« La liste des caractéristiques protégées en vertu du Code des droits de la personne propose d’être modifiée pour inclure l’expression de genre ».
Voilà ce que proposerait le projet de loi 43, soutenu par Matt Wiebe, ministre de la justice du Manitoba, s’il est voté à l’Assemblée.
L’expression de genre est déjà couverte par le Code des droits de la personne dans la plupart des Provinces.
« Le gouvernement fédéral protège également l’expression de genre depuis 2017, mais l’éducation, la santé, la justice sont du domaine provincial, alors cette fois-ci c’est un travail législatif manitobain », souligne Désirée Pappel, présidente de l’Association des éducatrices et des éducateurs franco-manitobains (AÉFM).
Si elle est adoptée, cette modification du Code manitobain pourrait protéger la préférence d’emploi de certains pronoms par les personnes.
Karen Sharma, directrice générale de la Commission des droits de la personne du Manitoba, a déclaré lors d’une audience publique que ce projet s’appliquerait essentiellement à l’emploi, au logement et à d’autres services, mais qu’il ne régirait pas les interactions entre les personnes ou dans la sphère privée.
Au Manitoba, les audiences publiques sont obligatoires dans le cadre de projets de loi, sauf quand il s’agit du budget provincial.
Alors dans le cadre de consultations, 60 personnes ont souhaité s’exprimer concernant l’ajout d’expression de genre lors d’une audience publique le 24 avril. Les avis semblent mitigés puisque la moitié des intervenants ont affirmé leurs désaccords avec ce projet de loi, justifiés par des inquiétudes juridiques et morales.
Pour le moment, cette loi, qui a été examinée pour la première fois le 18 mars, est toujours en discussion à l’Assemblée.
Ouvrir le débat
« Je pense que l’expression de genre permet plus de sécurité pour aussi s’engager dans la découverte de soi-même », souligne Charlie Dilk.
Pour cet homme transgenre engagé, il est surtout important de rappeler que le genre ne désigne pas qu’une seule chose.

« L’expression de genre est tellement variée et désigne tellement de genres, que c’est loin d’être quelque chose d’universel. »
Pour lui, si la loi est adoptée, elle pourrait avoir un impact positif sur les mentalités. « Cela pourrait permettre d’ouvrir les discussions et d’offrir un meilleur soutien, pour que les personnes se sentent plus en sécurité et se sentent libres de solliciter des services dont elles ont besoin. »
Mais pour Charlie Dilk, c’est aussi une manière de faire avancer les normes sociétales. « Grâce à ça, il serait possible de davantage contredire certaines normes que la société impose et rappeler que le genre et le sexe sont deux éléments très différents, et qu’ils ont chacun un rôle qui leur est propre. »
À titre personnel il raconte qu’encore aujourd’hui, il fait face à des situations inconfortables dans la vie quotidienne liées à son genre, notamment dans l’administration. « Mon expression de genre est parfois mise de côté car on a besoin de se raccrocher à des codes », raconte-t-il.
Et cette manière de catégoriser les personnes peut être une source de mal-être. « Je travaille dans la santé mentale pour les personnes de la communauté LGBTQ+ et je vois les dommages que ça peut générer chez certains. »
Protéger les enfants
Pour Désirée Pappel, cette mesure doit être adoptée, surtout dans la sphère éducative. « Les représentants des communautés scolaires doivent prendre la responsabilité d’empêcher la haine entre les élèves, et ce projet de loi peut le permettre », affirme-t-elle. La question de la souffrance psychologique des élèves appartenant à la communauté LGBTQ+ est prise très au sérieux dans les écoles manitobaines.
« En tant qu’enseignant nous voulons que nos élèves soient en sécurité. »
La présidente de l’AEFM se souvient d’une étude menée sur les discriminations anti-LGBTQ+ au sein des murs de l’école. « Malheureusement on constate que ça existe dans les salles de classe, mais je pense que les élèves sont assez ouverts d’esprit et c’est une question d’éducation, tout le monde doit être éduqué par rapport à la diversité. »
Selon Desirée Pappel, cette loi pourrait aussi participer à légitimer les questionnements de certains enfants sur leur identité de genre.
« Pour certaines personnes qui se cherchent, c’est un bon moyen de les protéger et de leur faire voir la diversité des genres qui existent. »
Face aux débats qui émergent en réaction au projet de loi, la présidente de l’AEFM tient à rappeler que « renforcer les droits de certains n’enlèvent pas de droits aux autres. »
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