L’accueil d’étudiants internationaux est une source de financement non négligeable pour les établissements postsecondaires; particulièrement dans la francophonie canadienne. La fermeture des frontières et les restrictions sanitaires forcent les établissements à réviser leurs budgets.

 

Par Marc POIRIER – Francopresse

 

La très grande majorité des étudiants internationaux qui devaient entreprendre une 1re année dans un établissement postsecondaire canadien ne sera pas au rendez-vous en septembre. Le 18 mars, le gouvernement fédéral a cessé de délivrer des permis d’études pour les étudiants internationaux en raison de la nouvelle réalité imposée par la COVID-19.

Seuls ceux qui ont obtenu ce permis avant cette date seront autorisés à venir au Canada pour entreprendre des études.

« Avec les délais de traitement pour les permis d’étude, ça fait en sorte que pour la majorité de la francophonie canadienne, il y aura très peu d’étudiants internationaux qui vont se déplacer, qui seront sur le campus », souligne Christian Perron, directeur des services aux étudiants et du recrutement à l’Université Saint-Boniface, à Winnipeg.

Pour l’établissement franco-manitobain, c’est 50 nouveaux étudiants qui ne seront pas là en septembre. « On a espoir qu’ils vont se reprendre à l’hiver 2021, mais ça dépendra de la situation de la pandémie à ce moment-là ».

À lire aussi : La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

Les étudiants internationaux reviendront… un jour

La situation est toute autre pour les étudiants internationaux qui fréquentaient déjà les collèges et les universités et qui n’ont pas encore terminé leurs études. Les établissements contactés par FRANCOPRESSE s’attendent tous à ce que la quasi-totalité de ces étudiants soit de retour.

« La plupart de nos étudiants qui étaient en 1re et 2e année l’année dernière sont encore au Canada», explique Mélanie Doyon, gestionnaire, liaison internationale, au Collège Boréal, en Ontario. «Ils vont donc poursuivre leurs études en septembre, à quelques exceptions près. Il y en a quelques-uns qui sont rentrés chez eux. Ils vont pouvoir continuer. Ils ont la possibilité de revenir au Canada parce qu’ils ont un permis d’études valide ou ils peuvent choisir de poursuivre leurs études depuis leur pays d’origine s’ils ne peuvent pas voyager tout de suite. »

Mélanie Doyon est également optimiste quant à l’accueil éventuel des étudiants inscrits en 1re année. « Je n’ai pas vraiment constaté que des étudiants ont abandonné leur projet d’études au Canada. Ce n’est que partie remise. Le rêve de venir étudier au Canada demeure. Il s’agit juste de savoir quand ils vont pouvoir arriver au Canada pour commencer leurs études. »

Ailleurs en Ontario, l’Université Laurentienne estime que la baisse des nouveaux étudiants internationaux pourrait atteindre 25 %. L’Université de Hearst dans le Nord de l’Ontario, qui compte environ 230 étudiants, mise énormément sur cette clientèle depuis plusieurs années. Cette année, elle devra composer avec une cinquantaine d’étudiants en moins à la rentrée. Ce qui équivaut à un peu plus de 20% de ses effectifs.

Des conséquences financières « non négligeables »

Il n’en reste pas moins que la diminution du nombre d’étudiants internationaux entraine des conséquences financières. À l’Université Sainte-Anne, à Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse, cette diminution à la rentrée se chiffrera entre 50 et 80 étudiants, alors que les inscriptions avaient atteint le niveau record de 540 étudiants l’an dernier.

Le recteur Allister Surette s’attend aussi à une diminution de la population étudiante totale en raison de la pandémie. « On a fait des scénarios où on verrait une réduction totale du nombre d’étudiants de 23 à 46 %. On espère que le 46 % n’arrivera pas. On attend les deux premières semaines de septembre pour voir l’impact.  »

Si c’est le meilleur scénario qui prévaut, le manque à gagner pour l’université serait de 1,1 million de dollars. Une diminution de 46 % entrainerait une perte de 2,4 millions de dollars.

« Comme toutes les autres universités, ça va être un défi, un défi pour cette année, mais aussi pour quelques années pour essayer de récupérer », ajoute Allister Surette. « Un déficit de 1,1 million, c’est environ 5 % de notre budget. Ce n’est pas la fin du monde, mais c’est sûr qu’il faudra planifier en conséquence pour contrôler les dépenses. »

Du côté de l’Université de Moncton, où 20 % des étudiants proviennent de l’extérieur du pays, on prévoit une entaille au budget entre deux millions et demi et trois millions de dollars.

Ce n’est pas uniquement la baisse d’inscription des étudiants internationaux que le qui fait des ravages budgétaires. En prenant en considération tous les impacts de la COVID-19, « c’est à peu près 6,5 % du budget, ce qui n’est pas négligeable », indique Christian Perron de l’Université Saint-Boniface. « On a dû revisiter la planification budgétaire de fond en comble. Et on a pu arranger ça pour arriver à un budget équilibré. Mais ce n’est pas sans écarter temporairement des projets spéciaux, certaines initiatives. On a priorisé la programmation pédagogique. »

Au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), le coup à encaisser est assez solide. « Nous, on sait qu’on va avoir des pertes de revenus d’environ trois-millions. Ça pourrait être pire, mais c’est notre prévision », précise le président-directeur général du CCNB, Pierre Zundel.

Mots d’ordre : adaptation et optimisme

En général, les établissements demeurent optimistes face à un changement des règles, si jamais la situation de la pandémie devait s’améliorer rapidement. Le gouvernement fédéral a réitéré récemment les restrictions, notamment l’interdiction d’entrée pour les étudiants n’ayant pas obtenu de permis d’études au plus tard le 18 mars.

Très peu d’étudiants entrent dans cette catégorie. À l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, sur un nombre possible de 80 nouveaux étudiants internationaux en 1re année, seulement quatre ou cinq ont obtenu leurs permis d’études avant cette date. Et encore là, «on n’est même pas certains» qu’ils pourront ou voudront venir, souligne le recteur Surette, en raison des conditions dans leur pays d’origine.

Tout cela pourrait changer si Ottawa ouvre les frontières du pays aux visiteurs de certains pays, comme l’ont fait plusieurs pays au cours des dernières semaines, notamment en Europe.

Pierre Zundel souhaite un retour à la normale le plus vite possible. Il souligne que les étudiants internationaux sont importants, non seulement pour les établissements d’enseignement, mais pour l’apport démographique des communautés francophones, car ils constituent des immigrants de choix et qu’une grande partie d’entre eux souhaite rester au Canada. « Les étudiants internationaux au CCNB et à l’Université de Moncton sont un élément très important de la stratégie de croissance du gouvernement du Nouveau-Brunswick. C’est vraiment important pour la province de maintenir le débit de ces étudiants-là. Ils jouent un rôle très important pour nous. »