Il mènera l’opposition officielle, mais depuis l’extérieur de la Chambre des communes. Une situation inhabituelle, mais pas sans précédent — et surtout riche en implications politiques.
C’est un gouvernement libéral minoritaire qui l’a emporté lors de ces 45e élections fédérales. Les libéraux ont terminé la course avec 169 députés sur 172 nécessaires pour obtenir un gouvernement majoritaire.
Les conservateurs de Pierre Poilievre quant à eux, ont obtenu 144 députés. Le Bloc Québécois est à 23. Le Nouveau Parti démocratique termine avec 7 députés. Et le Parti vert compte un seul gain au pays.
L’opposition officielle du gouvernement sera donc le Parti conservateur.
Toutefois, la situation de Pierre Poilievre est particulière. Dans sa circonscription de Carleton à Ottawa, le chef des conservateurs s’est incliné face au candidat libéral Bruce Fanjoy.
Au Canada, il est nécessaire d’être élu pour pouvoir s’assoir à la Chambre des Communes et être chef de l’Opposition.
Une situation qui n’est pas tout à fait inédite selon Christopher Adams, professeur adjoint en études politiques à l’Université du Manitoba.
« Ce n’est pas une situation dramatique », indique-t-il.
La solution est d’ailleurs toute trouvée, et a été annoncée le vendredi 2 mai.
Afin de quitter les rangs des spectateurs et revenir s’assoir au Parlement, Pierre Poilievre doit redevenir député.
Pour se faire le député conservateur de la circonscription de Battle River-Crowfoot en Alberta, Damien Kurek démissionne pour lancer une élection partielle à laquelle Pierre Poilievre se présentera. Une circonscription pour le moins sûre, puisque Damien Kurek l’emportait le lundi 28 avril avec 81,8 % des voix.
En sa qualité de premier ministre élu, c’est Mark Carney qui aura la charge de déclencher ces élections. Il a d’ailleurs promis de le faire le plus tôt possible afin que Pierre Poilievre puisse redevenir le chef de l’Opposition officielle. (1)
À noter que Mark Carney aurait pu attendre jusqu’à six mois pour déclencher cette élection. Ce qui lui aurait permis de cantonner son principal opposant hors du Parlement pendant ce laps de temps.
À propos de Pierre Poilievre, Christopher Adams laisse entendre, sans mauvais jeu de mots, que le chef conservateur sera « a pain in the House », autrement dit une épine dans le pied de Mark Carney.
« Il est possible que Mark Carney fasse un peu trainer les choses. Cependant Poilievre aura toujours une présence médiatique devant le Parlement, ce n’est donc pas comme s’il était complètement exclu. »
Position en péril?
Même si la situation n’est pas inédite, elle n’est pas non plus idéale pour Pierre Poilievre. Au lendemain des élections, quelques voix à l’intérieur du Parti se sont soulevées pour demander son départ.
Il faut dire que le chef conservateur était largement en tête des sondages pendant près de deux ans. Mais l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, la démission de Justin Trudeau et l’élection de Mark Carney à la tête des libéraux auront suffi à renverser la vapeur.
Mais peut-on vraiment parler de défaite?
Le Parti conservateur arrive en seconde position, mais avec une place relativement forte. L’on peut noter 25 députés élus de plus qu’en 2021, dont plusieurs dans des circonscriptions traditionnellement néo-démocrates.
Christopher Adams estime que ces élections ont permis à Pierre Poilievre de se « racheter ».
« Il était très bas dans les sondages, puis il s’est rattrapé au cours de la dernière semaine. Il a surpris beaucoup de monde en cantonnant les libéraux à un gouvernement minoritaire. S’ils avaient obtenu la majorité, je pense que Poilievre serait déjà parti. Mais d’avoir remporté plus de sièges que prévu, avoir obtenu plus de 40 % des voix, je pense que ça joue en sa faveur. »
La position de leader de Pierre Poilievre est-elle donc véritablement en danger?
Christopher Adams fait valoir que la question mérite d’être posée.
« C’est possible, le Parti conservateur a passé une Loi il y a quelques années indiquant que les Partis peuvent établir des règles sur la manière de destituer leur chef. Le caucus peut ainsi procéder à un vote pour l’évincer. C’est comme ça que l’ancien chef conservateur Erin O’Toole a été évincé en 2022. Mais je serais surpris de voir Pierre Poilievre poussé vers la sortie, il n’y a aucun remplaçant évident pour lui pour l’heure. »
(1) À noter que le Parti conservateur du Canada a choisi Andrew Scheer pour être temporairement à la tête du parti aux Communes, en attendant le retour de Pierre Poilievre après cette élection partielle.