Par Marie WIELGOCKI – Collaboration spéciale.
Inaugurée quelques jours avant la Journée de la robe rouge, elle propose un parcours artistique poignant qui interroge la mémoire collective et célèbre la résilience autochtone. Pour l’historienne Karine Duhamel, l’art joue ici un rôle essentiel : « C’est un moyen de partager l’information et d’accroître la sensibilisation sur ce sujet. »
Réclamer notre pouvoir et notre place : Les femmes autochtones et leurs droits à la sécurité et à la justice. Tel est le titre de cette exposition inaugurée le 3 mai dernier, qui restera en place jusqu’en avril 2030.
À travers diverses installations artistiques, elle rend hommage aux femmes autochtones tout en mettant en lumière leurs luttes.
Une exposition comme appel à la justice et à la sécurité
Ouverte deux jours avant la Journée de la robe rouge, l’exposition attire l’attention sur les violences et les assassinats dont sont victimes les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.
Elle met aussi en valeur les efforts de celles et ceux qui militent contre ces injustices, souvent enracinées dans des attitudes discriminatoires et répressives.
Derrière cette initiative, deux artistes autochtones : Jaime Black-Morsette et KC Adams.
« Il s’agit d’une collaboration entre le Musée et les deux artistes. Nous avons commencé à discuter du renouvellement de l’exposition à la fin de l’année 2022. Le projet a beaucoup évolué, passant par l’ajout d’une vidéo, la refonte complète de l’espace et du message, pour devenir ce qu’il est aujourd’hui », indique Félix Berry, conservateur au MCDP.
L’exposition s’inscrit dans la continuité d’un travail entamé en 2010. Elle tisse un récit fait de mémoires et d’affirmation des droits, trop souvent bafoués, des femmes autochtones.
« C’est une réinterprétation de l’exposition précédente, elle-même inspirée du REDress Project de Jaime Black-Morsette, qui figurait parmi les expositions inaugurales du Musée en 2014 », précise Félix Berry.
Selon lui, « en représentant les femmes autochtones comme les leaders de leurs communautés, les artistes transforment le message du REDress Project, qui passe de la perte et de la victimisation à l’autonomisation et à la renaissance culturelle. »
L’expression artistique au service de la mémoire
Pour Karine Duhamel, historienne anishinaabe et ancienne directrice de la recherche pour l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la reconnaissance passe aussi par l’expression artistique.
« L’art est un excellent véhicule pour continuer à sensibiliser et confronter la société à la violence qu’ont subie les femmes et les filles autochtones. »
À travers les œuvres, l’exposition évoque les différentes facettes historiques de la période coloniale et la manière dont celle-ci a affecté les femmes et les filles, de façon propre à chaque peuple.
Pour l’historienne, il s’agit d’abord de reconnaître la privation de leurs droits : « La colonisation a déshumanisé les femmes et les filles autochtones. On leur a enlevé leurs droits à travers des politiques coloniales. »
Mais l’exposition Réclamer notre pouvoir et notre place est aussi une ode à la force et au rôle des femmes autochtones.« C’est une façon de partager cette histoire et de mettre en valeur leur rôle. »
Bien que les réalités diffèrent selon les communautés, Karine Duhamel observe des constantes : « Les femmes autochtones étaient chargées de la protection. Elles étaient au centre de tout. »
La robe rouge, symbole fort de commémoration et de dénonciation, en est une illustration puissante. « C’est une manière de réclamer un pouvoir historique et de reconnaître la responsabilité que les femmes ont eue. »
Et pour l’historienne, l’im- pact d’une telle exposition dépasse les murs du musée : « Elle permet d’enseigner cette histoire aux non-Autochtones, et c’est très important. »
Peu importe la forme, l’art, selon elle, est un véritable trait d’union entre les cultures. Il invite à la reconnaissance des responsabilités historiques et à la mémoire collective. « Les arts restent, et resteront pour toujours, un moyen de partager une information et de sensibiliser la société », conclut-elle.
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