Pour eux, il ne s’agit pas seulement d’un enjeu salarial, mais d’une lutte pour des conditions équitables et la survie d’un enseignement postsecondaire francophone de qualité.

Les membres des trois associations syndicales de l’Université de Saint-Boniface se sont réunis le temps d’un barbecue en milieu de semaine dernière.

En tout, pas loin d’une centaine de personnes étaient présentes près de la statue de Louis-Riel, au 521 rue Aulneau.

Il s’agissait en réalité d’un rassemblement de solidarité. L’Association des Professeurs et Professionnels (APPUSB), l’Association des Professeurs d’études collégiales (APEC) et le Personnel à l’appui des services académiques (PASA), représentent à eux trois près de 200 employés.

Leurs conventions collectives ont expiré le 31 juillet 2024. Les négociations sont en cours depuis le mois de mai 2024, pour une convention qui doit couvrir la période allant du premier août 2024 au 31 juillet 2028.

Au moment d’écrire ces lignes, les employés membres du PASA ont ratifié l’entente de principe. Selon des informations relayées par Patrick Noël, président de l’APPUSB, l’augmentation salariale proposée dans cette entente est de l’ordre de 14,5 % sur quatre ans.

Pour les deux autres, l’on a encore du mal à s’entendre sur certaines choses.

Il y a d’abord la question des salaires.

Du côté de l’APPUSB, l’on vise une augmentation d’environ 20 % étalée sur 4 ans. Jusqu’à présent, selon Patrick Noël, la meilleure offre formulée par l’Université de Saint-Boniface était de 8 % sur le même laps de temps.

« Nous avons déjà signifié à l’employeur que nous rejetions cette proposition, dit-il. Il y a toujours un gouffre entre les positions patronales et syndicales. Pour autant, la communication n’est pas coupée. »

De son côté, l’USB invoque la Loi sur les relations du travail du Manitoba et fait valoir ne pas être en mesure de commenter la situation au sujet des enjeux discutés. Par courriel elle déclare ceci :

« Les négociations sont activement en cours avec les deux autres unités syndicales restantes. L’USB est engagée à agir de façon respectueuse et à protéger l’intégrité du processus de négociation pour le bénéfice de tous les membres de son personnel tout en visant la viabilité financière nécessaire pour maintenir ses programmes et ses services indispensables à la réussite de la population étudiante. L’USB souhaite conclure une nouvelle convention collective dans les plus brefs délais. L’USB se tient d’ailleurs disponible pendant l’été pour poursuivre les rencontres. »

Une nouvelle rencontre à la table des négociations est notamment prévue le 11 juillet 2025.

Pour rappel, le 20 mai, l’APPUSB votait en faveur d’un mandat de grève. Phi-Vân Nguyen, porte-parole du syndicat, laisse entendre que « si l’on ne nous laisse pas le choix, nous emploierons ce moyen de pression là. »

Du côté de l’APEC, les revendications sont sensiblement les mêmes.

Lisa Roch, présidente du syndicat, explique, là aussi, que la question de la revalorisation salariale est centrale.
« Nous souhaitons rattra- per l’augmentation du coût de la vie et l’inflation. Au cours des sept dernières années, nos salaires n’ont augmenté que de 7 %. »

À savoir que sur les 10 dernières années, le total d’inflation cumulé au Canada est de près de 25,5 %.

Lisa Roch n’a toutefois pas tenu à nous communiquer le pourcentage exact d’augmentation attendu par l’APEC, qui a voté en faveur d’un mandat de grève le vendredi 27 juin.

Dans le cas des deux syndicats, la revalorisation des salaires s’inscrit également dans un objectif de parité avec leurs homologues qui travaillent dans des établissements anglophones.

En ce qui concerne l’APPUSB, Patrick Noël avance que les professeurs à l’USB gagnent entre 81 et 82 % des salaires de leurs homologues à l’Université de Winnipeg ou l’Université du Manitoba.

« Il existe une parité presque parfaite entre ces deux universités. Elles sont pourtant très différentes. Nous aussi nous sommes différents, mais ce n’est pas parce que nous avons une mission communautaire que nous devrions avoir des conditions inférieures. »

Cet objectif de parité est d’autant plus important aux yeux des concernés dans le contexte actuel. À la suite des déclarations du gouvernement provincial qui affirme sa volonté de faire du Manitoba une province véritablement bilingue, il est clair pour le président de l’APPUSB que cela ne pourra se faire sans l’USB.

« C’est le moteur de la francophonie, du bilinguisme. Si l’université est sous-financée, si l’on ne réussit pas à attirer et retenir les talents ici, le projet de transformer le Manitoba en province bilingue est voué à l’échec. »

Patrick Noël rappelle que les professeurs de l’université étaient en parité avec leurs homologues anglophones en 2016.

Finalement, au-delà de la parité salariale, un autre point important dans les revendications des syndicats, ce sont les conditions de travail.

Et ce autant pour l’APPUSB que pour l’APEC.

Patrick Noël explique, « nous sommes les seuls au Manitoba à enseigner une charge de cours de 18 crédits, à savoir six cours par année. Les autres universités manitobaine sont passées soit à cinq ou quatre ».

Il ajoute d’ailleurs qu’à cette charge de cours s’ajoutent les obligations de recherche des professeurs universitaires.

Là-dessus, Phi-Vân Nguyen rebondit. « Les relèves d’enseignement et les années sabbatiques ne sont pas garanties, nous sommes même en compétition les uns avec les autres. » Ce qui peut avoir des conséquences négatives.

« Si par exemple l’on décroche des contrats de recherche intéressants, ou bien de supers partenariats, d’abord il faut remporter une compétition à l’interne, et l’on est obligé d’attendre la dernière minute pour savoir si l’on peut y aller ou pas. »

Lisa Roch, qui représente l’APEC, affirme quant à elle que le nombre de cours « dépasse nos capacités ». Ainsi, parmi les demandes du syndicat, « une réduction du nombre d’étudiants par classe ».

Il est, selon elle, difficile d’évaluer exactement combien d’étudiants par classe l’on compte en moyenne, car cela varie d’un programme à l’autre. Elle indique toutefois qu’il n’existe pas de limite d’inscription.

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