Un aperçu de l’état des entreprises queer au Canada.

Créée en 1988, la Chambre de commerce LGBT* du Manitoba était initialement un club destiné à rassembler les entrepreneurs et les professionnels de la communauté queer à la recherche d’un espace sûr pour réseauter et se réunir.

Près de 40 ans plus tard, elle continue de défendre les intérêts des Manitobains 2ELGBTQI+ dans toutes leurs activités professionnelles.

Trouver des espaces inclusifs pour connecter

Ses origines sont révélatrices de l’importance pour la communauté queer de trouver des espaces inclusifs pour connecter, demander des conseils et se trouver solidaires non seulement au sein de leur identité, mais aussi dans le monde rigoureux des affaires, où ils sont souvent sous-représentés.

En 2019, une étude Nielsen a révélé qu’au Canada, une entreprise sur 40, soit 2,5 %, était dirigée ou détenue majoritairement par des personnes queer, alors que la communauté 2ELGBTQI+ représente 4,4 % de la population du pays.

Malgré les progrès réalisés ces dernières années en matière d’acceptation sociale de la communauté 2ELGBTQI+, la promotion de pratiques commerciales inclusives et d’une économie dirigée par des communautés plus diverses reste un objectif crucial.

Selon des études menées par la Chambre de commerce 2ELGBTQI+ du Canada (CGLCC), deux entrepreneurs queer sur cinq ont rencontré des difficultés à obtenir un financement en raison de leur identité ; un sur quatre a perdu des opportunités ; et un sur quatre dit avoir été victime de discrimination.

Deux entrepreneurs queer sur cinq ont rencontré des difficultés

« Il y a toujours des difficultés pour les entrepreneurs de la communauté, dit Jenny Steinke-Magnus, la directrice générale de la Chambre de commerce LGBT* du Manitoba. « Déjà, gérer une entreprise, c’est très difficile, et si on ajoute le fait d’être queer, ça ajoute des obstacles. »

« Il y a d’autres questions à considérer : est-ce que je dois me soucier de ma façon de m’habiller? Dois-je révéler ma véritable identité à mes clients? Est-ce que mes clients seront confortables avec mon identité? »

Stephan Hardy, président du Collectif LGBTQ* du Manitoba et entrepreneur.
Stephan Hardy, président du Collectif LGBTQ* du Manitoba et entrepreneur. (photo : Archives La Liberté)

Stephan Hardy, président du Collectif LGBTQ* du Manitoba et lui-même entrepreneur, est du même avis :

« On peut avoir des réticences à s’afficher LGBT alors qu’on est en entreprise. On peut avoir ce qu’on appelle la discrimination anticipée, où, de peur d’être discriminé, on n’ose pas s’afficher. Évidemment, dans le contexte actuel avec les États-Unis, ça revient un peu sur l’avant-scène. »

Jenny Steinke-Magnus évoque le cas d’un entrepreneur transgenre qui a récemment été confronté à un choix impossible : traverser la frontière pour développer son entreprise et trouver de nouvelles opportunités, ou s’exposer à de graves risques pour sa sécurité personnelle en s’aventurant dans un pays où les droits de la communauté 2ELGBTQI+ sont en recul.

Des choix difficiles

Dans le contexte des tarifs américains et de la fragilité de l’économie nationale, il est d’autant plus crucial de soutenir les entreprises canadiennes. Mais soutenir les entreprises queer, c’est aussi contribuer à l’essor d’une économie inclusive, qui brosse un portrait fidèle de la diversité du pays.

« Il faut certainement encourager les jeunes LGBT à se lancer en affaires, souligne Stephan Hardy. Et si on est soi-même entrepreneur, on peut aussi appuyer ses employés ou mettre des mesures d’inclusion et de diversité au sein de son entreprise. »

« Mais je pense qu’il faut aussi compter sur le réseautage entre entrepreneurs LGBT. C’est un réseau précieux, comme tous les réseaux d’ailleurs, parce qu’on peut s’entraider et s’appuyer dans nos démarches. »

La Chambre de commerce LGBT* du Manitoba s’efforce donc de soutenir et de promouvoir les commerces queer. À travers l’offre de ressources, d’évènements de mise en réseau et d’ateliers, l’organisation encourage les entreprises queer à « participer à un écosystème entrepreneurial plus inclusif et solidaire » et aide les futurs professionnels à réaliser leurs ambitions entrepreneuriales.

La Chambre se concentre particulièrement à soutenir les entrepreneurs queer pour leur permettre de se concentrer sur leurs activités commerciales sans crainte d’être jugées ou rejetées pour qui elles sont.

« Et ça a aussi des impacts économiques et sociaux positifs au Canada, ajoute Jenny Steinke-Magnus. « Partout dans le pays, on crée plus de travail et on bâtit l’économie. »

Des efforts fructueux

Dans tout le pays, 435 000 personnes sont employées par des entreprises queer, et ces commerces génèrent un chiffre d’affaires d’environ 22 milliards $. En outre, les entreprises détenues par des personnes 2ELGBTQI+ sont plus susceptibles d’embaucher des employés de leur communauté, ce qui favorise des environnements de travail luttant contre la discrimination professionnelle à laquelle les personnes queer peuvent encore être confrontés.

Et les efforts de visibilité s’avèrent fructueux. La Chambre de commerce de Winnipeg, qui a accueilli des personnes queer au sein de son conseil d’administration, a lancé il y a quelques années son initiative CODE, destinée à favoriser la diversité et l’inclusion.

Selon Jenny Steinke-Magnus, la grande variété d’entreprises queer et alliées qui commanditent chaque année les évènements de la Fierté Winnipeg, qu’il s’agisse de petites entreprises locales ou de compagnies nationales, témoigne d’un soutien sans faille à la communauté.

Elle encourage les gens à consulter le répertoire des entreprises de la Chambre de commerce LGBT* sur son site web pour soutenir les entreprises queer et alliées de la province. Même si la chambre mettra à jour le répertoire au cours de l’été pour y inclure de nouveaux membres, elle affirme que c’est un bon endroit pour trouver des entreprises et pour continuer à défendre la diversité grâce à l’argent des consommateurs.