Par Laurent GIMENEZ.
C’était le temps des majestueux paquebots réputés insubmersibles et des locomotives empanachées de fumée, mais aussi celui des premières voitures automobiles.
En effet, au début de l’industrie automobile, trois technologies étaient en concurrence : l’électricité, la combustion interne et la vapeur.
Chacune avait ses atouts. Les voitures à vapeur étaient propres, rapides et peu bruyantes. Mais leur principal inconvénient était la lourde chaudière que le conducteur – généralement un employé du propriétaire – devait chauffer pendant de longues minutes pour atteindre le niveau de pression nécessaire au fonctionnement du véhicule.
On connaît la suite de l’histoire : le moteur à combustion interne a écrasé la compétition pendant plus d’un siècle, l’électricité a fait un retour inattendu à la faveur du réchauffement climatique, et la vapeur a complètement quitté la route.
Elle nous a néanmoins légué le mot chauffeur que l’on utilise encore de nos jours pour désigner un conducteur de véhicule, en particulier dans un cadre professionnel (chauffeur d’autobus, de poids lourds, etc.).
D’autres termes toujours en usage dans le secteur automobile racontent eux aussi une petite page d’histoire. Le mot berline (sedan en anglais) désigne aujourd’hui une voiture à quatre portes, par opposition au coupé, qui n’en possède que deux. Or, au 17ᵉ siècle, on appelait déjà berline un véhicule hippomobile mis à la mode dans la ville allemande de Berlin.
Plus maniable et plus confortable que le carrosse, ce nouveau moyen de transport reposait sur quatre roues et offrait un habitacle fermé et suspendu pour amortir les secousses.
C’est en raison de la similitude de forme et de structure entre la berline d’autrefois et celle d’aujourd’hui que le terme a traversé les siècles, passant du cheval à l’automobile.
Autre véhicule, autre ville. En français comme en anglais, une limousine est aujourd’hui une grande voiture de luxe dont l’habitacle comprend une séparation entre le chauffeur et les passagers.
Le mot vient de limousin, un adjectif et un nom signifiant « originaire de la ville ou de la région de Limoges », dans le centre de la France.
On dit par exemple : les Limousins votent demain pour élire leur prochain maire ou cette vache est de race limousine.
Le mot limousine désigne également une veste traditionnelle en forme de pèlerine, faite de poils de chèvre ou de laine épaisse, que portaient autrefois les bergers de cette région de France. Selon les étymologistes, c’est peut-être par analogie avec ce vêtement protecteur, abritant de la pluie et du vent, que le nom fut attribué aux premières voitures fermées au début du 20e siècle.
Autre hypothèse : l’inventeur de la carrosserie automobile fermée serait le constructeur Charles Jeantaud (1843-1906), originaire de Limoges. Le débat reste ouvert.
Les noms géographiques ont aussi influencé le vocabulaire du textile et de la mode. Le doux et précieux cachemire affiche ouvertement son origine géographique dans la province asiatique du même nom.
La mousseline dissimule, plus discrètement, une référence à la ville irakienne de Mossoul. Quant au vêtement emblématique des États-Unis, le jean, et au tissu de toile avec lequel il est fabriqué, le denim, leurs noms nous ramènent à leurs villes d’origine : l’italienne Gênes pour jean et la française Nîmes pour denim (« de Nîmes »).
Les langues aussi aiment les jeux de mots!