Par Antoine CANTIN-BRAULT.

La bille n’a pas le choix de se diriger vers où on l’envoie, selon l’impact qu’elle a reçu. L’être humain, lui, même si l’on veut l’envoyer quelque part de force, peut toujours changer de direction.

C’est bien ça la liberté : être capable de casser la chaîne causale. Les objets obéissent à la cause; les humains choisissent ou non d’obéir à la cause.

Il y a certainement de grandes forces qui pèsent sur les humains : des forces historiques, sociologiques, biologiques, génétiques, etc.

L’humain est pressé de toute part et on lui fait parfois croire qu’il n’est que bille de billard. Mais il est condamné à être libre : il ne peut se cacher derrière des déterminismes, il existe toujours pour lui un espace de liberté.

Certes, pour certaines personnes, l’espace est réduit, étroit : le destin semble écrit d’avance.

Et pourtant, encore et encore, quelques personnes inscrites dans des conditions qui semblaient les déterminer à poser certains gestes surprennent et réussissent, contre toute attente, à casser le cycle.

Personne n’est figé dans une posture pour toujours. Si elle semble figée, c’est que cette personne a décidé de l’être : elle a accepté son conditionnement.

Les discours haineux à l’heure actuelle partent tous du principe que l’ennemi est un ennemi fixe, décidé, incapable de changer et de dialoguer.

Cet ennemi, on le prend pour une chose stable qu’il faut, au mieux faire taire, au pire éradiquer. Mais cet ennemi est un ennemi imaginaire : il s’agit d’une personne qui a fait certains choix, mais qui n’est pas pour autant obligée de rester campée dans ses positions.

Une fois entrés en dialogue, on comprend que l’on s’adresse à des personnes et non des billes de billard.

Et si nous avons des « ennemis », c’est que nous-mêmes nous nous cantonnons dans une posture, comme si elle était naturelle pour nous et que nous ne pouvions pas la changer.

Le discours haineux, que l’on reçoit ou que l’on produit soi-même, fait disparaître la liberté et nous condamne à une logique de violence.

Étant obligés de tenir une position contre une autre, les protagonistes se durcissent et oublient leur espace de liberté. Il y a des idées contradictoires qui, si on s’y identifie au point de s’y perdre, finissent par détruire.

Certes, il vaut la peine de lutter pour certaines choses, jusqu’à la mort parfois. Il faut s’opposer notamment à tout ce qui cherche à tuer la liberté. Mais il faut lutter sans perdre sa propre liberté au passage. Il faut lutter en gardant intactes les bases mêmes de la liberté. Sinon, ce ne sont que deux billes de billard qui foncent l’une sur l’autre, incapables de freiner leur course.

Charlie Kirk a été tué alors qu’il s’adressait pacifiquement à des étudiants universitaires. Que l’on soit pour ou contre ses idées, il faut noter qu’il s’adressait à des gens qu’il considérait libres, voulant les convaincre par la liberté d’expression.

Mais le mouvement MAGA a mis fin à cette mince ouverture en annonçant que sa mort déchaînerait la violence de ses partisans.

Il a alors forcé ses partisans à durcir leur posture (ils croiront ne pas avoir le choix de se venger), et condamné leurs ennemis à faire de même (ils croiront ne pas avoir le choix de répliquer). C’est ainsi que commencent les guerres civiles.