Le directeur général de l’Union nationale métisse de Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM) Richard Turenne, s’est rendu en Nouvelle-Zélande pour participer à la World Indigenous Peoples’ Conference on Education, un déplacement tant symbolique que marquant.
La conférence s’est tenue du 16 au 20 novembre, débutant le jour même de la 140e commémoration des tombes et du décès de Louis Riel.
Au total, avec plus de 3 000 participants, la World Indigenous Peoples’ Conference on Education (WIPCE) est considérée comme la plus importante conférence mondiale consacrée à l’éducation autochtone.
« On avait au-delà de 25 groupes autochtones qui forment le conseil international des groupes autochtones en éducation qui étaient présents », explique Richard Turenne.
Aotearoa
Le congrès se tenait à Tāmaki Makaurau, plus connue sous le nom d’Auckland.
Une localisation qui, à elle seule, inscrit l’événement dans une démarche décoloniale.
Richard Turenne rappelle que la Nouvelle-Zélande porte le nom maori d’Aotearoa, une marque de reconnaissance identitaire forte.
Dès l’ouverture, les participants ont été plongés dans un accueil cérémonial immersif, marqué par une parade de drapeaux.
On y retrouvait des représentants du Groenland, de l’île de la Tortue, de Tahiti, d’Hawaï, de Taïwan, et de nombreuses autres nations. Certaines délégations avaient préparé des danses ou des chants traditionnels pour annoncer leur présence.
« Chez les Maoris, il y avait des présentations haka, mais aussi des performances de Tahitiens, d’Hawaïens », raconte Richard Turenne.
Le programme incluait douze excursions culturelles.
Richard Turenne a choisi celle du Mont Eden, un volcan éteint situé au cœur de Tāmaki Makaurau.
Guidée par un descendant de chefs traditionnels, cette visite offrait un récit détaillé des pertes territoriales, linguistiques et culturelles subies depuis l’arrivée des britanniques.
« Il nous a donné la dimension de ce qui est vraiment arrivé à leur territoire, avec toute la perte de leur terrain, leur culture, leurs droits », explique-t-il.
Pour Richard Turenne, une certaine continuité historique se dessine car « c’est le même message d’espoir, malgré les efforts de la colonisation britannique, portugaise, française, partout sur la planète, dit-il, on a survécu ».
Manitoba
Plusieurs interventions manitobaines ont rythmé la conférence.
Le 17 novembre, une session animée par Leo Baskatawang, Angie Bruce, Marc Kruse et Daniel Diamond présentait les efforts pour Indigenizing the University of Manitoba.
Les intervenants rappelaient le rôle historique des universités dans la diffusion de doctrines coloniales.
« J’ai trouvé ça rafraîchissant de voir la vice-présidente Angie Bruce. Elle nous a parlé des programmes où les communautés, avec les aînés, leur géographie et leur savoir, dessinent le nouveau curriculum pour l’Université du Manitoba. »
Cette approche vise donc à réancrer les savoirs autochtones dans les contenus académiques à partir des territoires, des épistémologies et des besoins des communautés elles-mêmes.
Le 18 novembre, c’était au tour de la Division scolaire Louis-Riel de présenter ses initiatives.
Corey Kapilik, surintendant adjoint, a exposé une stratégie pluriannuelle ancrée dans l’intégration des perspectives et des langues autochtones en collaboration avec un conseil d’aînés.
Ainsi que la révision de l’ensemble des programmes scolaires dans une perspective antiraciste et inclusive afin de créer des environnements propices à l’épanouissement de tous.
Le 19 novembre, une équipe de l’Université de Winnipeg et de l’Université du Manitoba a présenté une étude sur l’accompagnement des personnes enceintes en situation d’itinérance.
Un travail qui montre l’importance de pratiques culturellement sécurisantes et du rôle essentiel des doulas autochtones dans le soutien aux personnes confrontées à des besoins multiples. Une intervention résolument ancrée dans les principes de justice reproductive.
Avenir
Pour Richard Turenne, WIPCE a également permis de réfléchir aux savoirs qui traversent les siècles : « Certaines connaissances traditionnelles existent depuis plus de 2 000 ans ».
Ainsi, il insiste sur l’importance de rendre ces savoirs empiriques et scientifiquement reconnus afin de les intégrer sans crainte d’appropriation dans les systèmes éducatifs contemporains.
La conférence a aussi abordé les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle qui apparaît comme un outil potentiel de revitalisation linguistique.
Pour Richard Turenne, ce voyage représente un moment fondateur, en continuité avec le mandat de l’Union : « On est porteurs de la flamme ardente de la culture. On a perduré pendant des temps difficiles de ségrégation, de marginalisation, de honte, de peur, on a continué à giguer. On a continué à parler le mitchif. Et, on a continué à faire la galette, la chasse, la pêche, la cérémonie, le perlage ».
En Océanie, Richard Turenne a contribué au rayonnement des Prairies, il ajoute : « J’ai pu parler de nous, les Métis des prairies du Canada, alors ça devient réciproque ce partage de flambeau, ça devient de plus en plus ardent », conclut-il.




