C’est dans Options politiques, la revue numérique de l’Institut de recherche en politiques publiques que cette lettre ouverte a été publiée il y a tout juste un mois.

Professeurs, essayistes et experts ont donc co-signé un texte intitulé Lettre ouverte au prochain premier ministre : il nous faut une commission royale sur l’avenir du Canada.

L’idée d’une commission royale, comme l’explique la lettre, a pour objectif de soutenir le Canada dans une situation délicate nationalement et internationalement. « Les politiques et les mentalités canadiennes enracinées depuis la fin du XXe siècle sont complètement dépassées. L’heure n’est plus à la complaisance. Le Canada doit se réveiller, s’adapter et s’armer face aux dures réalités d’aujourd’hui », peut-on lire dans l’introduction de la lettre.

« Aucune crise n’a aussi clairement mis en évidence les défis existentiels du Canada que le choc Trump 2.0. Le retour de Trump a brisé nos illusions, forçant les Canadiens à affronter le monde tel qu’il est », explique également cette longue lettre.

Les auteurs parlent aussi du retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis comme « une secousse sismique pour le monde entier. »

Doter le pays d’un plan global

Patrick Leblond, avec Érick Duchesne, Jörg Broschek et Blayne Haggart, est l’un des auteurs de cette lettre. Interrogé avant la fin de la campagne électorale, pour Patrick Leblond, l’objectif d’une commission royale, dans ce cas, c’est de se doter d’un plan global qui durera sur le long terme.

« L’avantage que je vois à une commission royale, c’est que l’on peut faire des avancées à court terme, même à moyen terme. Mais la réduction de la dépendance du Canada envers les États-Unis au niveau économique et en matière de sécurité, ça va prendre des années. Dans le fond, il faut développer un projet de société, si l’on peut dire, sur 10 à 20 ans », explique celui qui est titulaire de la Chaire CN – Paul M. Tellier en entreprises et politiques publiques et professeur agrégé à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

Le professeur en appelle donc à « un plan d’action global et coordonné » pour atteindre cette vision.

Pour y arriver, cela prendra un pays uni. Les Canadiens et Canadiennes ont massivement montré leur patriotisme et identité quand il a fallu répondre aux multiples attaques du président américain envers la souveraineté canadienne. Il a d’ailleurs, le jour des élections du 28 avril, de nouveau parlé d’effacer la « ligne artificielle » qui sépare les deux voisins estimant que cela ne pouvait apporter que « du positif ».

Un procédé qui n’est pas nouveau

Patrick Leblond espère que cette unité durera après les élections et qu’elle permettra de s’asseoir pour trouver des réponses. « Le danger, c’est que tout ça va se faire en silo. Il y en a qui vont regarder simplement le court terme, il y en a qui vont regarder le plus long terme. Et à la fin, l’on va se retrouver à avoir dépensé des sommes énormes ou peut-être pas du tout ou pas assez et l’on n’aura pas vraiment atteint l’objectif, qui, selon moi, est hyper important. Les idées elles existent. Elles sont là mais il faut les fédérer. »

Pour rappel, l’instauration de commissions royales n’est pas une idée nouvelle au Canada. La lettre des experts souligne d’ailleurs l’apport de certaines commissions passées.

« La Commission royale d’enquête sur les relations fédérales-provinciales (1937-1940) a joué un rôle clé dans l’élaboration du modèle social et économique canadien au lendemain de la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale » ou encore la « Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada (1982-1985), également connue sous le nom de Commission Macdonald, a servi de fondement intellectuel à l’ère de la libéralisation des échanges qui est maintenant révolue. »

Toute la société doit y participer

Il est aussi important de préciser qu’une commission royale au Canada a pour but d’enquêter de manière approfondie sur des questions d’intérêt public majeures, mais que leurs recommandations n’aient pas force de loi.

Par ailleurs, Patrick Leblond, qui est aussi professeur affilié au Département des affaires internationales de HEC Montréal, espère qu’une telle idée aura aussi de l’appui populaire, que le monde embarque. Il ne veut pas que la commission ne soit qu’un objet de discussions entre experts, mais que des représentants de la population y participent aussi.

« Il faut aussi que les Canadiens, les entreprises, les gens du gouvernement y participent. Par exemple, il faut aller voir les fonctionnaires et leur dire : si l’on fait ça, est-ce que c’est faisable? Et après, voir les entreprises et dire : si l’on met ça de l’avant, qu’est-ce que ça vous prend pour que ça soit rentable économiquement de votre point de vue? C’est ce genre de discussion. Et si l’on n’a pas ça, si c’est simplement le conseil des ministres, avec le premier ministre et les premiers ministres des Provinces et Territoires qui se disent : ok, on va faire ça, ce qui me fait peur, c’est que l’on va faire mauvaise route et on n’arrivera pas là où on a besoin d’arriver. »

(1) Pour lire cette lettre ouverte : https://uniweb.uottawa.ca/sites/Lettre-ouverte-Commission-royale.