Le Manitoba demeure une province active et attractive en termes d’immigration.

Selon données compilées par le Manitoba Bureau of Statistics, au cours du premier trimestre de 2025, le Manitoba a gagné 4 637 résidents grâce à la migration internationale nette. L’augmentation nette de 20 781 migrants au Manitoba entre le 1er avril 2024 et le 31 mars 2025 était supérieure de 14,00 % au chiffre net des douze mois précédents.

Parallèlement, le programme provincial de nomination des immigrants, le Programme des candidats du Manitoba (PCM), s’est vu attribué pour 2025 un quota de 6 239 nominations de la part d’Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC).

Dans ce contexte, l’immigration francophone hors Québec a été en hausse.

En 2020, 3,6 % des résidents permanents (RP) d’expression française avaient été admis au Canada hors Québec. Ce chiffre est monté à 7,2 % en 2024.

Immigration francophone, le contexte

Et au premier jour de la 13e Semaine nationale de l’immigration francophone, Lena Metlege Diab, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté disait que son gouvernement était « sur la bonne voie pour atteindre la cible en admissions de résidents permanents d’expression française hors Québec que nous nous étions fixée pour 2025, soit 8,5 % »

À noter que la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a régulièrement demandé des cibles plus élevées pour freiner et renverser le déclin démographique des communautés francophones et acadiennes. Le chiffre de 12 % a souvent été avancé par l’organisme.

La directrice de l’Employabilité et de l’immigration économique du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), Salimata Soro, rappelle que « cela fait plus de 25 ans que des actions sont mises en place pour recruter des immigrants francophones. »

Les cibles de la province sont clairement affichées : aller chercher des travailleurs étrangers qualifiés à l’international, ceci pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs d’activités tels que les ventes de services, les services sociaux, la santé ou encore les métiers liés au transport.

Salimata Soro rajoute que la demande est également présente au niveau du support administratif dans les milieux des affaires, des finances, de l’administration et de l’enseignement. « Le besoin est là », dit-elle.

Encore du travail à faire

Des défis persistent encore, entre autres la barrière de la langue et le manque de services offerts en français.

Salwa Meddri, gestionnaire du RIF MB, reconnaît que du chemin reste à parcourir : « Nous travaillons à offrir un continuum de services en français, du pré-départ à la citoyenneté, mais au niveau de la vie quotidienne il reste des lacunes : certains services n’existent encore qu’en anglais. »

Salimata Soro complète en soulignant que « le plus grand défi reste la reconnaissance des diplômes étrangers », certains professionnels expérimentés doivent souvent recommencer de zéro leur carrière professionnelle.

De Brazzaville à Saint-Boniface : la francophonie en partage

Malgré ces défis, de nombreux nouveaux arrivants francophones réussissent à s’intégrer et à bâtir ici une vie professionnelle et culturelle épanouissante. Leur parcours illustre la résilience et la créativité qui animent la francophonie manitobaine.

C’est le cas de Pierre Minkala-Ntadi, professeur et écrivain, dont l’expérience témoigne du potentiel humain que représente l’immigration francophone.

Professeur au département d’études françaises, langues et littératures de l’Université de Saint-Boniface (USB), Pierre Minkala-Ntadi fait partie de ces personnes d’expression française venues s’établir au Manitoba. Originaire de Brazzaville, en République du Congo, il s’est installé à Winnipeg en janvier 2013 après un parcours marqué par le journalisme, la communication et la recherche universitaire.

Avant son arrivée, il a obtenu un baccalauréat en théologie et travaillé comme journaliste, chargé de communication et enseignant en écriture journalistique. Souhaitant approfondir ses connaissances, il s’est rendu en France pour faire reconnaître son diplôme et poursuivre ses études en sciences de l’information et de la communication à l’Université Grenoble Alpes.

Persévérance

« Je suis arrivé en France en 2005, où je voulais poursuivre ma formation en communication. J’ai obtenu un master et je suis allé préparer ma thèse à l’école doctorale de l’Institut des médias et de la communication de Grenoble. »

Lors d’un séjour à Toronto, il découvre le Canada, qu’il perçoit comme un « pays d’opportunités ». En 2009, il envisage l’immigration, puis obtient un visa dans le cadre du programme Destination Canada. « Je voulais autre chose que le Québec », confie-t-il.

Installé à Saint-Boniface avec sa famille, il se heurte d’abord à la barrière de la langue. « Il faut beaucoup de résilience lorsqu’on arrive ici, et il faut tirer sur plusieurs cordes pour pouvoir trouver quelque chose, parce que ce n’est pas toujours évident de retrouver un emploi dans sa spécialité. »

Grâce à sa persévérance, il trouve un premier contrat à l’Université de Saint-Boniface, puis obtient un poste permanent en 2015, avant de devenir professeur en 2023. « Je ne regrette pas mon choix d’être venu au Manitoba », résume-t-il.

« Ma passion, c’est l’écriture », ajoute-t-il. Auteur de plusieurs ouvrages, dont Du rêve parisien au froid des Prairies (2024), il y raconte le parcours de jeunes arrivants et leurs défis face aux exigences linguistiques et professionnelles du Manitoba. Pour lui, l’écriture prolonge son engagement à faire vivre et rayonner la francophonie dans sa communauté d’accueil.