Shades of Autumn, Robert Turner
Concerto pour piano No. 2 en fa mineur, Frédéric Chopin

Symphonie No. 5 en si bémol majeur, opus 100, Serge Prokofiev
Orchestre symphonique de Winnipeg dirigé par Alexander Mickelthwate
Janina Fialkowska, piano
Le samedi 30 octobre 2010, Salle de concert du Centenaire

Pour son troisième concert de la série Masterworks, l’Orchestre symphonique de Winnipeg a invité la pianiste canadienne Janina Fialkowska à interpréter le Concerto pour piano No. 2 en fa mineur de Frédéric Chopin. Mme Fialkowska continuait à Winnipeg une tournée triomphale en Europe et en Amérique du nord pour la célébration du 200e anniversaire de naissance de Chopin, au cours de laquelle elle a interprété ce concerto une quinzaine de fois. Malgré ses grands succès, Mme Fialkowska n’a pas l’allure flamboyante d’une vedette. Cheveux courts, elle est vêtue très sobrement. On sent chez elle une certaine pudeur, peut-être un peu de timidité, surtout de la simplicité.

Oeuvre de jeunesse, Chopin a composé ce concerto alors qu’il était follement amoureux de Constance Gladowska, une chanteuse aux cheveux blonds d’une éclatante beauté, à qui il n’a  jamais confessé sa passion. C’est une oeuvre très lyrique, qui exprime une grande sensibilité et beaucoup d’émotion. Mme Fialkowska l’a interprétée de manière angélique.

Dans sa grande simplicité, Mme Fialkowka laisse toute la place à la musique. Au piano, elle bouge à peine, contrairement à certains pianistes dont les mouvements exubérants de la tête et du corps deviennent source de distraction. Toute sa concentration et son énergie sont centrés sur ses doigts agiles qui glissent avec souplesse sur le clavier. Elle a atteint une telle maîtrise technique qu’on ne perçoit pas l’effort, même dans les passages les plus difficiles. Son jeu est parfaitement nuancé sans chercher à faire de l’effet. Elle semble caresser les notes dans les passages les plus lyriques, notamment dans le Larghetto, et ne les écrasent pas dans les fortissimo. Le jeu est d’une merveilleuse fluidité dans la mazurka du dernier mouvement.

L’accompagnement de l’orchestre fut impeccable. Mickelthwate a dirigé avec beaucoup de sensibilité, maintenant un bel équilibre entre l’orchestre et le piano, tant dans la sonorité que dans l’interptétation.

En début de concert, l’Orchestre a rendu hommage au compositeur canadien Robert Turner, qui a célébré son 90e anniversaire le 6 juin. Shades of Autumn est une brève pièce dont les “trois mouvements évoquent la diversité du temps et des couleurs saisonnières de l’automne.

Le premier mouvement commence par une fanfare de l’ensemble des cuivres aux couleurs sombres.  Elle mène à  un passage plus long et plus lent avec des solos de bois, de percussions et de cordes. Le deuxième mouvement, un Scherzo et Trio, a une forme classique au caractère énigmatique et ironique. L’ouverture du troisième mouvement a la forme d’un récitatif joué en alternance par un cor solo, la harpe avec le célesta et les cordes scintillantes divisées. Le finale est rempli d’enthousiasme (une fête des moissons?) et se termine par un rappel de la fanfare du début.” (Explications du compositeur)

 

On a déjà souligné la qualité du jeu des cuivres et des vents lors des deux premiers concerts de la série. Ils ont encore été superbes samedi soir. L’interprétation du premier mouvement a fait ressortir les différents atmosphères propres à nos automnes avec beaucoup de couleur et de sensibilité. Mickelthwate a dirigé avec précision le très bref deuxième mouvement, mettant bien en relief son caractère humoristique. Dans le troisième mouvement, toutes les ressources de l’orchestre ont été mises à contribution pour conduire à un finale éclatant. On a pu apprécier encore une fois la belle sonorité de l’orchestre.

 

M. Turner était présent à ce concert. Comme il est très affecté par le vieillissement, sa présentation sur scène à la fin de la pièce a créé un certain malaise dans l’auditoire. Il aurait été plus respectueux de simplement signaler sa présence et l’inviter à se lever.

 

En deuxième partie du concert,  Mickelthwate a programmé la très belle  Symphonie No. 5 en si bémol majeur, opus 100 de Serge Prokofiev. C’est une grande oeuvre qui a permis à l’orchestre de mettre encore une fois en évidence le niveau élevé qu’il a atteint. Ce fut sans aucun doute une interprétation magistrale. Mais pourquoi avoir inclus l’oeuvre dans ce programme? C’est une oeuvre autour de laquelle on pourrait bâtir un programme très intéressant, mais qui ne convient certainement pas comme complément d’un programme qui devait être consacré à Chopin. L’orchestre annonçait en effet une soirée Fialkowska/Chopin. On aurait souhaité que tout le concert leur soit consacré, comme cela s’est fait dans d’autres villes visitées par Mme Fialkowska pendant sa tournée. Un autre concerto et pourquoi pas quelques solos auraient bien complété la soirée. Ce fut comme un vin trop corsé qui écrase et fait oublier les saveurs d’un met délicat. Il faudrait peut-être faire davantage attention à ces détails lors de la planification de la prochaine saison.