Par Michel LAGACÉ.

Résumons. Mark Carney a succédé à Justin Trudeau comme Premier ministre au mois de mars, puis déclenché les élections qui ont eu lieu le 28 avril.

N’ayant pas été élu, et après que son parti a perdu son statut officiel à la Chambre des communes, Jagmeet Singh a annoncé sa démission comme chef des néo-démocrates. Jonathan Pedneault, le cochef du Parti vert, en a fait autant lorsqu’il n’a pas réussi à être élu.

Le chef du Parti conservateur, lui, a reconnu sa défaite dans la circonscription de Carleton qu’il représente depuis 2004, mais il a annoncé qu’il avait pourtant l’intention de continuer comme chef de son parti. L’avenir politique à long terme de Pierre Poilievre est cependant fort incertain, même s’il réussit à être élu dans une élection partielle d’ici quelques semaines.

Car, quoi qu’il dise, il n’est pas évident que l’ancien député de Carleton pourra demeurer à la tête de son parti qui a maintenant perdu quatre élections successives aux mains des libéraux, après Stephen Harper, Andrew Scheer et Erin O’Toole. Le parti a laissé tomber Andrew Scheer après les élections de 2019 et le caucus a remercié Erin O’Toole après la campagne de 2021. Ces deux chefs avaient pourtant remporté le vote populaire contre les libéraux, mais pas le nombre de sièges espérés. Or Pierre Poilievre a perdu les deux, en plus de perdre son propre siège.

Forcément, la défaite de Pierre Poilievre ravivera les critiques à l’égard de son style abrasif et de sa campagne électorale que même certains au sein du parti ont jugé déconnectée des inquiétudes des Canadiens dans la perspective de la guerre commerciale avec les États-Unis et des menaces d’annexion par le président Donald Trump.

Et, surtout, le chef du Parti conservateur devra expliquer à ses partisans comment il a laissé fondre l’énorme avantage de 25 points qu’il avait dans les sondages d’opinion. Pourtant les libéraux avaient été au pouvoir depuis 10 ans, un cadeau pour un parti d’opposition. Il a été pris au dépourvu, incapable de pivoter efficacement pour répondre aux menaces de Donald Trump.

Pour sa part, même si Mark Carney n’est qu’à trois sièges d’un gouvernement majoritaire, les défis ne manquent pas. Résumons encore.

Il doit affronter la menace existentielle que pose le Président des États-Unis. Ce faisant, il devra décider s’il veut en arriver à une entente avec le Président américain rapidement ou s’il serait préférable de prolonger les discussions alors que la popularité et le pouvoir de Donald Trump semblent être en déclin parmi les Américains. En même temps, il doit veiller à maintenir l’unité des Premiers ministres provinciaux et territoriaux, peu importe leurs différences politiques.

La menace posée par Donald Trump a repoussé au second plan les problèmes épineux qui auraient normalement été au centre de la dernière campagne électorale. Les prix de l’immobilier et le coût de la vie sont toujours élevés, il reste à définir une politique sur l’environnement et les questions d’unité nationale continuent à préoccuper le gouvernement. Les obstacles au commerce intérieur doivent être éliminés. La construction de grands projets comme les pipelines et la diversification des marchés de l’énergie propre et conventionnelle exigeront l’attention du nouveau gouvernement. Et ces impératifs devront être relevés dans le contexte d’une récession probable cette année tant aux États-Unis qu’au Canada.

Tout comme les conservateurs, les néo-démocrates devront faire un examen de conscience en profondeur car ils doivent considérer ce qu’ils sont et ce qu’ils font, repenser leur idéologie et revoir leurs tactiques et leurs comportements.

Il est essentiel pour la santé de la démocratie canadienne que tout gouvernement soit tenu responsable de ses actes par au moins un parti en mesure de le remplacer au pied levé. Tôt ou tard, le gouvernement actuel devra retourner aux urnes pour affronter le jugement des Canadiens. Car la vie en démocratie, c’est toujours être prêt à se remettre en jeu.