Par Marie WIELGOCKI (collaboration spéciale) et Hugo BEAUCAMP.
En entrant dans le Centre React, les patients y sont accueillis au sein d’un décor aussi bien travaillé que chaleureux. L’ambiance y est accueillante, notamment grâce à de nombreux espaces dédiés à la rencontre et à la discussion, mis à disposition de tous.
« On ne voulait pas que ce soit trop institutionnel, ou que ça ressemble à un hôpital, ça peut rappeler de mauvais souvenirs », explique Patrick Tshiovo, directeur de l’établissement mais aussi conseiller.
Installée au sein des locaux de la Riverwood Church Community, l’organisation propose plusieurs pro- grammes d’aide psychologique.
Les professionnels de React, acronyme de Recovery Education in Addiction Complexe Trauma, distribuent ainsi des contenus éducatifs, proposent des services sociaux et enseignent à leurs patients les thématiques liées à la santé mentale.
L’objectif de cette approche est de donner les clés aux patients, pour les engager à exprimer leurs émotions et prendre conscience de leurs traumatismes. En 2024, 142 personnes ont participé aux programmes.
Un environnement sain pour guérir
Un environnement sain. Voilà un principe important chez React.
« Nous faisons tout pour les mettre à l’aise », explique le directeur.
« Plus ils sont à l’aise dans leur environnement, c’est-à-dire nourris et en sécurité, plus ils sont ouverts à écouter les enseignements en classe et pourront réellement guérir ».
Dans les locaux du centre, il n’y a pas seulement des cours, mais également des services de la vie quotidienne. Des salles ouvertes permettent d’accueillir des personnes souhaitant simplement lire un livre ou discuter entre amis. Une grande cuisine professionnelle est également mise à disposition des personnes avec un accès à la nourriture.
« Pour certains et certaines d’entre eux, la nourriture que nous fournissons est la seule qu’ils auront pu avoir dans la journée », tient à préciser le directeur.
Pour faciliter davantage la prise en charge des patients, le centre React aimerait disposer d’une garderie pour enfants.
« Il existe déjà un système de garderie au sein des locaux de Riverwood Church et nous travaillons actuellement avec eux afin de proposer ce système à nos patients. »
Un centre spécialisé sur le traumatisme complexe
« React est le seul centre spécialisé sur le traumatisme complexe au Manitoba », souligne Patrick Tshiovo.
Pour traiter du traumatisme complexe, cette forme de trouble liée au syndrome post-traumatique, les professionnels enseignent aux patients lors d’ateliers et de séminaires du lundi au vendredi de 9 h à 12 h 30.
« Ils ne peuvent manquer que 4 jours, car ils doivent s’habituer à une routine qui n’est pas la leur », précise-t-il.
Les programmes de rétablissements sont proposés aux adultes, tout comme aux adolescents. En plus du programme pour adultes de plus de 18 ans, « les jeunes de 11 à 17 ans peuvent aussi être pris en charge », explique le directeur.
« En général, la prise en charge des enfants se fait suite à la demande des parents ou des travailleurs sociaux », précise-t-il.
Les programmes en question sont organisés en deux « classes » qui doivent être, en général, suivies l’une après l’autre. La première classe dure 4 semaines.
« Il s’agit d’apprendre à gérer les émotions et à contrôler sa santé mentale », explique Patrick Tshiovo.
« Certains sollicitent de l’aide et demandent ce programme car ils parviennent à se distancer ou se séparer de relation personnelle abusive, d’autres ont besoin d’un soutien car ils ont des problèmes de dépendances à la drogue ou à l’alcool, c’est très diversifié », précise-t-il.
La deuxième classe dure 8 semaines, et se concentre sur les défis plus introspectifs.
« Il s’agit ici d’une réflexion plus personnelle, savoir comment et pourquoi le patient a agi ou réagi de telle manière et quelles en ont été les conséquences », souligne-t-il.
Changer des vies
Cette deuxième partie du programme n’est pas toujours la plus facile. Elle est en tout cas, à en croire Ruben Reimer, la plus enrichissante.
Ruben Reimer est sobre depuis maintenant plus d’un an. C’est un grand gaillard avec de gros bras, une coupe militaire et une moustache en guidon. S’il est intimidant aux premiers abords, il suffit de quelques secondes pour se rappeler de ne jamais se fier aux apparences.
Un grand sourire, un « comment vas-tu ? » sincère.
C’est avec beaucoup de fierté que Ruben Reimer parle de son parcours au sein du programme.
« Je ne savais pas ce qu’était un traumatisme complexe, admet-il. Je savais qu’il m’était arrivé des choses dans ma vie qui m’ont pesé sur les épaules pendant des années. »
À propos de ses traumatismes, il ne donnera pas plus de détail et par pudeur, La Liberté n’en demandera pas plus.
Un jour, son fils lui parle du programme React et Ruben Reimer décide d’assister à une première réunion d’orientation.
« J’avais atteint le fond! », lance-t-il. « Je consommais de la drogue, j’étais vraiment dans une situation terrible ».
Une pointe de fierté étire les coins de ses lèvres.
« J’ai suivi une cure de désintoxication, j’ai emménagé à Forward House (1) et j’ai suivi le programme. Je voulais comprendre si tout était de ma faute, et ça ne l’était pas. Ça a été difficile au départ, mais si l’on a la détermination de se regarder en face, de supporter la douleur, les résultats en valent la peine.
« Ça a changé ma vie. »
Aujourd’hui, Ruben Reimer travaille bénévolement dans les cuisines ici, au Centre React.
« C’est parfait, ça me donne une raison de me lever le matin et de sortir de ma zone de confort. Qui aurait cru que je pouvais être chef cuisinier? », s’amuse-t-il.
Il a également renoué avec sa famille, il ira d’ailleurs garder la maison et les chiens de sa fille qui part en voyage ce mois d’août.
Partenaires et collaborations
Pour être pris en charge à React, les patients doivent ainsi participer à 12 semaines de programmes et de prises en charge.
« Notre objectif est d’abord de proposer des programmes de rétablissement en ambu- latoire pour les personnes dépendantes et ayant des troubles mentaux », explique Patrick Tshiovo, directeur exécutif de l’association depuis 2020.
Bien que le centre ait changé d’identité pour devenir React en 2016, il existait depuis 2006 sous le nom de Finding Freedom.
« Nous avons la chance d’avoir des partenaires qui nous subventionnent et nous avons un contrat temporaire avec le gouvernement qui prend en charge les frais de 50 personnes du programme », explique le directeur.
La somme demandée aux personnes souhaitant participer au programme est aujourd’hui de 500 $.Patrick Tshiovo explique que sans ces subventions, le prix s’élèverait à 16 000 $ par personne.
Une somme assez conséquente, en particulier pour des personnes en situation précaire. Seulement, comme ce fut le cas pour Ruben Reimer, des solutions sont parfois trouvées à travers le financement du gouvernement ou bien les dons reçus.
« Je n’avais pas l’argent pour suivre le programme », se souvient celui qui est désormais bénévole. « Mais ils m’ont dit que si j’étais vraiment sérieux, je pouvais continuer de venir. »
« Pour travailler ici, il faut au minimum un diplôme communautaire, c’est très important pour nous », souligne le directeur qui explique que beaucoup d’étudiants infirmiers font leurs stages communautaires à React.
Le centre collabore avec divers organismes pour répondre au mieux aux besoins des patients.
« Nous sommes très connectés avec des centres de santé, ce qui nous permet d’envoyer certains patients vers des soins médicaux plus sérieux, souvent ce sont vers des infirmières ou des psychiatres », précise-t-il.
Par ailleurs, une collaboration étroite est entretenue avec des services de logement. « Nous aidons beaucoup de personnes à trouver un logement grâce à nos collaborations ».
(1) Forward House est un programme de logement de transition de deuxième étape destiné aux hommes ayant terminé une désintoxication et un traitement, et qui souhaitent recevoir un soutien supplémentaire dans la communauté avant de passer à un logement permanent.
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté