Adagio Acres, fondée il y a une douzaine d’années par Amy Nikkel et son mari, Donald Nikkel. Cette ferme cultive bien plus que de l’avoine : elle nourrit un réseau de solidarité locale, de respect de l’environnement et de réappropriation du lien à la nourriture.

« Mon mari a grandi au Manitoba, mais on a longtemps habité à Montréal, où on enseignait tous les deux, explique Amy. On allait souvent au marché, et on philosophait sur le rapport des gens à la nourriture qu’ils consomment. »

Poussés par le désir de renouer avec la terre et de vivre en cohérence avec leurs valeurs, et peut-être aussi par une attirance de longue date pour l’agriculture, le couple décide alors de revenir s’installer sur la terre familiale, avec une idée simple : rapprocher les Manitobains des grains qui poussent sous leurs pieds.

L’aventure commence modestement. Les débuts sont difficiles : deux récoltes sur trois sont anéanties par des inondations. Mais ils tiennent bon.

« Depuis 12 ans, on cultive de l’avoine biologique et on la transforme nous-mêmes ici, pour la vendre presque uniquement au Manitoba. »

Une production à échelle humaine

Leur moulin, discret mais efficace, tourne aujourd’hui à plein régime. Une grande partie de leur avoine est vendue directement aux consommateurs, en sacs de 20 livres, via leur site web ou dans une sélection d’épiceries locales.

« Pendant un moment, on s’est étendus en Alberta, via un distributeur. Mais on n’aimait pas ça. On ne connaissait pas les gens qui achetaient notre avoine. Et une fois qu’on paye pour le transport, les marges sont si petites qu’on se retrouve à concurrencer d’autres petits moulins locaux. »

La pandémie agit comme un déclic : Adagio Acres cesse ses opérations hors province et choisit plutôt d’élargir sa gamme de produits.

« On s’est mis à transformer d’autres grains sans gluten, comme le maïs, les lentilles, les fèves, la graine de lin, cultivés par d’autres petits producteurs manitobains. Ça nous a permis de faire tourner le moulin toute l’année, de diversifier nos offres, et d’assurer une meilleure stabilité financière. »

Cette diversification a aussi renforcé leur ancrage local, explique Amy : « En achetant de petites quantités aux fermiers de la région, je leur permets aussi d’expérimenter. Parfois, si les fèves ont été mal triées ou que la récolte a souffert, elles seraient normalement rejetées ou envoyées pour l’alimentation animale. Moi, je peux encore les utiliser, et ça évite du gaspillage. »

Une autre façon de concevoir l’alimentation

Au cœur de leur démarche, il y a une volonté profonde de ralentir. « On veut rendre la nourriture moins pratique », dit Amy en riant.

« Pas dans le but de compliquer la vie des gens, mais pour qu’ils se réapproprient le geste de cuisiner, de réfléchir à ce qu’ils mangent. La nourriture ne devrait pas être quelque chose qu’on enfourne à la va-vite. Elle peut être au centre de notre vie communautaire. »

Ce rapport à la lenteur se reflète aussi dans leur modèle économique. Pas question ici de viser une croissance effrénée.

« On ne veut pas devenir une grosse entreprise. On préfère vendre à 5 000 personnes qu’on connaît, plutôt que d’inonder le marché. Hier encore, un client est venu chercher de l’avoine et des fèves, et on a parlé longtemps de son jardin. Ce genre d’échanges est précieux. »

Adagio Acres organise d’ailleurs chaque année, à la fin décembre, une grande distribution de commandes à Winnipeg.

« Les gens qui ont commandé à l’automne viennent chercher leurs grains. On invite d’autres fermiers de la région, on partage un repas… C’est comme une fête des moissons en plein hiver! »

Un moment fort, autant pour les producteurs que pour les consommateurs, qui peuvent se rencontrer et parler de ce qu’ils mangent et produisent.

Des choix écologiques et engagés

Toutes les céréales vendues par Adagio Acres sont biologiques, mais Amy va plus loin.

« Le biologique, c’est un minimum. Ce qu’on cherche, c’est travailler avec des fermiers qui veulent réellement prendre soin de la terre, expérimenter des pratiques plus écologiques, s’adapter aux changements climatiques. »

Car les défis sont nombreux.

Les étés secs, les coûts de production en hausse, les attentes de bas prix, Amy Nikkel en est consciente : « Les gens veulent souvent le prix le plus bas, mais ce prix-là ne reflète pas toujours la réalité. Ce qu’on vend, c’est une autre vision du monde : des emplois valorisants, moins de gaspillage, plus de résilience. »

Cette résilience, justement, leur a permis de mieux traverser les secousses économiques récentes.

« Pendant la pandémie ou avec les hausses de tarifs, on a vu que notre modèle local tenait mieux le coup. Quand les clients vous connaissent, ils sont plus enclins à vous soutenir. »

Pour Amy, soutenir les fermes locales, c’est bien plus qu’un geste économique : c’est une manière de cultiver un lien au territoire.

Nourrir une culture locale

Elle se souvient d’un été particulièrement chaud où les lentilles récoltées étaient toutes décolorées par le soleil.

« Elles n’étaient pas très jolies, mais elles racontaient quelque chose. C’était une trace visible de l’année qu’on venait de vivre. Je trouve ça beau. »

Et même si le public semble de plus en plus conscient de ces enjeux, Amy reste lucide.

« Le système industriel, c’est pas juste une question d’efficacité, c’est un système qui détruit parfois les écosystèmes et les communautés. Avec Adagio Acres, on veut montrer qu’une autre voie est possible. »

Où trouver leurs produits?

Sur le site web d’Adagio Acres, les consommateurs peuvent commander directement des sacs d’avoine en grande quantité ou découvrir toute leur gamme de grains biologiques locaux.

Leurs produits sont aussi offerts dans plusieurs épiceries de Winnipeg, notamment chez Sobeys, Safeway, ainsi que dans divers commerces indépendants.