Quelques semaines seulement après son entrée en fonction, le président des États-Unis, Donald Trump, a enchaîné les signatures de décrets en tout genre.

Il a notamment pris la décision de faire sortir le pays de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alors que les É-U en étaient le plus important contributeur financier avec 1,3 milliard de $. En parallèle, Donald Trump a également gelé la majeure partie des fonds distribués par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) pour une période de 90 jours.

Avec un budget annuel de 42,8 milliards de $ en 2025, l’USAID représente à elle seule 42 % de l’aide humanitaire mondiale.

Sans surprise donc, ces décisions ne sont pas sans conséquences à l’échelle mondiale et pour le comprendre, la Dre Julie Lajoie, professeure adjointe au département de microbiologie médicale et des maladies infectieuses de l’Université du Manitoba raconte les réalités sur le terrain.

Depuis 45 ans, l’Université du Manitoba et le Sex Worker Outreach Program (SWOP) travaillent en partenariat pour développer et mettre en place des stratégies de traitement et de prévention du VIH et autres maladies sexuellement transmissibles à Nairobi au Kenya. Ce partenariat, insti- gué par les docteurs Elizabeth Ngugi et Francis Plummer, avait permis la création d’une clinique dans le quartier de Punwani à Nairobi.

Le programme collaboratif entre l’Université du Manitoba et le SWOP, compte aujourd’hui neuf cliniques financées par le President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR), un soutien économique désormais inter-rompu. Lancée sous George W. Bush en 2003, il s’agit de la plus grande initiative de santé mondiale consacrée à une seule maladie.

Des services essentiels

Sept de ces cliniques sont dédiées aux travailleuses du sexe, une pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes et une qui est réservée aux personnes trans. Pour ces cliniques, le programme PEPFAR représentait 1,5 million $ par année et permet notamment de payer le personnel médical.

De plus, au Kenya, le travail du sexe, être un homme homosexuel ou une personne trans est illégal. En revanche, l’accès aux services de santé est inscrit dans la constitution du pays, « ces cliniques les protègent », et leur assure que leur droit aux soins est respecté.

Dre Julie Lajoie passe en revue les services qui y sont offerts.

« Le traitement et la prévention contre le VIH, on y fait des dépistages pour les maladies sexuellement transmissibles, pour la tuberculose et toutes les autres maladies qui sont en comorbidité avec le VIH-SIDA, et enfin on y offre un accès à la contraception. »

Selon l’experte, les services de ces cliniques touchent près de 50 000 personnes.

Ce sont donc 50 000 vies humaines qui sont désormais en danger.

Au moment de son entretien avec La Liberté, la Dre Julie Lajoie indiquait avoir appris quelques jours plus tôt qu’un moyen avait été trouvé pour continuer d’offrir des médicaments antirétroviraux, qui bloquent la réplication du VIH et en réduisent la charge virale. « Au moins, ces gens-là vont être capables de poursuivre leur traitement pendant les 60 prochains jours. »

Mais si l’argent venait à manquer, les conséquences seraient catastrophiques.

D’abord, sans ces traitements ni la prévention qui accompagne les enjeux autour du VIH, le virus serait de nouveau capable de se transmettre, réduisant à néant 45 ans d’efforts, l’experte craint « que l’on se retrouve avec une pandémie de VIH hors de contrôle ».

Un danger imminent

Et bien sûr, comme l’histoire l’a déjà démontré, « si dans 60 jours on ne peut plus offrir de traitement, il y a des milliers de gens qui vont mourir ».

« On a des patientes qui sont enceintes et qui vivent avec le VIH. Avec le traitement, elles réduisent leurs chances de transmettre le virus à leur enfant à quasiment 0 %. On parle de milliers de personnes qui pourraient mourir d’une maladie que l’on peut contrôler. »

En plus des conséquences humaines, la disparition potentielle du SWOP aurait également un impact sur la recherche autour du VIH. Comme le souligne la docteure, les femmes impliquées dans le programme ont permis de faire des découvertes et d’améliorer la compréhension du monde médical vis-à-vis du VIH.

«  Ce groupe a été le premier à découvrir que les femmes hétérosexuelles pouvaient être infectées, que les mamans pouvaient transmettre le virus via le lait maternel ou encore que la circoncision puisse aider à prévenir la transmission. »

La pérennité du programme est donc de grande importance, pour les personnes là-bas, au Kenya, mais plus largement pour le reste du monde.

Quant à ce qui peut être fait à l’heure actuelle, Dre Julie Lajoie tient à rappeler et que tout le monde peut faire entendre sa voix.

« Il est temps pour les Canadiens de se faire entendre et que notre pays devienne un leader dans le domaine de la santé. Soutenons la recherche, nos chercheurs et la santé internationale. »