Au milieu des incendies qui ravagent la province, les Manitobains sont maintenant aussi confrontés à une qualité de l’air dangereuse.
Selon Environnement Canada, Winnipeg et Flin Flon ont connu, à plusieurs reprises au long de la semaine dernière, un indice de 10+ sur l’échelle de la cote air santé (CAS).
Mais que signifie réellement cette cote? Essentiellement, la CAS indique à quel point il est sain de respirer de l’air extérieur pendant une période prolongée.
Mesurée sur une échelle de 11 points, de 1 à 10+, la cote se base sur des mesures régulières des composantes de l’air prises dans plusieurs endroits à travers le pays et donne une idée du niveau de risque selon que l’on est une personne en bonne santé ou une personne à risque.
Lorsque l’indice se trouve entre 1 et 3, Environnement Canada considère qu’il s’agit d’un risque faible, ce qui signifie que tout le monde peut passer du temps à l’extérieur en toute sécurité.
Entre 4 et 6, l’indice présente un risque modéré, ce qui signifie que les personnes en bonne santé peuvent rester dehors tant qu’elles se sentent bien, mais que les personnes à risque doivent limiter leur temps passé à l’extérieur.
De 8 à 10 sur l’échelle, la qualité de l’air est considérée comme très risquée et chacun doit limiter son temps à l’extérieur autant que possible ; un indice de 10+ signifie que chacun doit rester à l’intérieur, car l’air extérieur n’est pas sain à respirer.
Que mesure la CAS?
La CAS mesure trois éléments présents dans l’air qui peuvent nuire à notre système : l’ozone, le dioxyde d’azote et les particules. C’est ce dernier élément qui a fait grimper en flèche l’indice de la CAS, car il mesure la quantité de particules dans l’air dont la taille est inférieure à 2,5 microns (ou 2,5 millièmes de millimètre).
« Les particules sont celles qui sont libérées non seulement par les feux de forêt, mais aussi par les gaz d’échappement des voitures, les combustibles fossiles, essentiellement la combustion des choses, explique Christopher Pascoe, professeur adjoint au département de physiologie et de pathophysiologie de l’Université du Manitoba.
Ces particules, explique-t-il, sont classées en différentes catégories de taille. Plus elles sont petites, plus elles pénètrent profondément dans les poumons, et donc plus elles endommagent les voies respiratoires.
La CAS mesure également les particules inférieures à 10 microns. À cette taille, les particules sont piégées plus haut dans les poumons, mais peuvent tout de même être nocives, car elles peuvent rester indéfiniment dans le système, provoquant un « comportement étrange » des cellules.
À 2,5 microns, en revanche, les particules deviennent suffisamment petites pour pénétrer dans les alvéoles pulmonaires et même dans la circulation sanguine, où elles peuvent causer des dommages persistants aux autres systèmes du corps.
Qui est à risque?
Selon le docteur Andrew Halayko, professeur aux départements de physiologie et de pathophysiologie et de médecine interne de l’Université du Manitoba, les personnes à risque sont celles que l’on appelle les « populations vulnérables ». Il s’agit notamment des jeunes enfants et des personnes âgées de 65 ans et plus.
« Il y a aussi les personnes souffrant de maladies chroniques, en particulier des poumons comme l’asthme, et aussi l’emphysème et la bronchite chronique, qui sont deux descriptions utilisées pour désigner ce que l’on appelle la maladie pulmonaire obstructive chronique. »
Il explique que le système immunitaire des personnes souffrant de maladies chroniques est plus exposé au risque d’inflammation systémique. Lorsque la pollution pénètre dans leurs voies respiratoires, elle peut déclencher un message d’inflammation dans les cellules des poumons, provoquant parfois une crise d’asthme et réduisant l’efficacité des médicaments qu’ils utilisent, comme leur inhalateur de stéroïdes ou leur bronchodilatateur.
D’autres maladies chroniques peuvent également rendre les individus plus vulnérables à une mauvaise qualité de l’air, comme le diabète, les maladies rénales chroniques, le cancer et les problèmes cardiovasculaires tels que les troubles cardiaques.
« Il existe des données assez fiables qui montrent que dans une fenêtre de deux semaines de pics de pollution atmosphérique due aux feux de forêt, le taux de personnes qui se présentent aux urgences pour des problèmes cardiovasculaires ou cardiaques augmente.
« Les poumons parlent au reste du corps. Certains médiateurs présents dans le sang sont liés à l’inflammation et peuvent déclencher des réactions dans les vaisseaux sanguins qui conduisent à des crises cardiaques. Il s’agit en fait d’une expérience qui concerne tout le corps.
Un effet de synergie
La CAS présente certaines limites. Les experts commencent à comprendre que les différents polluants présents dans l’air peuvent combiner leurs effets pour produire un « effet de synergie ».
« Supposons que vous vous trouvez dans une ville où la pollution atmosphérique liée à la circulation est plus élevée et que la fumée d’un feu de forêt vienne s’y ajouter, explique Andrew Halayko, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la pathobiologie et le traitement des maladies pulmonaires.
« Les deux polluants différents peuvent interagir et créer quelque chose qui n’existait pas chimiquement sans cette interaction, ce qui aggrave les effets. Dans le meilleur des cas, il s’agit d’un effet additif. Dans le pire des cas, il s’agit d’un effet multiplicatif. »
D’autres facteurs peuvent créer cet effet de synergie : la chaleur, par exemple, qui est fréquente lors des incendies, ainsi que l’humidité, la poussière et le pollen. Ces éléments peuvent modifier la nature de la pollution que l’on respire.
Temps d’exposition et concentration
Malheureusement, on en sait peu sur les effets à long terme de l’inhalation d’air pollué. Il est entendu que le temps d’exposition et la concentration comptent : que les risques sont plus élevés lorsque nous passons plus de temps à l’extérieur ou que nous respirons de l’air à plus haute CAS.
Des prédispositions génétiques peuvent également rendre certaines personnes plus susceptibles de souffrir d’affections pulmonaires chroniques.
Cependant, trop peu de recherches ont été menées pour déterminer si une personne en bonne santé qui respire la fumée d’un feu de forêt court un risque plus élevé de subir des effets à long terme.
« Si je peux le dire comme ça : c’est peut-être insignifiant. Ce n’est certainement pas bon. »
La recherche sur ce sujet est en cours. Mais les experts estiment que le financement accordé à ce type de questions arrive très tard, d’autant plus que les changements climatiques provoquent chaque année de plus en plus de feux de forêt.
Ce qu’il faut faire
Pendant les périodes où la CAS est élevée, il est essentiel de rester à l’intérieur autant que possible. En outre, il est important de veiller à ce que toutes les fenêtres et les portes soient fermées et correctement scellées afin de s’assurer que l’air extérieur ne pénètre pas à l’intérieur.
Les docteurs Halayko et Pascoe recommandent également de régler les systèmes de ventilation de sa voiture et de sa maison sur le mode « recirculation de l’air » afin de recycler l’air plutôt que d’introduire des nouvelles particules d’air extérieur.
En outre, il est bon de s’assurer que l’air intérieur reste aussi propre que possible. L’utilisation d’un purificateur d’air est un bon moyen d’y arriver, mais éviter de brûler des bougies, de vaporiser des désodorisants ou d’allumer de l’encens peut également contribuer à maintenir la pureté de l’air.
La cuisson ou la friture d’aliments utilisant beaucoup d’huile peut aussi produire un air moins pur à l’intérieur de votre maison, et il est donc mieux d’éviter ces pratiques lorsque vous restez à l’intérieur pendant les périodes de haute CAS.
Si vous devez sortir, vous pouvez porter un masque N95 bien ajusté, qui filtre efficacement les particules présentes dans l’air provenant de la fumée des incendies de forêt.
Attention : les masques en tissu ou les masques chirurgicaux n’offriront pas de protection contre les effets nocifs de la fumée des feux de forêt.
Enfin, Andrew Halayko rappelle aux personnes souf- frant de maladies chroniques de se faire des réserves de médicaments afin de limiter leur temps passé à l’extérieur.
« Assurez-vous que vous n’êtes pas à court d’inhalateur pendant la période où la qualité de l’air est mauvaise, car vous risquez d’en avoir davantage besoin, ajoute-t-il.
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