Ce ne sont pas moins de 42 témoins au cours de huit audiences publiques et de mémoires présentés par divers experts et intervenants que le Comité sénatorial des droits de la personne a entendu et lu avant de publier leur rapport, Arrachés de leurs foyers : La crise mondiale des déplacements forcés (1).

Depuis 1980, d’après le site des Nations Unies, le Canada a accueilli 1 088 015 réfugiés, Amina Gerba, sénatrice du Québec pour Groupe progressiste du Sénat, fait partie de ce comité, elle relate. « Le Canada a un long et fier héritage d’accueil des réfugiés, et ce chiffre témoigne de l’engagement du pays envers les personnes en quête de protection. Cependant, comme nous l’avons vu dans l’étude sénatoriale sur les déplacements forcés, la crise des réfugiés est en constante évolution. Il est possible de faire mieux. »

Le Comité sénatorial a d’ailleurs fait 15 recommandations séparées en trois plans d’action : mondial, régional et national. La recommandation n˚6 s’intéresse particulièrement aux programmes de parrainage pour les réfugiés. Néanmoins depuis le 28 novembre, deux groupes qui peuvent parrainer sont mis en pause. Une préoccupation pour Amina Gerba. « L’annonce de la suspension de certains groupes du programme de parrainage privé de réfugiés est préoccupante. Ce programme a été l’une des pierres angulaires de l’engagement du Canada envers les réfugiés. Il permet à des Canadiens de s’impliquer directement dans l’accueil et l’intégration des réfugiés, créant ainsi un lien humain et solidaire. La pause de ces groupes représente un frein aux initiatives communautaires et à la participation active de la société civile. »

Il faut donc agir sur plusieurs fronts simultanément comme le souligne Amina Gerba. « Il y a plusieurs défis dans l’accueil et l’intégration des réfugiés. D’abord, les ressources disponibles ne sont pas toujours suffisantes pour soutenir efficacement l’intégration rapide des réfugiés dans nos communautés. Cela inclut l’accès à des logements abordables, des services de santé, et une aide à l’emploi.

« De plus, il y a encore des obstacles à l’obtention de l’éducation et des formations professionnelles adaptées. Le manque de sensibilisation et de formation sur les questions liées aux réfugiés, tant au sein des gouvernements provinciaux qu’auprès de la population générale, reste aussi un frein à une intégration réussie. Nous devons également renforcer les services de santé mentale, car les réfugiés ont souvent vécu des traumatismes graves. »

Les réfugiés climatiques

Ce qui est particulièrement marquant dans ce rapport c’est aussi la reconnaissance des réfugiés des changements climatiques. « La reconnaissance des réfugiés climatiques est une question urgente. Les événements climatiques extrêmes, comme les inondations, les sécheresses et les tempêtes, ont forcé des millions de personnes à fuir leurs foyers. Bien qu’ils ne soient pas actuellement reconnus par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la réalité de ces déplacements massifs nécessite une réponse internationale. »

Elle souhaite que le Canada se démarque dans cette question. « Le Canada a un rôle de leader à jouer en reconnaissant les réfugiés climatiques et en adaptant ses politiques d’asile pour inclure les effets du changement climatique dans le statut de réfugié. L’inaction face à cette question met en danger non seulement la sécurité des personnes, mais aussi l’efficacité des systèmes d’asile à long terme.

« Le changement climatique est une urgence mondiale, et le Canada, en tant que pays développé et grand émetteur, doit prendre des mesures beaucoup plus ambitieuses. Bien que des efforts aient été faits, il est clair que des actions concrètes et immédiates sont nécessaires pour respecter nos engagements climatiques. »

Mais il ne suffit pas que le Canada travaille à de meilleures politiques d’intégration, il y a aussi une sensibilisation à faire au sein de la population canadienne. « L’éducation sur la question des réfugiés est cruciale pour favoriser une meilleure compréhension des enjeux et de l’importance de l’intégration. Il y a sans doute des progrès à faire pour que les provinces et territoires soient mieux soutenus pour aborder cette question. L’éducation doit permettre de développer des attitudes inclusives et de lutter contre la stigmatisation des réfugiés. »

Politique États-Unis et Canada

Enfin la question des réfugiés est évidemment une question politique, Amina Gerba souligne qu’ « au Canada, les élections de 2025 seront l’occasion de réaffirmer notre engagement envers les réfugiés et les droits humains. Il est essentiel que, quel que soit le gouvernement en place, la question des réfugiés et des déplacés forcés reste une priorité. Le Canada doit continuer de se positionner comme un leader dans la protection des droits des réfugiés, tant au niveau national qu’international. »

Les yeux sont également tournés vers notre voisin du sud. « Aux États-Unis, l’orientation politique du gouvernement aura un impact majeur sur la protection des réfugiés et les droits des demandeurs d’asile, notamment en ce qui concerne les politiques de séparation familiale et les restrictions à l’immigration. »