Par Michel LAGACÉ.

S’adressant à des partisans libéraux lors de la course à la chefferie du parti en mars dernier, il a lancé à la blague que le Président américain nous avait unis comme jamais auparavant et il a suggéré que le Canada lui accorde l’Ordre du Canada.

Comme bien des blagues, celle-ci contient sa part de vérité, car 158 ans après la Confédération, le Canada n’a pas encore atteint un des objectifs principaux qui ont motivé sa création. Car la vision d’un marché unifié sous un cadre économique unique qui faciliterait le commerce entre les provinces n’a pas encore été pleinement réalisée.

Dès les débuts, chaque province étant souveraine dans ses champs de compétence, les barrières commerciales interprovinciales ont constitué un obstacle à la croissance économique du pays. À ce jour, elles limitent la libre circulation des biens, des services, des capitaux et de la main-d’œuvre à l’intérieur du pays.

Les différences réglementaires, législatives et administratives entre les provinces et territoires créent des obstacles qui nuisent à la compétitivité et à la croissance économique.

Chaque province et territoire, par exemple, possède ses propres réglementations concernant la production, la distribution et la vente de biens et services. Et les normes de construction varient entre les provinces, ce qui impose aux entreprises de s’adapter à des codes différents lorsqu’elles travaillent sur des projets interprovinciaux.

En ce qui regarde l’accréditation professionnelle, les exigences pour exercer une profession peuvent varier d’une province à l’autre, ce qui complique la mobilité des travailleurs. Et le transport des biens à travers les provinces peut être entravé par des règles de licences et des inspections.

Ces obstacles entraînent des conséquences importantes sur l’économie canadienne puisqu’elles coûtent chaque année des milliards de dollars en termes de perte de productivité et de compétitivité.

La guerre commerciale que les États-Unis livrent contre le Canada donne actuellement un nouvel élan aux tentatives d’harmoniser des réglementations et d’adopter des normes communes. C’est ce qui motive actuellement les provinces à signer des ententes entre elles, tandis que le Premier ministre Mark Carney s’est engagé à présenter un projet de loi visant à éliminer tous les obstacles fédéraux au commerce intérieur et à la mobilité de la main-d’œuvre d’ici le 1er juillet.

Toujours dans le but de renforcer l’union économique du pays, la réunion des Premiers ministres tenue la semaine dernière à Saskatoon avait comme but principal d’identifier des projets élevés au rang « d’intérêt national » qui seraient assujettis à un processus d’approbation réglementaire simplifié. L’exploitation des ressources naturelles, comme le pétrole et les minéraux critiques, était au cœur des discussions.

Il n’est pas surprenant, alors, que des représentants des Premières Nations ont déploré le fait qu’ils étaient absents dès le début de ces discussions. Car accélérer de tels projets dans l’intérêt national en excluant les Premières Nations constitue non seulement une violation de leurs droits mais une invitation à la résistance. Et tenter de réparer les dommages après coup ne fait que perpétuer les erreurs du passé.

Clairement, les provinces et le gouvernement fédéral doivent faire face au triple défi d’inclure les Premières Nations, de créer un consensus entre eux et d’éliminer des barrières commerciales interprovinciales bien ancrées dans les mentalités.

Et si la guerre commerciale menée par Donald Trump nous mène à résoudre ces problèmes qui sont aussi vieux que le pays, il faudra bien prendre la blague de Jean Chrétien au sérieux et livrer à Donald Trump un Ordre du Canada libre de tout droit de douane.