À la suite de l’agression d’un homme envers un élève survenue récemment dans une école de Saint-Vital, le gouvernement manitobain a exigé que toutes les divisions scolaires de la province révisent leurs plans d’urgence et leurs mesures de contrôle d’accès, et ce avant le 25 décembre.

Une demande qui a provoqué une onde de choc dans le système scolaire, mais qui n’a pas pris au dépourvu la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM).

À la question de savoir si les délais vont être tenus, Alain Laberge, son directeur général répond avec confiance : « Sans problème! Pour nous, les révisions sont déjà faites ».

Pour lui, la sécurité n’est pas une réaction à l’actualité, mais un travail constant de chaque établissement.

« La Division scolaire franco-manitobaine met ses plans d’urgence annuels en révision chaque année. Nous, on le fait en septembre pour chacune de nos écoles », rappelle-t-il.

Une démarche nécessaire pour s’adapter aux réalités des 25 écoles, dispersées à travers le Manitoba francophone. « Chaque école a ses propres particularités, avec un plan d’urgence adapté », rajoute-t-il.

Contrairement à un modèle provincial uniforme, la DSFM doit composer avec des bâtiments aux configurations extrêmement variées : écoles en milieu rural, annexes portatives, établissements de petite ou grande taille.

Certaines disposent d’une unique entrée centrale, d’autres multiplient les points d’accès. Cette diversité structurelle influence directement les mesures de sécurité.

Par exemple, toutes les écoles de la maternelle à la 8e année barrent systématiquement leurs portes. Mais du côté des écoles secondaires, c’est parfois impossible en raison des portatives situées à l’extérieur. Ces modules servent de salles de classe supplémentaires dans des établissements devenus trop étroits pour leurs effectifs.

« Ce va-et-vient-là ne permet pas d’avoir simplement une porte barrée en tout temps. Quand vous avez 200 élèves qui partent de leur roulotte pour aller vers la bâtisse principale, ça serait illogique », souligne Alain Laberge.

Ainsi, dans ces écoles, une porte secondaire demeure ouverte afin de permettre aux élèves d’entrer rapidement dans le bâtiment principal pour leurs cours, leurs pauses ou pour accéder aux toilettes, absentes dans les portatives. Malgré des contraintes logistiques, la majorité des écoles de la DSFM sont déjà équipées de caméras intérieures et extérieures. Deux tiers disposent d’un système d’interphone exté-rieur permettant de contrôler les entrées.

« La personne doit se nommer, la secrétaire peut voir la personne et on laisse entrer ou non », explique Alain Laberge.

Les écoles encore dépourvues de ce dispositif avaient déjà été planifiées pour en être dotées d’ici juin 2026.

Le calendrier était donc fixé bien avant l’annonce gouvernementale. Mais l’enveloppe financière annoncée par la province pourrait poser problème. Les montants évoqués, environ 500 000 $ pour l’ensemble des écoles manitobaines (au nombre de 700), semblent dérisoires.

« Par un calcul du montant général divisé par le nombre d’écoles, Nous, on a calculé que chaque école recevrait 700 $. Un interphone coûte 15 000 à 20 000 $ », précise le directeur général.

La division attend toujours les directives précises sur l’utilisation des fonds, notamment pour savoir s’ils doivent financer du matériel, de la formation ou encore des mesures de prévention.

Former pour prévenir

La sécurité ne se limite pas aux infrastructures. Elle repose aussi sur les pratiques, les réflexes et l’éducation.

La DSFM inclut des exercices réguliers organisés durant l’année scolaire dans ses écoles : évacuation en cas d’incendie, de tornades, confinements barricadés, protocoles en cas d’intrusion.

« Mais il faut prendre des réflexes », insiste Alain Laberge.

« Il faut qu’il y ait un réflexe chez les élèves de dire, je vais aller à l’administration s’il y a un adulte que je ne connais pas dans l’établissement. »

Chaque année, de nouveaux élèves et de nouveaux membres du personnel arrivent dans les établissements.

La mise à jour annuelle des plans d’urgence permet de redistribuer les rôles, réexpliquer les procédures et assurer une cohérence d’un établissement à l’autre.

« On pense toujours, le directeur général s’en va dans une école, il est connu. Il est peut-être connu par beaucoup de gens, mais il aurait besoin quand même de son identification, avec une carte, avec son nom et son travail. On a aussi des employés qui vont dans les écoles pour réparer l’électricité, le chauffage, la plomberie. C’est simplement pour nous une autre mesure de précaution, de s’assurer que notre personnel est facilement reconnaissable quand il va dans les écoles. »

Un financement dédié à la formation serait donc accueilli favorablement.

« La seule chose qu’on demande au ministère de l’Éducation, c’est que, s’il y a quelque chose qui existe déjà, comme formation, de nous l’envoyer en français », souligne-t-il.

Sans quoi la DSFM devrait traduire elle-même les contenus.

Préparer sans inquiéter

Au-delà du renforcement des mesures physiques, les besoins psychologiques des élèves et du personnel sont au cœur des préoccupations.

Dans un contexte où l’incident de Saint-Vital circule rapidement dans les conversations, la DSFM veut rassurer.

Elle a envoyé une lettre à toutes les familles pour expliquer les mesures en place, en insistant sur un principe fondamental pour le directeur général : « Le risque zéro n’existe nulle part. Ce genre d’évènement, c’est quelque chose qu’on ne peut pas prévoir, mais on peut se préparer à ce qu’on ne peut pas prévoir ».

Pour les plus jeunes, un rappel des consignes de sécurité est prévu au retour des vacances d’hiver, moment idéal pour réactiver les réflexes.

Le directeur général rajoute que la sécurité psychologique des élèves est également primordiale, avec des conseillers présents pour les guider.

Alain Laberge notifie qu’une équipe d’urgence divisionnaire, composée de travailleurs sociaux, psychologues et conseillers, est amenée à intervenir lorsque des événements traumatiques surviennent.

Elle a été mobilisée récemment, notamment lors du décès d’une élève en mai.

Ces équipes s’adressent autant aux élèves qu’au personnel, car « au niveau émotionnel et au niveau psychologique, ça a le même impact chez un adulte », ajoute-t-il.

Défis

L’un des grands défis évoqués par Alain Laberge concerne la tension entre sécurité accrue et sentiment d’ouverture.

Les écoles francophones jouent souvent un rôle communautaire important dans les ruralités.

Y imposer des normes plus strictes peut paraître contradictoire avec cet esprit d’accueil.

« Lorsqu’on est en ville, les parents ne s’offusquent pas de portes barrées. Mais lorsqu’on arrive dans nos villages, pour certains parents, c’est un affront qu’une école, qu’on dit communautaire, nous oblige à sonner, à se nommer et à rentrer », dit Alain Laberge.

« On est souvent à la recherche des solutions parfaites, parfois elles n’existent pas. Mais d’être le mieux préparé possible, je pense que c’est la meilleure chose », conclut-il.