Un travail minutieux et essentiel dans un contexte de vérité et réconciliation.
La Société historique de Saint-Boniface (SHSB) est en plein processus de décolonisation de ses archives. Un travail « particulièrement important », selon la directrice générale de la SHSB, Émilie Pigeon.
D’autant plus dans un contexte de vérité et réconciliation avec les peuples autochtones. Dans les grandes lignes, le travail en cours consiste en la révision de certaines terminologies, descriptions et mots-clés.
« Tout comme l’histoire et la production historique, les archives évoluent, explique Émilie Pigeon. Nos méthodes sont constamment révisées en fonction des meilleures pratiques dans le domaine. »
La directrice générale parle d’une évolution naturelle.
« L’on souhaite que le vocabulaire employé soit juste et décrive correctement les lieux, les individus ainsi que le contenu que l’on retrouve dans les archives. »
Le colonialisme a marqué une bonne partie de l’histoire du pays, naturellement, l’on retrouve les traces de cela dans les archives.
Ainsi, certains documents, qu’ils soient textuels ou autres, sont le reflet d’une société qui croyait à l’assimilation des Premières Nations, des Métis et des Inuit.
Les efforts déployés ici consistent donc à faire disparaître le langage raciste et désuet des bases de données de recherche.
« Ce projet d’assimilation a mené aux pensionnats autochtones que nous reconnaissons aujourd’hui comme une tentative de génocide culturel. C’est une approche qui a causé beaucoup de souffrances et ce que nous faisons avec ce projet c’est de redresser la donne et corriger les torts. »
La SHSB a débuté ce travail en 2021, la directrice générale indique qu’il faut entre six mois et un an pour la transformation de quelques milliers d’enregistrements. Alors rien d’étonnant à ce que les efforts soient toujours en cours.
Après tout, les étagères des chambres fortes du Centre du patrimoine recèlent un nombre faramineux de documents.
Cela fait donc partie des défis auxquels font face les archivistes.
De plus, « nous avons dû standardiser des mots-clés pour que les moteurs de recherche reflètent ces changements. Nos bases de données à l’interne ont dû être modifiées pour que les visiteurs puissent trouver des résultats pertinents et qu’ils puissent le faire dans les deux langues ».
C’est donc un travail qui doit être accompli à la fois en français et en anglais.
« Plusieurs termes utilisés pour décrire les peuples autochtones étaient génériques, vagues et parfois incorrects alors c’est difficile d’entreprendre des recherches dans les archives en utilisant ce vieux vocabulaire. »
Impossible d’ailleurs de donner une date de fin pour ce projet puisque « c’est un travail que nous poursuivrons à perpétuité avec toutes nouvelles acquisitions ».
« On n’efface pas le passé »
Émilie Pigeon insiste sur ce point. Le contenu des documents historiques lui-même reste en l’état. C’est-à-dire que le langage problématique se retrouve toujours sur les documents.
« Ce que l’on a changé c’est le contenu de nos bases de données. Lorsque l’on fait de la recherche dans les archives, l’on va pouvoir retrouver les communautés autochtones avec le nom qu’elles se donnent elles-mêmes, non plus avec les noms que les Européens leur avaient donnés. »
Au-delà des changements apportés aux bases de données, la SHSB envisage aussi un « changement culturel », au sein de ses équipes.
« Ça comprend une formation pour le personnel, nos bénévoles ainsi que les proches de la société historique. De notre point de vue, éduquer la société envers ce besoin ce n’est pas évident, mais c’est une nécessité. »
Les nouveaux termes employés sont basés sur des modèles et des guides préexistants chez Bibliothèque et archives Canada par exemple.
« Nous avons aussi consulté les bases de données de l’Université Laval et de la bibliothèque du Congrès aux États-Unis afin de déterminer quels termes devaient remplacer quels mots. »
Les décisions se sont aussi basées sur de la recherche afin de s’assurer de la précision et de la justesse des noms employés par les Premières Nations, les Métis et les Inuits.
Enfin, les consultations communautaires ont également fait partie du processus.
« Dans le cadre d’un projet de rapatriement de documents textuels en langues autochtones que nous avons entamé en 2024, nous avons fait appel à des gardiens du savoir traditionnels et des locuteurs de langues autochtones comme l’anishinaabemowin et le nêhiyawêwin.
« L’objectif est d’identifier correctement le contenu de ces documents en langues autochtones conservés dans nos archives, tout en déterminant les communautés auxquelles des copies numériques devraient être transmises.
« Donc c’est vraiment un travail continu de collaboration. »
Pour Émilie Pigeon, ce travail de décolonisation et les changements qu’il comprend ont des retombées positives sur la recherche, mais aussi le grand public.
« Il est important de s’assurer que les gens qui viennent chez nous pour du travail de recherche soient confortables, en sécurité et qu’ils soient bien représentés. Par exemple on remplace le terme iroquois par Haudenosaunee. On corrige des erreurs faites par le passé. »
Initiative de journalisme local.




