La situation des femmes au Canada a connu une amélioration les dernières décennies, mais le combat n’est pas encore gagné.
Camille SÉGUY
Le 8 mars, le monde a célébré les femmes. Cette année, cette date avait une importance symbolique au Canada : il y a 40 ans, la Commission royale sur le statut des femmes au Canada (RCSW) remettait son rapport sur la situation des femmes à la Chambre des communes. L’heure est donc maintenant au bilan.
« Le Canada est plus avancé que de nombreux pays sur la question des droits des femmes, mais il y a encore beaucoup de violence et de discriminations envers les femmes », constate la conseillère et chef du secteur counselling à Pluri-elles, Chantal Lambert.
« Ça prend du temps pour que ces droits soient offerts à toutes les femmes, ajoute la conseillère de Pluri-elles, Leslie Hackett. Il y a de grandes différences sur le marché du travail et dans la vie sociale. » Les femmes plus pauvres, souvent issues des minorités visibles, sont les plus touchées par les inégalités.
L’organisation de défense des femmes Women’s Legal Education and Action Funds (LEAF), qui fête ses 25 ans en 2010, est chargée de mener en Cour Suprême les questions de droits des femmes. Elle fait donc avancer les lois en la matière.
« Nous avons porté environ 150 cas en cour, abordant par exemple la liberté de choix d’être mère, le divorce, la violence envers les femmes, l’égalité salariale, la discrimination à l’embauche ou encore le droit pour les femmes de jouer au hockey », rapporte la présidente de LEAF, Betty Hopkins.
Beaucoup à faire
Même si des progrès ont été accomplis et des droits acquis, Betty Hopkins reste inquiète. Selon les Nations unies, le Canada a régressé sur la question du traitement des femmes.
« Le Canada a pris des engagements mais il ne les respecte pas, déplore Betty Hopkins. La condition féminine recule car le gouvernement fédéral n’alloue plus de ressources pour la recherche et les programmes pour les femmes. »
Le secteur de l’emploi est l’un des domaines dans lesquels les femmes, quel que soit leur niveau social, subissent encore souvent des discriminations.
« La plupart des femmes que je connais sont en-dessous de la grille de salaires pour le poste, observe l’agente de liaison du secteur employabilité de Pluri-elles, Christine Fontana-Baudet. Leur salaire est en moyenne de 10 % à 20 % en-dessous des hommes au même poste. »
Elle constate aussi que « dans les entreprises, la gestion d’équipes est souvent donnée aux hommes. À compétences et expériences égales, la préférence va en général à l’homme sur la femme ».
Les mentalités semblent toutefois en train de changer selon Christine Fontana-Baudet. Des femmes réussissent désormais à accéder à des postes élevés, mais « c’est un parcours du combattant, beaucoup plus que pour les hommes », commente-t-elle.
La coordonnatrice du secrétariat pancanadien du mouvement féministe RebELLEs, Barbara Legault, déplore aussi que « les avancées que les femmes avaient obtenues se détériorent. Plusieurs projets de loi ont été déposés, par exemple, qui menacent le droit à l’avortement ».
Les femmes Autochtones étant les plus touchées par la violence et la pauvreté, le droit à l’avortement, ainsi que la lutte pour les droits des peuples Autochtones, sont les grands chevaux de bataille des féministes de RebELLEs.
De l’espoir
Le Manitoba fait figure de bon élève dans la lutte pour les droits des femmes. « La Province travaille à améliorer la situation des femmes dans son ensemble, à travers un meilleur accès à l’aide juridique, au logement décent, ou encore aux services de petite enfance pour pouvoir travailler, souligne la présidente de LEAF. Mais ce n’est qu’un début et il reste beaucoup à faire. »
De plus, les femmes au Canada commencent à s’organiser. Le mouvement féministe RebELLEs, par exemple, est né en 2007 à Montréal à la suite du « constat qu’on ne se connaissait pas et qu’on manquait de réseau, mais qu’il fallait qu’on s’organise pour lutter ensemble », explique Barbara Legault.
RebELLEs a désormais des relais partout au Canada. À Winnipeg, c’est le collectif FemRev qui se charge de mobiliser les féministes au nom de RebELLEs. « Le mouvement féministe se met en forme et se solidifie partout au pays », se réjouit la militante de FemRev, Sarah Granke.
FemRev a organisé une marche pour les femmes le 7 mars, et accueillera en mai 2011 le deuxième Rassemblement pancanadien des jeunes féministes, dans la capitale manitobaine.
« Je vois de plus en plus d’initiatives de mentorat entre femmes pour se pousser vers le haut, raconte pour sa part Christine Fontana-Baudet. Celles qui ont atteint des positions de pouvoir et de responsabilités sont des mentors pour les autres.
« C’est comme ça que ça changera, conclut-elle. Les femmes doivent se battre pour les femmes, et oser essayer d’accéder à des postes élevés. »