Par Raymond HÉBERT.

Ce processus est rapidement devenu incohérent, sinon chaotique.

D’abord, le gouvernement l’a lancé sans aucune indication concernant la méthodologie qu’il emploiera pour sonder la population, ni même définir cette population.

Donc une série de réunions publiques ont débuté en août, réunions qui n’ont suscité qu’une piètre participation.

Le gouvernement a également développé un questionnaire qui peut être rempli en ligne.

De son côté, la SFM organisera en septembre une série de rencontres sectorielles et verra à la « mobilisation d’organisations pour organiser des discussions de groupe qui seront ensuite partagées avec le gouvernement ».

Comment sera analysé ce fouillis d’informations (questionnaires, commentaires faits en réunions, inputs des organisations…)? Et n’oublions pas que tout cela viendra s’ajouter aux milliers de pages qui ont été générées durant les grandes consultations menées par la SFM lors des États généraux en 2014-2015 et les rapports qui en découlèrent.

Après tout cela, j’ose prédire que nous ne serons pas plus près d’un véritable plan d’action que notre communauté, c’est-à-dire la SFM, pourra présenter au gouvernement.

Entretemps, la SFM a pris l’initiative de présenter un mémoire au Conseil consultatif des affaires francophones, soulignant qu’il faudrait « mettre à jour la loi, de la renforcer ».

Ce mémoire n’a pas été rendu public, mais on peut présumer qu’il impliquerait des amendements à la Loi 5.

Il serait essentiel, il me semble, que les membres de la SFM aient l’occasion de discuter de ce mémoire lors de la prochaine AGA, qui aura lieu le 13 novembre prochain.

Même si cette initiative est sans doute louable, elle vient s’ajouter à toutes les autres consultations qui sont en marche, sans qu’il y ait de lien évident entre ces « consultations », les questionnaires et le mémoire qui sera discuté au Conseil.

Et il faut bien le dire : un amendement à une loi n’est pas un plan d’action.

Il est intéressant, à travers tout cela, que ce n’est que maintenant que la SFM découvre les vertus de la Loi 5 et de son Conseil consultatif.

Après près de 10 ans d’existence, ne sommes-nous pas en droit de poser des questions autour du fonctionnement du Conseil et surtout du rôle que la SFM y a joué?

À ma connaissance, il n’y a jamais eu de rapport à la communauté sur cette question.

Compte tenu du nouveau contexte politique, où le premier ministre Wab Kinew lui-même et le ministre des Affaires francophones Glen Simard, manifestent une grande ouverture envers de nouvelles approches face au bilinguisme, on pourrait peut-être miser sur ce Conseil pour initier le travail de développer et d’implanter un plan d’action réel pour la francophonie manitobaine.

Vu que le Conseil regroupe, du côté du gouvernement, les plus hauts fonctionnaires de la fonction publique, on pourrait envisager une initiative, mandatée par le premier ministre lui-même, où on demanderait à chaque ministère de présenter un plan d’action pour une période donnée, mettons 5 ans.

La SFM et les hauts fonctionnaires membres du Conseil pourraient ensuite examiner ces plans d’action et y contribuer avant qu’ils soient finalisés.

Cela pourrait se faire pour chaque ministère, à tour de rôle, sur une période donnée, mettons un an (ou moins, si on veut faire du zèle!).

Cela éviterait le travail ardu, et probablement impossible, de colliger les centaines de commentaires qui seront recueillis au cours des diverses « consultations » entamées, dont les résultats sont d’ailleurs déjà prévisibles.

Et à mesure que les plans d’action ministériels seraient déposés, ils pourraient être discutés par la SFM avec les organismes communautaires pertinents avant d’être finalisés.

Voilà qui, enfin, serait une consultation réelle et efficace!

À mon avis, ce n’est qu’après un tel processus qu’on devrait considérer l’adoption d’un amendement à la Loi 5. Entretemps rien n’empêche l’adoption de nouveaux règlements aux termes de cette Loi.

Et, en considérant l’option d’un amendement, n’oublions jamais qu’un élément anti-francophone subsiste dans la société manitobaine, élément qui peut se mobiliser rapidement, comme on l’a vu durant la crise linguistique des années 1980.

Comme le disait le juge Richard Chartier, dans son rapport de 1998, « avant toute chose, le bon sens »!