À l’âge de deux ans, le foie et la rate du petit Léo sont plus gros que la norme.
Quelques visites chez le médecin, quelques tests sanguins et l’on partage à ses parents, Kayla et Mario Dupont plusieurs théories, mais « rien de grave ».
Vers l’âge de trois ou quatre ans, l’on remarque des tremblements chez Léo, au réveil, au petit déjeuner lorsqu’il utilise une cuillère. « On pouvait voir qu’il commençait à avoir de la misère. »
Son équilibre devient chancelant. Dans sa manière de marcher et de courir, les choses changent. Elles se détériorent.
Au mois de juin 2025, tout bascule. Léo, maintenant âgé de cinq ans, est diagnostiqué avec la maladie de Niemann-Pick de type C. La maladie de Niemann-Pick est une maladie génétique rare, très rare.
L’on estime qu’elle touche un enfant sur 100 000 naissances. Elle provoque l’accumulation de certaines graisses et lipides dans le cerveau et sur certains organes. Sur la durée, les organes touchés se détériorent et le système nerveux aussi.
L’on perd alors progressivement ses capacités motrices ainsi que la parole. Il s’agit d’une maladie incurable pour l’heure. Les traitements existants ont donc surtout pour objectif d’adoucir et de retarder le développement des symptômes.
Malgré cela, Léo reste « un petit farceur », nous dit son père. Un p’tit gars qui aime faire des tours et qui est surtout admirateur de sport, surtout lorsqu’il s’agit de voir son frère et sa sœur jouer.
Kayla, sa maman, raconte que Léo ne manque jamais les pratiques de ringuette de sa sœur ni les sessions de curling de son frère. Avec un sourire en coin, elle partage l’anecdote suivante : « Son frère prend des leçons de guitare et il demande toujours à aller voir, je suis obligé de lui dire : Léo… personne ne regarde des leçons de guitare. Mais il veut juste être là! »
Sans surprise, l’annonce du diagnostic a bousculé la vie de la famille installée à Steinbach. Il a fallu passer le choc initial et apprivoiser la réalité qui l’accompagne. Et puis, le couple s’est penché sur la suite.
Accès aux médicaments
Dans le cas de Kayla et Mario Dupont, cela s’est traduit par une bataille administrative pour obtenir l’accès à deux médicaments qui permettent d’améliorer les symptômes et le confort de leur fils Léo. Le Miglustat et le Miplyffa. Et les choses se sont enchaînées rapidement.
« Le Miglustat est un médicament qui a été approuvé par Santé Canada, mais qui ne figurait pas encore sur la liste des médicaments du Manitoba », explique Mario Dupont.
Au mois d’août, une demande a été placée au niveau provincial pour que le Miglustat soit approuvé sous le Exception Drug Status et rendu disponible cliniquement pour Léo.
Après plusieurs mois sans nouvelles, la famille décide de rendre son histoire publique auprès de nos confrères du Steinbach Online dans l’espoir de faire avancer les choses plus rapidement. Un article publié le lundi 3 novembre et qui va tout changer.
« Nous avons reçu un soutien incroyable de la communauté, raconte le père de famille. Les gens ont envoyé des tas de courriels à la personne ministre de la Santé Uzoma Asagwara qui a fini par contacter mon épouse Kayla. »
En milieu de semaine dernière, le médicament recevait l’approbation du gouvernement et Léo a pu recevoir sa prescription.
Le couple se réjouit de la nouvelle, d’autant plus que sous le programme Pharmacare et avec l’assurance de Mario Dupont, les frais de traitement devraient être couverts en grande partie.
Un soulagement lorsque l’on sait que le coût annuel du Miglustat est d’environ 100 000 $. En ce qui concerne le Miplyffa, le médicament a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis en septembre 2024.
Pour y avoir accès, la famille francophone a dû déposer une demande auprès du gouvernement fédéral à travers le Special Access Program (SAP), une demande qui leur a été refusée « sans vraiment d’explication », regrette Kayla Dupont.
Encore trop tôt pour Miplyffa?
La docteure Cheryl Rockman-Greenberg est chercheuse clinicienne et professeure distinguée du département de pédiatrie et de santé de l’enfant de l’Université du Manitoba. Elle apporte un éclairage sur les processus de validation des médicaments.
« Le Miplyffa a été approuvé par la FDA l’année dernière seulement. La compagnie qui a développé ce produit doit maintenant présenter une demande pour que le médicament soit approuvé en Europe et au Canada. Chaque pays doit faire passer le médicament dans son propre système de vérification et de test. »
C’est là que la SAP devient intéressante. Cette demande d’accès spécial intervient justement pour rendre accessible des médicaments qui n’ont pas encore passé les processus scrupuleux de Santé Canada.
« Si le médicament est autorisé ailleurs et qu’il semble être salvateur, le Special Access Program permet de contourner les canaux classiques dans des cas particuliers. » La généticienne explique pourquoi les canaux classiques prennent plus de temps.
« Ils collectent des données auprès des cliniciens, des patients. Ils enquêtent sur l’efficacité du produit, sa sûreté. Le processus d’approbation en est un particulièrement long, mais l’on travaille toujours à l’accélérer.
« L’histoire de ce médicament et son impact au long terme ne sont pas encore tout à fait connus. Je comprends les parents, mais il y a encore beaucoup à faire, pour s’assurer que ce produit est sécuritaire. »
Pour que Santé Canada puisse débuter le processus, la compagnie pharmaceutique doit avant tout déposer une demande auprès de l’agence gouvernementale.
Or, dans le cas de maladies rares, les compagnies pharmaceutiques peuvent estimer qu’il n’y a pas d’intérêt financier à le faire.
Kayla Dupont, dont le téléphone ne cesse de sonner depuis le début de la semaine dernière, nous confiait avoir tenté de comprendre pourquoi leur demande de SAP avait été refusée.
« J’ai contacté la compagnie derrière Miplyffa, et ils semblaient dire qu’ils n’avaient pas d’intérêt commercial à venir au Canada. »
À ce propos, la généticienne se veut rassurante et fait valoir qu’il existe tout de même des avantages à faire exporter les médicaments pour les maladies très rares.
« Ces entreprises investissent beaucoup d’argent et bénéficient de beaucoup d’avantages financiers et matériels pour favoriser la recherche et le développement de ces médicaments. »
Des diagnostics difficiles à poser
Dans les cas qui concernent les maladies rares, l’expérience des familles est souvent similaire. On a le sentiment de se confronter à des déboires administratifs et un système médical qui peine à répondre à l’urgence. Mais la docteure Cheryl Rockman-Greenberg, rappelle qui si les maladies rares portent ce nom, ce n’est pas anodin.
« Il y a des imperfections dans le système, mais les types de symptômes sont parfois communs à d’autres maladies et les médecins doivent se pencher un peu plus près sur le cas de leur patient. Il existe plus de 8 000 maladies génétiques rares et c’est parfois difficile de faire un diagnostic. »
Elle illustre son propos davantage.
« Lorsque l’on entend le bruit des sabots, l’on pense naturellement que c’est un cheval, dans notre domaine, on s’entraîne à imaginer qu’il peut s’agir d’un zèbre. »
Elle indique que cet état d’esprit est enseigné aux étudiants en médecine et que le milieu médical travaille activement à faciliter l’accès à des spécialistes pour les premiers intervenants en santé, comme les médecins de famille.
« Il y a beaucoup de recherche pour améliorer la vitesse des diagnostics. Je pense que la manière de faire sera très différente dans une dizaine d’années. Ça a déjà beaucoup changé. »
Quant à rendre plus efficaces les processus d’approbation de médicament par exemple et leur disponibilité sur le marché, là aussi, c’est un travail de longue haleine.
« Ça prend du temps », conclut-elle.
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté


