Entre reconversion professionnelle et rencontres déterminantes, leur intégration est aujourd’hui une réussite… et leur petite dernière, née ici, en est le plus beau symbole.
Il est des parcours d’intégration qui sont une réussite. C’est d’ailleurs l’essence même de ce journal que de les mettre en lumière.
Il n’échappera pas non plus aux lecteurs que derrière chacune de ces histoires humaines, il y a beaucoup de courage et de détermination, mais elles commencent toutes, pour la plupart, avec un choix : celui de recommencer.
Benjamin Van Tichelen et Marie Stadion vivent en Belgique, à Bruxelles. Ils sont déjà parents de deux enfants, Liou, la plus grande, et Milo.
Benjamin Van Tichelen, détenteur d’un diplôme d’enseignant, travaille alors en gestion de fortune dans une banque, après tout, le métier d’enseignant « n’était pas aussi valorisé qu’ici ».
L’envie d’ailleurs
Marie Stadion, quant à elle, est enseignante et orthophoniste.
L’envie d’ailleurs était là depuis longtemps, mais c’est la crise économique de 2008 qui a redonné vie à ce projet et est venu renforcer cette envie d’immigrer.
Une crise économique et une rencontre pour être plus précis.
« Cela faisait un an que Benjamin se rendait dans les grands salons Destination Canada, il était revenu tout enthousiasmé », se souvient Marie Stadion.
À ce moment-là, la mère de famille a aussi des envies d’aventure, mais elle « n’était pas pressée d’en vivre une ».
Elle accompagne toutefois son mari à un salon où toutes les provinces sont représentées.
Et comme si c’était hier, elle raconte : « Nous avons été tout de suite attirés par le Manitoba et l’accueil de Brigitte Léger (à l’époque conseillère en immigration du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba).
« J’étais d’accord avec l’idée de nous délocaliser, tant que j’étais en mesure de poursuivre mon travail dans le paramédical et que cela m’apporterait quelque chose de plus au niveau pédagogique. »
Comme souvent lorsqu’il faut prendre de grandes décisions, on dresse alors la liste des pour et des contres.
Finalement, partir pour le Manitoba, ça veut dire quoi?
« L’apprentissage de l’anglais, il y a la nature, mais ce n’est pas non plus un trou perdu. Il y a le froid, mais ce n’est pas non plus le Nunavut. On ne voulait pas non plus une grande ville. Il y avait un peu tout ce que l’on voulait. »
Le couple échange un bref regard et Marie Stadion conclut.
« Donc voilà! On s’est dit OK, on y va. »
Avance rapide sur toutes les démarches administratives, la petite famille pose ses valises à Winnipeg en 2014, « pour un an », au départ…
Des portes qui s’ouvrent
Aujourd’hui, c’est clair, le Manitoba a adopté la petite famille belge, ou peut-être est-ce l’inverse?
Quoi qu’il en soit, tout ne s’est pas fait du jour au lendemain. Il a fallu avoir le courage de reprendre à zéro et beaucoup de détermination.
« Arriver avec tout un bagage professionnel et universitaire, mais tout ça, il fallait le mettre entre parenthèses. »
Un travail en tant que concierge au CCFM d’abord, puis un poste aux 100 noms avant de finalement obtenir un poste d’enseignant de français au Collège Louis-Riel, où il travaille toujours en tant qu’orthopédagogue. Une aubaine pour le père de famille.
« J’ai toujours eu la fibre pédagogique. C’est une voie que j’avais abandonnée en Belgique, mais j’ai toujours aspiré à retourner dans l’enseignement. »
De son côté, Marie Stadion est tombée tout de suite sur un travail qui lui correspondait.
« Je suis tombé sur les annonces de La Liberté sur un poste d’orthopédagogue. Je ne savais pas du tout ce que c’était, mais il s’est avéré que ça recoupait pas mal l’enseignement et l’orthophonie. »
Elle finira par prendre le poste au sein de la DSFM, à l’école Lacerte, où elle est aujourd’hui directrice.
Avant d’en arriver là, le couple a tout de même dû reprendre des études ici, à l’Université de Saint-Boniface, qu’ils ont suivies tout en travaillant et en élevant leurs enfants.
De l’apprentissage
Et si la perspective de retourner sur les bancs d’université peut paraître intimidante, Marie Stadion parle d’une expérience qu’elle a « adoré » et dont Benjamin Van Tichelen admet qu’il « se serait bien passé certains jours », même s’il ne le regrette pas.
« Tout ce que l’on a appris, ça a donné encore plus de légitimité à nos parcours », sa femme ajoute : « ça nous a aidés dans notre intégration aussi ».
« On a créé des liens et on comprend mieux la pédagogie canadienne. »
Après tout, une intégration réussie, ça ne tient pas qu’à sa situation professionnelle. Comme le dit Benjamin Van Tichelen, « une intégration réussie, c’est quand où que tu ailles, tu y croises des gens que tu connais ».
Ils ont pu d’abord compter sur le soutien continu de Brigitte Léger après leur arrivée, puis, avec le temps, en travaillant et en étudiant au Manitoba, immanquablement le couple a fini par faire des rencontres.
« On a eu de la chance, c’est sûr », soulignent-ils.
Benjamin Van Tichelen poursuit : « On a rencontré les bonnes personnes qui ont décidé de nous faire confiance, qui avaient envie de partager. »
Dans un même souffle, Marie Stadion conclut sa phrase, « nous avons eu d’excellents mentors ».
À leurs postes respectifs, aujourd’hui, ils ont le senti- ment de pouvoir rendre à la communauté « qui nous a tant donné ».
Leur plus belle réussite canadienne
Tous les deux très proches de leur famille, quitter la Belgique était loin d’être une fuite. Aujourd’hui, leurs cœurs sont toujours à deux endroits. Alors réussir à s’intégrer n’était pas seulement une nécessité pour eux, il fallait que leurs enfants aussi se sentent ici chez eux.
Et c’est chose faite. « On les voit heureux et épanouis », indiquent-ils à propos de Milo, 16 ans et Liou 20 ans.
Lors de leur rencontre avec La Liberté, les deux Manitobains d’adoption étaient accompagnés de leur petite dernière. Ellie, « avec un e minuscule à la fin », un détail qui semblait lui tenir à cœur, est âgée de six ans. Elle est donc née au Manitoba et c’est avec fierté que son père indique « elle est notre plus belle réussite canadienne ».
Contrairement à leurs premiers enfants, Ellie entretient un rapport différent avec la Belgique natale du reste de sa famille. « C’est le pays de Manou et Dadou », dit-elle.
Toutefois, Marie Stadion souligne que le lien avec la Belgique et sa culture reste fort. Très fort même à en croire l’anecdote de la directrice d’école.
« Lors d’une journée d’école, Ellie devait s’habiller aux couleurs de son pays d’origine. Alors je me suis mise à chercher des vêtements jaunes, noirs et rouge. Puis je lui ai dit que je ne trouvais pas de vêtements jaunes pour elle, ce à quoi elle a répondu il n’y a pas de jaune sur le drapeau du Canada. »
Mais il y aura toujours deux drapeaux dans les vies de cette famille.