Par Michel LAGACÉ.
Wab Kinew annonçait récemment qu’il se propose d’atteindre des objectifs ambitieux dans plusieurs domaines : équilibrer le budget provincial d’ici deux ans, libérer la Province de sa dépendance des paiements de péréquation du gouvernement fédéral, et faire du Manitoba une province véritablement bilingue, comme le Nouveau-Brunswick, à ce jour la seule province constitutionnellement bilingue au Canada.
Ces objectifs témoignent d’une volonté de transformation à long terme.
Il reste à voir si une seule de ces propositions deviendra réalité.
Le gouvernement dispose de seulement deux budgets, ceux des printemps 2026 et 2027, pour retrouver l’équilibre budgétaire.
En 2024-2025, le Manitoba a accusé un déficit de 1,1 milliard $, 353 millions $ de plus que ce qu’il avait prévu dans son budget pour l’année dernière. Et le gouvernement prévoit un déficit de 890 millions $ durant l’année en cours.
Pour atteindre son indépendance des paiements fédéraux en 2040, le Manitoba devra, année après année, faire croître son économie d’au moins un point de pourcentage de plus que le reste du pays, selon David McLaughlin, l’ancien greffier du Conseil exécutif.
Cela ne s’est produit qu’une seule fois au cours des 20 dernières années.
L’année dernière, la croissance économique du Manitoba a été la plus faible de toutes les provinces.
Quant à la proposition de faire du Manitoba une province bilingue « comme le Nouveau-Brunswick », l’intention mérite d’être saluée pour sa portée historique, symbolique et politique.
Toutefois, pour en assurer la crédibilité et le succès, il faudra préciser les étapes concrètes permettant d’y parvenir, afin d’éviter de susciter la déception chez ceux et celles qui appuient cette idée, et les craintes chez celles et ceux qui s’en méfient.
L’expérience de l’Ontario qui n’a certainement pas toujours été sympathique à l’usage du français suggère une autre façon de faire avancer le bilinguisme au Manitoba.
Premier ministre de l’Ontario de 1971 à 1985, Bill Davis n’avait pas annoncé d’avance son intention d’adopter une politique sur les services en français dans sa province.
Il avait plutôt fait évoluer graduellement la fonction publique vers une offre de services bilingues. Et puis en 1972, lorsque le gouvernement a officiellement adopté une politique sur les services en français, Bill Davis a pu écarter toute objection en affirmant qu’elle confirmait tout simplement ce qui se faisait déjà. Il n’y aurait donc pas de changement aux pratiques courantes ni de dépenses additionnelles à engager.
Le Manitoba pourrait s’inspirer de cette approche graduelle, adaptée à sa réalité propre.
Plutôt que d’exprimer des intentions générales, Wab Kinew pourrait poser dès maintenant des gestes concrets – en s’appuyant sur les lois et politiques déjà en vigueur – afin de bâtir une culture administrative véritablement bilingue.
Le Premier ministre serait ensuite en mesure d’annoncer ses accomplissements et d’assurer la population que sa proposition d’amender la Constitution ne ferait que confirmer un progrès déjà réalisé. Il est souhaitable que le gouvernement soit ambitieux.
Mais l’ambition gagne à s’accompagner d’un plan clair, cohérent et durable. C’est à ce prix que la confiance du public et la crédibilité du gouvernement se consolideront au fil du temps.