Il laissera derrière un réseau plus solide, plus clair, et profondément marqué par la compassion, le service aux autres, la réconciliation et la collaboration. Une mission qui ne l’aura pas laissé indifférent.
Alors que Réseau Compassion Network vient de célébrer ses 25 ans d’existence, un quart de siècle qui s’inscrit toutefois dans une histoire bien plus longue commencée en 1844 par quatre Sœurs Grises de Montréal débarquées au Manitoba, son directeur général depuis 2008, Daniel Lussier, s’apprête à passer le flambeau.
« 17 ans, je n’aurais jamais imaginé rester si longtemps!, lance-t-il. On a franchi le cap des 25 ans, c’est le temps pour moi de laisser une autre personne d’apporter ses talents au poste. » Le conseil d’administration a déjà entamé le processus de recrutement.
« Je ne sais pas combien de temps ça prendra, mais je resterai jusqu’à l’arrivée de celui ou celle qui me succédera, avec si besoin un temps de transition. »
Clarifier la mission
Comme directeur général de RCN, l’une de ses premières et plus grandes tâches a été de mieux faire connaître le rôle de l’organisme auprès de la population, des décideurs et partenaires, et même des agences de services qu’il chapeautait.
« RCN est assez nouveau dans la grande histoire des œuvres qui nous ont été léguées par les congrégations, et ça n’a pas toujours été facile de comprendre et faire comprendre notre rôle d’organisme chapeautant d’autres organismes. Comment travailler avec cet héritage dans un monde contemporain et laïc? »
Cette réflexion a notamment mené au Projet Compassion, au cadre de responsabilisation, et au changement de nom de Corporation catholique de la santé du Manitoba à Réseau Compassion Network, « pour mettre en avant nos valeurs de compassion ».

Sœur Aurore Larkin, supérieure générale des Sœurs Grises de Montréal, qui sont les premières à avoir légué leurs œuvres aux laïcs, créant ainsi en 2000 ce qui allait devenir RCN, se réjouit d’ailleurs de tout ce travail mené autour de la compassion et de sa valorisation. Que ce soit envers soi-même, le personnel ou les personnes vulnérables.
Soutenir les organismes et les besoins
« L’autre question importante, reprend Daniel Lussier, ça a été de savoir comment appuyer nos œuvres sans prendre les décisions pour elles. On a donc développé des expertises, des ressources pour accompagner et soutenir les gouvernances dans toutes leurs décisions, que ce soit pour rechercher des nouvelles directions générales ou établir un plan stratégique dans un monde de plus en plus complexe.
« Enfin, notre troisième grande évolution a porté sur les besoins non comblés. Comment monter des projets qui vont les combler?Aujourd’hui, ceux-ci exigent des solutions qu’un organisme seul ne peut pas livrer. Il faut miser sur la collaboration, les partenariats, être présent de diverses façons, et je pense que la prochaine direction générale devra trouver encore d’autres solutions. C’est constamment en évolution. »
RCN a créé plusieurs nouvelles œuvres depuis 2008.
« Je pense à la Villa Aulneau. Il y aussi eu Abri Marguerite, qui répondait à un besoin non comblé de logements pour les nouveaux arrivants, ou encore le Youth Addictions Stabilization Unit avec Marymound. »
Daniel Lussier souligne aussi tout le travail réalisé au Québec, où RCN est allé appuyer les Sœurs Grises et d’autres congrégations religieuses lors du transfert de leurs maisons mères.
« Pour répondre aux besoins des sœurs, on a créé le Square Angus, qui sont des appartements autonomes ou de soins intermédiaires jusqu’aux soins de longue durée, afin de desservir toute la trajectoire de besoins des sœurs et de la population en général.
« On a aussi appuyé la création de Gestion Providentia, qui soutient les congrégations vieillissantes quels que soient leurs besoins. Le dernier bout de ce voyage était de rassembler tout ceci dans une nouvelle initiative : Réseau Compassion Québec. Ça a été fait en 2022. »
Sœur Larkin confime, « Daniel Lussier a vraiment pris en main nos œuvres dans toutes leurs complexités, avec les fondations, et les a fait grandir. Il a aussi créé de nouveaux partenariats dans la communauté pour répondre à d’autres besoins, dans l’habitation notamment, comme le veut notre mission.
« Il a un grand talent de gestionnaire et un don pour être à l’écoute des besoins non comblés, et faire en sorte d’y répondre du mieux possible. Avec son équipe, ils ont vraiment repris et accompli jusqu’au bout la mission qu’on avait léguée à RCN, en s’assurant toujours avant d’entreprendre de nouvelles choses que ça s’arrimait bien avec nos valeurs de congrégation. On travaillait vraiment bien ensemble. Il savait naviguer entre les aspects civils et canoniques. »
Rappelons que RCN est une personne juridique publique de droit pontifical.
Un leader pour la vérité et la réconciliation
Enfin, le directeur général sortant est fier du chemin parcouru en matière de vérité et de réconciliation, tout comme la supérieure générale. Notamment avec le projet des Clan Mothers.
« Beaucoup a été fait, affirme-t-il. Tout le monde a dit oui, en particulier des leaders de la communauté autochtone. Alors qu’on est un organisme directement lié à l’Église catholique, et qu’on sait que quelques-unes de nos congrégations ont été impliquées dans les écoles résidentielles, avoir reçu leur confiance pour faire ce travail si important est très spécial et ça me rend fier. C’est tout un travail d’écoute, de relations, d’apprentissage et de désapprentissage qu’on a fait et qui n’est pas terminé. »
Sœur Larkin renchérit : « Toujours avec d’autres, Daniel Lussier a vraiment fait avancer la réflexion, le dialogue avec les peuples autochtones, notamment grâce à ses capacités d’écoute, de collaboration, d’accueil de l’autre, de compassion et d’humilité. Un travail qui devra continuer. »
Après 17 ans, Daniel Lussier est fier de l’image plus claire de RCN qu’il laissera derrière lui et du chemin parcouru par la corporation.
« Aujourd’hui, je suis confiant que RCN existera encore dans 50 ou même 100 ans. Je ne sais pas quels seront les organismes qui feront partie du réseau, mais je crois qu’il y aura un réseau parce qu’on a bien défini ses fondements. »
Mais loin de lui l’idée d’en prendre toute la gloire.
« Si on a eu autant de succès ces 17 dernières années, c’est avant tout grâce aux milliers de personnes autour de moi qui ont vu l’importance de notre travail et qui se sont impliquées. Que ce soit les bénévoles de nos agences de services, ceux du côté de la gouvernance dans tous les CA, mais aussi toutes nos équipes. Cette énergie-là est vraiment incroyable. »
Et la suite?
Parmi les défis à relever pour la prochaine direction générale, outre le chemin vers la vérité et la réconciliation à poursuivre, Daniel Lussier identifie les besoins en logement.
« Il y a un tel besoin d’habitations abordables! Les Suites Marion sont un début, et maintenant RCN a un autre projet qui s’annonce : Cohabit. Il inclura des appartements pour le grand public et 20 unités avec services pour des personnes en situation de handicap qui tombent dans les craques du système, toutes abordables. Je crois que ce sera une première au Canada.
« La Ville de Winnipeg va nous donner un terrain sur la rue Taché. On est en train de finaliser le design, ce qui nous donnera un budget de construction plus précis. On espère être en construction d’ici décembre 2026. Ce sera un grand projet à mener pour la personne qui me succédera. »
D’autres besoins à adresser seront, selon lui, les questions d’itinérance, mais aussi d’insécurité alimentaire.
« Comment RCN peut-il apporter son aide à la table pour avoir un impact à long terme? C’est la question à laquelle il faudra répondre. »
Si Daniel Lussier est fier du parcours de RCN, il confie avoir lui aussi évolué personnellement.
« C’est spécial d’avoir eu la chance d’être inspiré par ces femmes leaders des communautés religieuses, ces pionnières, ces administratrices et stratèges si fortes.
« Travailler auprès de gens dans le besoin m’a aussi permis d’explorer ce que voulait dire la compassion, la réconciliation. Je pense être devenu plus humain, plus ouvert au monde. Je n’imaginais pas à quel point ce poste allait me faire évoluer comme personne! »
À « une bonne dizaine d’années de la retraite », il n’a pas de plan particulier.
« D’abord je boucle comme il faut avec RCN, ensuite je prendrai le temps de penser à la suite. »
Quant à l’avenir de RCN, Sœur Aurore Larkin a confiance : « Les gens au Manitoba ont à cœur de poursuivre ces œuvres et de continuer de répondre à tous les besoins », termine-t-elle.



