À l’approche de l’hiver, l’organisme Main Street Project (MSP) lance sa huitième édition de Socktober, une mobilisation citoyenne visant à collecter 30 000 paires de chaussettes neuves durant le mois d’octobre. Plus qu’une simple campagne de dons, Socktober met en lumière une urgence humanitaire bien visible à Winnipeg : la situation des itinérants.

La situation de l’itinérance à Winnipeg est alarmante. D’après les derniers chiffres confiés à la rédaction de La Liberté fin août 2025, l’organisme End Homelessness Winnipeg avait estimé que 2 469 personnes étaient en situation d’itinérance en 2024 dans la ville, soit plus de 3 personnes sur 1 000.

Carina Blumgrund, bénévole au sein de la « Marche communautaire de Main Street », est au contact des personnes sans-abri depuis quatre ans.

Après sa journée de travail, ainsi que les fins de semaines et parfois à des heures très tardives, elle essaye d’aider la communauté en distribuant des denrées alimentaires ou des articles d’hygiène aux populations sans domicile fixe de Winnipeg.

« Grâce aux dons et à l’entraide, nous collectons des articles d’hygiène. Ainsi, lorsque nous marchons sur Main Street, nous ne nous contentons pas de distribuer aux gens un sandwich, un en-cas, un plat chaud ou un repas. Nous offrons également des produits d’hygiène de base : shampoing, après-shampoing, brosses à dents, lingettes, etc. »

Tous les mardis et les jeudis, elle rencontre des personnes qui ont passé la nuit sous une cage d’escalier ou dans un refuge. « Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, par -40 degrés comme par +35 degrés, nous sommes dehors. »

Faute de logements sociaux disponibles, de nombreuses personnes sans-abri passent une grande partie de leur journée à marcher dehors, souvent plusieurs heures par jour, été comme hiver.

Nombreux sont ceux qui portent des chaussures inadaptées, n’ont pas accès à des douches ou à des vêtements propres, et n’ont souvent pas la possibilité de changer de chaussettes régulièrement.

Ce manque d’équipement de première nécessité met en lumière un problème majeur de santé publique : les atteintes physiques et pathologies engendrées par l’exposition aux conditions climatiques extrêmes.

« Sans chaussettes chaudes, les gens courent un risque accru d’infections, de blessures ou d’engelures. C’est donc un besoin important », confie Carina Blumgrund.

C’est également un constat fait par Cindy Titus, responsable des communications au sein de Main Street Project, à l’initiative du projet Socktober qui débute ce mois d’octobre.

En effet, l’absence de chaussettes sèches et propres peut engendrer de graves infections, des ulcères, des ongles incarnés et, face aux morsures de l’hiver, des engelures.

Non soignées, ces plaies peuvent engendrer des complications médicales comme une hospitalisation voire même, une amputation.

« Quand on se promène sur la rue principale, poursuit Carina Blumgrund, on voit encore beaucoup de gens sans chaussures. On voit des gens qui ont perdu des jambes ou qui ont passé beaucoup de temps à l’hôpital à cause d’engelures et du froid. Certains ont aussi perdu des doigts parce qu’ils n’avaient pas de gants. »

« Collecter des chaussettes et les distribuer aux personnes qui n’en ont pas ou qui n’en ont pas assez pour prendre soin d’elles-mêmes est un véritable message d’entraide », rajoute la bénévole.

L’itinérance et les préjugés

Carina Blumgrund, qui s’investit bénévolement auprès des personnes itinérantes depuis quatre ans déjà, profite de l’entrevue avec La Liberté pour dénoncer certains préjugés.

Selon elle, ce n’est pas forcément par choix que les personnes vivent dans des campements à l’extérieur.

Carina Blumgrund explique que « les gens ont parfois l’impression qu’être sans-abri est un choix. Or, c’est faux. Ils sont sans-abri parce que les conditions, la combinaison des problèmes sociaux, de logement, de santé mentale et de traumatismes ne leur offrent pas les opportunités qui leur conviennent ».

Elle nuance ses propos en précisant que « certaines personnes ont peut-être choisi de vivre sous une tente, mais c’est parce que cela leur semble plus sûr que de vivre dans un logement insalubre ou dangereux. D’autres considèrent qu’ils peuvent gérer leur vie de manière plus digne qu’en s’adaptant à des règles ou des conditions qu’elles jugent oppressives ou blessantes. »

Ainsi, il est important de considérer et de ne pas déshumaniser les sans-logis en se rappelant qu’ils restent des membres à part entière de la communauté, dont beaucoup ont subi des traumatismes importants, notamment dès leur plus jeune âge.

« Il faut comprendre que ces personnes ne sont pas mauvaises, ni inhumaines. Au contraire, ce sont des personnes extraordinaires, qui ont un énorme potentiel. Il leur suffit de se remettre sur pied, avec un soutien adéquat. »

Carina Blumgrund ajoute qu’à travers sa présence auprès des sans-abri et celle de ses collègues aidants, à savoir des médecins et des infirmières de santé publique, des travailleurs sociaux ainsi que les bénévoles, c’est un peu d’humanité qu’ils apportent aux oubliés du système.

C’est pourquoi, par respect et considération pour ces populations, Socktober incite fortement les futurs donateurs à acheter des paires de chaussettes neuves de préférence.

« Nous avions l’habitude de collecter des chaussettes usagées, mais nous avons finalement réalisé que pour la communauté que nous soutenons, des chaussettes neuves et de bonne qualité sont idéales. Si l’on considère les personnes sans domicile fixe, elles passent souvent beaucoup de temps dehors, qu’elles que soient les condi- tions météorologiques. Nous tenons donc à prendre soin de leurs pieds et à leur fournir des chaussettes de qualité », dit Cindy Titus.

Socktober n’est pas seulement une campagne de collecte de chaussettes : c’est un acte de solidarité concret.

« Je pense que Socktober est une merveilleuse occasion pour nous, en tant que communauté, individus, groupes, amis, écoles, organisations, de témoigner notre soutien, de préserver la santé des gens et de soutenir ceux qui aident ces populations », dit la bénévole.

Elle est également optimiste pour le futur, et ajoute qu’elle « espère qu’avec des initiatives comme Socktober, nous sensibiliserons, engagerons le dialogue, créerons une prise de conscience et mènerons les discussions nécessaires pour que tous ensemble, y compris nos représentants, nos responsables politiques, nos enseignants et nos juges comprenions qu’il est de notre responsabilité commune de créer une société meilleure pour tous ».

Depuis sa création en 1972, l’organisation Main Street Project (MSP) accompagne les personnes sans-abri et prises avec des problèmes de santé mentale en leur offrant une gamme de services, entre autres des refuges d’urgence et des services de soutien au logement.

Si vous souhaitez vous impliquer en participant à la collecte, consultez le site internet du 8th Annual Socktober.