu’il réside en ville. « Je tanne plusieurs peaux dans ma cour. Il a fallu que je parle à mon voisin pour qu’il ne s’inquiète pas! Le tannage est un processus qui demande beaucoup de patience et de travail, surtout pour la peau de bison. C’est la première peau que j’ai tannée et probablement la plus difficile! »
Toujours dans l’esprit de respecter l’animal, Daniel Dupont insiste sur l’importance pour tous les Autochtones de « minimiser les chances de blesser et de faire souffrir l’animal. S’il est loin en train de courir, et qu’il y a peu de chances de le tuer, on ne commence pas à tirer ».
Par ailleurs, certains chasseurs préfèrent éviter de viser les animaux ayant le plus de vigueur et de panache car ceux-ci sont les meilleurs pour se reproduire. « Quand on le peut, on prend plutôt des animaux qui ne sont plus dans leur prime jeunesse. On ne doit pas non plus abattre les femelles ayant des petits. Il y a des règles éthiques à respecter, elles sont dans le Guide de chasse de la Fédération Métisse du Manitoba (FMM). (1) »
Beaucoup de chasseurs font également une offrande de tabac avant de chasser. « On le fait pour demander s’il y a un animal qui serait prêt à donner sa vie pour nourrir notre famille, notre communauté, et pour le remercier de son cadeau. »
Un grand territoire
Au Manitoba, les Métis de la Rivière-Rouge qui possèdent une carte de chasseur-cueilleur de la FMM peuvent chasser n’importe où au sud de la ligne allant de la rivière Winnipeg, au sud-est, à la région du Pas, au nord-ouest.
« Il y a tout un système, explique Daniel Dupont. Tu paies chaque année à la FMM un montant pour avoir un permis qui couvre essentiellement toutes les espèces, incluant le poisson, et tu indiques combien de chaque tu penses prendre. Tu reçois alors de la FMM des étiquettes, des tags, à attacher à chaque animal. Si tu n’as pas pris autant d’animaux que prévu, tu redonnes les tags qui n’ont pas été utilisés à la FMM. Comme ça, ils peuvent garder compte des populations. »
Au nord de la ligne, les Métis doivent se procurer un permis de chasse régulier de la Province pour chaque espèce qu’ils prévoient abattre.
Pour ce qui est des chasseurs des Premières Nations, à condition d’être munis d’un certificat de statut d’Indien délivré par le gouvernement fédéral, ils n’ont pas besoin de permis pour chasser à des fins alimentaires. Et ce, partout sur le territoire manitobain.
(1) https://www.mmf.mb.ca/wcm-docs/docs/departments-citizenship/metis-laws-of-the-harvest_final.pdf