Dans une lettre cosignée par de nombreuses organisations provinciales, dont l’Association de l’industrie touristique du Manitoba (TIAM), l’Association de l’industrie touristique du Canada (AITC) demande au gouvernement de reconnaître les obstacles posés par les relations tendues avec les États-Unis et les dures réalités économiques, mais aussi de comprendre les opportunités et l’importance de l’industrie touristique.

Les associations soulignent d’abord l’importance de l’industrie touristique en tant que moteur de l’économie canadienne. « Le secteur canadien du tourisme et des voyages représente plus de 243 000 entreprises et plus de 2 millions de ménages qui dépendent du tourisme, des congrès, des événements et du voyage pour leur subsistance », écrivent les signataires.

Mais ils demandent également au gouvernement de comprendre que les tensions avec nos voisins du Sud ont directement commencé à affecter l’afflux de touristes par la frontière terrestre.

Moins de visiteurs transfrontaliers

Par rapport à l’année dernière, Statistique Canada a signalé « des diminutions importantes du nombre de visiteurs transfrontaliers », conséquence directe de l’instabilité politique.

Liée au fait que près de la moitié des entreprises canadiennes liées au tourisme dépendent de produits américains et se verront maintenant pris à payer plus cher pour offrir leurs services, cette baisse de clientèle américaine pourrait avoir des effets désastreux sur les revenus de nombreuses entreprises cette année.

Mais si les signataires de la lettre reconnaissent ces problèmes, ils remarquent aussi d’autres possibilités d’accroître le tourisme au Canada, comme l’explique John Gunter, président de TIAM. « Il n’y a pas que les Canadiens dont le sentiment à l’égard des États-Unis est en diminution, dit-il. C’est le cas de tout le monde dans le monde entier. »

Il explique qu’en raison de l’importance du marché touristique des États-Unis, qui connaît actuellement une baisse, le Canada a la possibilité de se démarquer comme alternative pour les voyageurs d’Europe ou d’Australie, par exemple. Avec un encadrement et des investissements appropriés de la part du gouvernement fédéral, le Canada pourrait tirer parti de l’impopularité internationale à l’égard des États-Unis pour renforcer son industrie du tourisme.

Le Canada a la possibilité de se démarquer

« Nous ne pouvons pas relâcher notre effort d’investissement sur ces marchés étrangers pour inciter les voyageurs à venir au Canada », dit-il.

La lettre énumère donc les actions que les associations espèrent voir de la part du gouvernement fédéral, incluant l’accélération du processus d’entrée pour les visiteurs et le développement de meilleures stratégies nationales de transport afin de mieux relier les différentes parties du pays.

Mais John Gunter met également en avant des considérations importantes spécifiques au marché touristique du Manitoba. Tout d’abord, il note l’importance de l’accès aérien pour le secteur des événements d’affaires.

Ces dernières années, grâce à un financement provincial, des vols sans escale entre Winnipeg et d’importants aéroports américains comme Los Angeles, Denver, Chicago et Minneapolis, ont été mis en place.

Étant donné que le Canada a tendance à offrir des options coûteuses pour les vols à l’intérieur du pays, des vols directs vers les principaux centres de transit aux États-Unis permettent aux voyageurs internationaux qui viennent à Winnipeg de réduire considérablement le coût de leur voyage.

Des vols sans escale vers Winnipeg menacés

Par exemple, au lieu d’aller de Paris à Winnipeg en passant par Toronto avec une compagnie aérienne coûteuse comme Air Canada, il est possible de passer par Atlanta, ce qui permet d’obtenir un vol d’escale moins cher avec une compagnie aérienne américaine. Cela devient alors essentiel pour assurer l’essor du tourisme dans des villes comme Churchill, où les billets d’avion ont déjà tendance à être très coûteux.

Le problème, à l’heure actuelle, est que certains vols sans escale vers Winnipeg sont menacés. « Même si les voyages des États-Unis vers le Canada ne diminuent pas, les voyages du Canada vers les États-Unis, eux, diminuent, explique John Gunter. Lorsque ces itinéraires ne sont pas desservis par des chargements réciproques, ils deviennent moins rentables pour la compagnie aérienne, et des marchés comme Winnipeg risquent de perdre ces vols. »

Fin avril, le fonds provincial qui subventionnait les vols directs vers Los Angeles et Atlanta s’est épuisé, et la Province ne prévoit pas de continuer à y contribuer. Compte tenu de la baisse de la demande, les compagnies aériennes envisagent de réduire, voire d’annuler, les vols sur certaines routes en prévision des mois d’été, généralement plus chargés, ce qui compromet réellement certaines de ces opportunités pour le tourisme entrant.

Fonds d’attraction pour les congrès internationaux

Un autre élément important à prendre en compte pour le tourisme au Manitoba est l’existence d’un fonds d’attraction pour les congrès internationaux. Ce fonds permet aux villes de se porter candidates à l’accueil de grands congrès internationaux et d’événements commerciaux et leur donne une meilleure chance de conclure des accords qui attirent beaucoup de revenus touristiques.

« Actuellement, un grand nombre d’organisations canadiennes qui tenaient traditionnellement leurs conférences aux États-Unis sont en train de revoir leurs plans. Il est donc particulièrement important pour des villes comme Winnipeg d’assurer la tenue de ces événements. Nous avons de nouveaux atouts au centre-ville, et le fait de pouvoir garder nos hôtels et notre centre de congrès pleins est vraiment important pour l’économie manitobaine. »

En fin de compte, John Gunter espère que cette lettre rappellera au gouvernement l’importance de l’industrie du tourisme pour le PIB et la création d’emplois dans le pays. Souvent, explique-t-il, les entreprises touristiques ne sont pas reconnues parce qu’elles ont tendance à être petites ou à n’employer qu’une poignée de personnes à la fois. Pourtant, ces emplois permettent à des centaines de milliers de Canadiens de gagner leur vie.