C’est un choix qui pourra surprendre les observateurs de la politique fédérale. Ce 21 mai, huit jours après avoir présenté son Cabinet des ministres, Mark Carney, le premier ministre, a donc dévoilé une seule et unique lettre de mandat alors que l’on pouvait s’attendre à ce que chacun des ministres ait sa propre lettre de mandat avec des objectifs spécifiques à atteindre.

Félix Mathieu, professeur agrégé en sciences politiques à l’Université de Winnipeg, qui officie désormais au département de droit à Université du Québec en Outaouais, rappelle d’abord qu’il n’y a « aucune obligation constitutionnelle » de produire ou de présenter publiquement une lettre de mandat.

« C’est une pratique qui a été courante pendant le temps de Justin Trudeau. Mais dans le passé, ce n’est pas tous les premiers ministres qui ont choisi de divulguer les lettres de mandat. »

Pas d’obligation de publier la lettre de mandat

Mais c’est « une lame à double tranchant », avertit Félix Mathieu.

« Lorsqu’on choisit de publier ces lettres, ça fait en sorte que tout un chacun dans la société peut un peu devenir le juge des actions et des résultats de chacun des ministres et de leurs ministères. »

Dans ce cas-ci, Mark Carney a, quant à lui, choisi un compris et a présenté publiquement une seule lettre, la même, pour tous les ministres. « Un choix assez exceptionnel », remarque Félix Mathieu.

Une lettre qui ne va pas au fond des choses, mais qui rappelle d’abord le contexte actuel. La lettre parle là d’un « défi générationnel ».

Le texte évoque également sept priorités sur lesquels le gouvernement va se concentrer. Parmi elles, l’on retrouve les relations avec les États-Unis, bâtir une seule économie canadienne ou encore rendre les logements plus abordables.

« Ça ressemble davantage à l’exquise d’un début de discours du Trône où l’on reprend les grandes orientations que l’on avait mises dans une plateforme électorale, mais l’on reste vraiment en surface. On veut construire une économie pas 13, ça a été dit plusieurs fois dans la campagne électorale. Mais savoir ce que ça veut dire concrètement, on ne le sait pas », dit Félix Mathieu.

« L’exquise d’un début de discours du Trône »

Pour Félix Mathieu, ces lettres de mandat permettent aussi de préciser les responsabilités de certaines ministres. L’expert pense à Joël Lightbound, ministre de la Transformation du gouvernement, des Travaux publics et de l’Approvisionnement.

« On ne sait pas ce que va faire ce ministère-là. On sait, à ce sujet, qu’il y a un comité ministériel, mais qui n’est pas présidé par Joël Lightbound. Il est présidé par François-Philippe Champagne sur la Transformation du gouvernement. On comprend qu’il y aura une action concertée, mais il n’y a qu’une seule petite phrase qui l’explique. Ici, c’est donc davantage de points d’interrogation que de réponses. »

Selon le bureau du premier ministre du Canada, le comité « Transformation du gouvernement / Efficacité du gouvernement coordonne les efforts visant à rendre les services et les processus gouvernementaux plus efficaces et efficients et à améliorer la prestation de services pour les Canadiens. Coordonne les efforts visant à réduire les dépenses publiques ».

Félix Mathieu s’attend tout de même à ce que les ministres reçoivent bien des lettres de mandat, mais celles-ci resteront confidentielles.

« Ils recevront des directrices précises quant aux attentes du premier ministre. Peut-être que l’on a voulu se donner une plus grande flexibilité, ici », pense Félix Mathieu.