À Montréal, la Dre Nada Jabado traque les failles de ces tumeurs pour mieux les comprendre et les vaincre.
La Dre Nada Jabado est professeure de pédiatrie et de génétique humaine à l’Université McGill, ainsi que médecin au service d’hématologie et d’oncologie de l’Hôpital de Montréal pour enfants.
Elle s’est illustrée et a été récompensée à de multiples reprises pour son travail de recherche remarquable sur les tumeurs du cerveau pédiatrique, en particulier sur la compréhension des gliomes de haut grade.
Car si les cancers chez l’enfant sont rares, et les tumeurs cérébrales le sont davantage, avec une trentaine de cas découverts chaque année au Canada. « Elles restent les premières causes de mortalité et morbidité par cancer chez l’enfant et l’adolescent, deuxième cause chez l’adulte », déplore la chercheuse.
Plusieurs découvertes
Les gliomes de haut grade sont des tumeurs cérébrales qui peuvent survenir très tôt dans le développement de l’enfant, parfois même pendant la période intra-utérine.
Elles sont agressives et souvent synonymes « d’arrêt de mort ».
Les recherches de la Dre Nada Jabado et de son équipe concernent justement l’épigénome des gliomes de haut grade qui ont permis la découverte de plusieurs choses.
D’abord, « ces tumeurs sont associées à un développement devenu anormal. Ce qui fait qu’elles sont capables de se renouveler éternellement ».
Dans un second temps, grâce à l’épigénétique (1), l’on espère comprendre ce qui provoque ce développement « anormal ».
« Notre ADN c’est comme des notes de musique, image la spécialiste. Il existe tout un tas de partitions et c’est l’épigénome qui fait la partition, qui donne à notre ADN un sens. Malheureusement pour ces enfants, la partition est mauvaise. Les mutations de ces tumeurs affectent la partition et font que la cellule reste jeune et agressive. »
Encore du travail
Malgré ces progrès, le chemin à parcourir est encore long et les questions nombreuses.
« On essaie de comprendre quel est leur talon d’Achille. Quelles sont leurs vulnérabilités? Comment faire grandir et vieillir la tumeur pour qu’elle arrête de faire des bêtises? Comprendre aussi pourquoi le système immunitaire n’est pas assez réactif face à ces tumeurs. »
Une meilleure compréhension de ce qui anime ces tumeurs permettrait le développement de meilleurs traitements, et c’est un aspect important en raison de la localisation de ces dernières, qui empêche parfois l’intervention chirurgicale.
« Elles se trouvent parfois dans des endroits très difficiles d’accès, près de structures qui permettent de respirer, de bouger. L’intervention n’est pas simple et comporte des risques de répercussions fonctionnelles trop importantes. »
Collaborer pour avancer
La docteure indique que les tumeurs cérébrales sont généralement assez vite identifiées et la prise en charge se fait rapidement.
C’est au moment du passage à l’âge adulte, que les choses se compliquent un peu.
« À 18 ans, nos patients doivent souvent être transférés dans des services d’oncologie adulte et là c’est la jungle. Les équipes n’ont pas l’expertise pédiatrique. L’on voit parfois des gens qui, jusqu’à 30 ou 35 ans, ont des maladies que l’on voit souvent en pédiatrie et qui ne sont pas pris en charge de manière optimale. Il existe des formes de tumeurs du cerveau chez l’adulte qui pourraient bénéficier de traitement que l’on donne en pédiatrie.
« Il y a des tumeurs que je diagnostique chez des gamins de 17 ans. À 18 ans, je suis forcée de les transférer. Simplement parce que les ressources données par le gouvernement sont très strictes. Dès qu’il y a des thérapies coûteuses ou une IRM, on est harcelé pour transférer nos jeunes adultes dans une jungle où les gens n’ont pas l’habitude ou l’expertise. C’est arbitraire. »
Dre Nada Jabado défend le besoin d’une meilleure collaboration et flexibilité dans le suivi des patients sur le long terme.
Car il en va également de la recherche.
D’ailleurs, plusieurs consortiums internationaux existent, notamment le Children’s Oncology Group qui réunit plus de 12 000 experts des États-Unis jusqu’à l’Arabie Saoudite en passant par le Canada et l’Australie.
« C’est en regroupant nos ressources que l’on avance », note la spécialiste.
(1) L’étude des changements dans l’activité des gènes qui n’impliquent pas de modification de la séquence d’ADN elle-même. En d’autres termes, l’épigénétique concerne les modifications qui influencent la manière dont les gènes sont lus et exprimés.