Par Raymond CLÉMENT.

À des fins d’unité canadienne et de moindre dépendance aux États-Unis, Mark Carney met de l’avant la mise en place de corridors énergétiques avec l’objectif ambitieux de faire de notre pays une « superpuissance énergétique ».

Le premier ministre est-il en train de sacrifier l’environnement et lutte contre les changements climatiques?

Le Canada est présentement le quatrième producteur mondial de pétrole. La première ministre de l’Alberta veut doubler la production pétrolière de sa province. Si Danielle Smith réussit à imposer son pari, le Canada se rapprocherait des États-Unis, de l’Arabie Saoudite et de la Russie et deviendrait ainsi effectivement une superpuissance énergétique.

Le problème, c’est que l’Alberta est enclavée et dispose de peu d’accès à un port de mer. Mais il y a plus : les ambitions albertaines se heurtent au Plan canadien qui vise le zéro émission nette.

En juin 2021, le Canada s’est en effet engagé à atteindre le zéro émission nette d’ici 2050. Ce plan exige des changements importants en termes de consommation énergétique. Il faudrait que la consommation électrique passe de 20 % à 40 % de la consommation totale d’ici 2050, tandis que la consommation des énergies fossiles devrait baisser de 56 %.

C’est une évidence : la transition énergétique doit se faire à long terme par l’électrification de tous les secteurs de l’économie : résidentiel, commercial, industriel et le transport. Une perspective d’autant plus attrayante que le Canada est réellement bien positionné, puisque 60 % de la production électrique provient de l’hydroélectricité.

Par contre, l’énorme étendu du territoire est une réalité qui n’est pas négligeable. Construire un réseau électrique pourrait s’avérer très coûteux et très difficile à gérer. La gigantesque panne d’électricité du 28 avril au Portugal et en Espagne fournit un bon exemple des problèmes potentiels. Sans oublier que la transition s’opère lentement et que les ventes de voitures électriques ont ralenti avec l’abandon des crédits d’impôt.

Par contre, dans toutes les discussions en cours au niveau canadien, un élément important est ignoré : la demande en énergies fossiles va atteindre un sommet à l’échelle mondiale dès 2030. Construire un nouveau pipeline pourrait s’avérer dispendieux pour l’économie canadienne.

D’ailleurs, le plan d’affaire pour cet hypothétique pipeline n’a pas été présenté. Qui plus est, la rentabilité d’un projet d’exportation du pétrole lourd vers les marchés mondiaux est remise en question par plusieurs experts, tout simplement parce le pétrole lourd albertain est le plus cher au monde.

Alors nouveau pipeline ou réseau électrique transcanadien? Les deux projets présentent d’énormes défis. Mais à mon avis, le pipeline se présente comme le moins favorable, puisque le futur de la consommation mondiale en énergie va forcément basculer du côté de l’électricité.

La preuve la plus solide nous vient de Chine. La deuxième économie du monde se prépare pour cette transition à marche forcée. Le pays est en train de devenir le premier producteur de voitures électriques, d’éoliennes, de batteries et de lignes à haute tension à courant direct.

Face à cette réalité, il est sûr que transitionner vers le zéro nette émission pour les provinces canadiennes productrices de fossiles pourrait devenir assez dispendieux. Cependant, l’Alberta pourrait augmenter son exportation pétrolière de 650 000 barils vers les États-Unis et de 250 000 barils via le pipeline Trans Mountain en ajoutant des ingrédients qui augmentent la fluidité du pétrole lourd. L’Alberta pourrait aussi transporter son pétrole vers la côte pacifique en utilisant les rails du CN et du CP.

À ce stade des projets avancés par Mark Carney, la question demeure : est-il en train de sacrifier l’environnement et le climat en faveur de l’unité canadienne? Pour l’instant en tout cas, la facture de sa vision politique est plutôt salée.