Fruit d’un long processus créatif amorcé depuis 2021, Béatitudes rassemble dix titres enregistrés entre 2021 et 2025 et entièrement composés par le rappeur francophone venu du Luxembourg.
Les auditeurs retrouveront également des collaborations avec des artistes locaux et internationaux, notamment les artistes manitobaines Kelly Bado et Dominique Reynolds, ainsi que le rappeur français Ziqui et le belge Temé Tan.
Le titre de l’album Béatitudes n’a rien d’anodin. Il évoque la quête d’équilibre, de gratitude et de sens à travers les épreuves. Alpha Toshineza raconte avoir traversé une période très difficile personnellement, à laquelle se sont ajoutés tous les bouleversements survenus au cours des cinq dernières années.
Selon lui, la pandémie et les crises successives ont marqué une profonde rupture. « Il y a eu un avant et un après 2020, on a basculé dans un monde parallèle », confie l’artiste.
Là où certains artistes écrivent dans la tourmente, Alpha Toshineza affirme avoir besoin d’un temps de recul et de silence, afin d’ensuite pouvoir « parler du traumatisme » et relativiser.
Pour lui, il s’agit d’un « album thérapeutique, un album de guérison, comme il le souligne, avec beaucoup de positivisme »
La chanson Heureux illustre particulièrement cette démarche. Elle s’ouvre sur l’image d’un rescapé. L’artiste cite les premières phrases du morceau
« On a fait naufrage, mais non je ne mourrai pas, mon temps n’est pas encore venu ». Pour lui, cette idée résume la survie psychologique des dernières années.
« C’est se considérer comme être un survivant d’une époque qui n’est pas facile, et se dire : waouh, j’ai quand même atterri sur cette île, mon petit paradis que je construis, et donc c’est une manière de voir les bons moments de la vie, d’apprécier les choses positives. »
Chacun des dix titres de l’album Béatitudes est une étape dans le processus de guérison de l’artiste. S’il admet avoir du mal à choisir, il cite certains morceaux :
Beaver Hill : Pour lui, Beaver Hill « est vraiment le titre phare de cet album ». La chanson parle d’un espace d’élévation : « C’est ce moment où on se retire et où on essaie de voir l’horizon, de voir un soleil au-delà des problèmes », dit-il. Le titre bénéficie également de la présence de Dominique Reynolds.
– OVPLA (acronyme pour On Va Pas Lâcher l’Affaire) : il convie ici le rappeur bordelais Ziqui sur un titre plus énergique, plus hip-hop célébrant la persévérance. Selon Alpha, ce titre parle de « la foi de faire avancer les choses à travers notre musique, et aussi de l’envie de marquer et de laisser une empreinte dans le monde de la musique ».
– Noir 2 service : Avec son titre volontairement provocateur, Noir 2 service aborde l’actualité avec franc-parler. « Aujourd’hui c’est Halloween, c’est l’horreur en Palestine », rappe-t-il dans sa chanson. Sans se revendiquer militant, il mentionne son cynisme pour dénoncer des faits de l’actualité qui le choquent, tout en gardant un certain recul.
– Reviens me voir à l’automne : Il décrit cette collaboration avec Kelly Bado comme « un super morceau », enrichi par le travail de musiciens locaux tels que le bassiste Henry Onwuchekwa.
Un retour au rap classique
Alpha Toshineza revendique plus que jamais son ancrage dans la plus grande tradition du rap. Il cite notamment des influences majeures de « l’âge d’or du rap français » telles que IAM, MC Solaar, Oxmo Puccino ou Youssoupha, artistes phares des années 1990 et 2000.
À l’heure où le rap se décline en multiples tendances pop ou afro, l’artiste explique avoir choisi de revenir à ses racines artistiques : « l’écriture, le rap et la poésie » résume-t-il.
Une pochette chargée de symboles
L’image de couverture, particulièrement marquante, montre l’artiste placé devant une fresque médiévale représentant l’Apocalypse. Il se tient, calme, presque en contemplation, malgré le tumulte figuré derrière lui.
Alpha Toshineza assume ce choix visuel : « On voit ce chevalier qui a du feu dans les yeux, c’est assez violent, et moi au milieu. Cette image résume parfaitement mon état d’esprit, c’est-à-dire, moi, au milieu de ce contexte dans lequel on vit, on a l’impression d’être presque devant la fin du monde, et au milieu de tout ça, je regarde en me disant, au milieu de tout ça, est-ce que je peux quand même continuer à apprécier les petites choses de la vie, est-ce que je peux continuer à méditer? ».
Pour lui, la pochette résume l’essence de l’album : résister au chaos en cultivant son propre « petit coin de paradis », comme il le qualifie.
L’album a été dévoilé le 15 novembre dernier, lors d’une session d’écoute qui s’est déroulée au Frenchie’s Records and Coffee à Saint-Boniface.
Il a été en parallèle mis à disposition sur Bandcamp, et est aujourd’hui disponible sur les plateformes de streaming. Une version CD et une collection de produits dérivés ont accompagné cette sortie.
Mais contrairement aux artistes qui enchaînent showcases et tournées, Alpha Toshineza garde une approche mesurée :
« Je ne suis pas en début de carrière, je ne veux pas absolument faire toutes les scènes ».
Les concerts viendront « quand ce sera le moment », dit-il simplement. Au-delà de l’expérience personnelle de l’artiste, Béatitudes porte une ambition plus large : raviver l’intérêt pour le rap francophone au Manitoba.
« Il y en a très peu ici », rappelle Alpha Toshineza. Ce qu’il souhaite? Que les auditeurs se sentent « inspirés » et qu’ils aient envie d’explorer davantage la musique rap en français.




