Chronique de Raymond Hébert – Le 10 décembre 2010

Le débat autour de la désaffiliation éventuelle du Collège universitaire de Saint-Boniface de l’Université du Manitoba et le changement de nom du Collège a repris de plus belle depuis quelques semaines au sein de l’institution, selon plusieurs sources consultées récemment.

Le gouvernement du Manitoba ayant signifié son ouverture à effectuer des changements à la loi établissant le Collège (C.P.L.M. c. C150.2), effectivement la charte du Collège, le Collège a ravivé certains de ses vœux dans ce domaine. En ce moment, la loi stipule, à l’article 1.2, que la Corporation « est un Collège affilié à l’Université du Manitoba » qui peut également offrir des cours approuvés au niveau des Collèges communautaires. Aux termes de la loi existante, le Collège peut également conclure des ententes avec des universités et certains autres établissements postsecondaires offrant des programmes « essentiellement en français » (article 6.1 [1]). Dans sa démarche, le Collège cherchait à retirer la clause concernant l’affiliation avec l’Université du Manitoba de la loi, avec le résultat que l’affiliation, si elle survivait, ferait l’objet d’un simple contrat, modifiable dans le temps, entre deux entités corporatives. Il y a quelques semaines, le Bureau des gouverneurs du Collège a adressé une demande à la ministre responsable de l’enseignement postsecondaire, Mme Diane McGifford, que le gouvernement adopte des amendements à la charte du Collège en vue d’assurer l’autonomie de l’institution et la possibilité qu’elle décerne ses propres diplômes universitaires.

Après cette démarche, l’administration du Collège en a informé le personnel, y inclus l’Association des professeurs et professionnels du Collège universitaire de Saint-Boniface (APCUSB). Lors d’une réunion subséquente, l’Association a adressé une lettre à la rectrice Raymonde Gagné signifiant son désaccord avec cette démarche et en a fait parvenir une copie à la ministre McGifford.

L’administration a par la suite affirmé qu’elle était prête à maintenir l’affiliation dans la loi (la demande principale des professeurs) mais qu’elle voudrait tout de même demander au gouvernement de procéder à quatre autres amendements substantiels, soit :

  • Le changement de nom du Collège à « Université de Saint-Boniface »;
  • L’adoption d’une nouvelle clause affirmant que le français est la langue de travail du Collège, sauf pour les cours de langues étrangères;
  • La possibilité que le Collège puisse conclure des ententes avec des universités autres que des universités francophones ou bilingues. (Le Collège peut, à l’heure actuelle, conclure de telles ententes avec des universités francophones.) Cette nouvelle section comprendrait la possibilité que le Collège puisse décerner des diplômes universitaires;
  • L’enchâssement dans la loi de l’actuel Conseil de direction des études, qui deviendrait le Sénat de l’institution, sans toutefois qu’il y ait de changement dans sa composition actuelle.

L’APCUSB s’est réuni de nouveau la semaine dernière pour considérer cette nouvelle proposition. Ses membres ont déploré le manque de données concernant l’impact de ces mesures sur l’avenir du Collège, notamment en ce qui a trait au recrutement. Selon plusieurs, même si l’affiliation avec l’Université du Manitoba était maintenue dans la loi, éliminant ainsi ce danger au recrutement, les autres changements demandés pourraient aussi avoir un impact sur le recrutement futur d’étudiants. Par exemple, est-ce que le symbolisme du nom « Université de Saint-Boniface » pourrait transmettre l’impression que cette « université » décerne déjà ses propres diplômes? Est-ce que, en stipulant explicitement que le français est la langue du Collège, on éliminerait la possibilité qu’à l’occasion un étudiant puisse remettre des travaux en anglais (ce qui s’est fait dans le passé dans certains programmes)? En ce qui a trait au sénat, les professeurs universitaires déplorent depuis longtemps qu’ils ne sont pas majoritaires dans le CDÉ actuel, comptant pour à peine 50 % de ses membres; or la norme dans les sénats de la plupart des universités canadiennes est de 2/3 à ¾ des sièges. Enfin, il y a la question plus générale à savoir si le Collège actuel possède en réalité tous les attributs d’une université. On souligne plusieurs déficiences à ce niveau, notamment le fait qu’un grand nombre de disciplines au Collège ne sont représentées que par un seul professeur.

Alors en ce moment les choses en sont là. Les représentants du Collège doivent rencontrer la ministre McGifford le 15 décembre prochain pour discuter de la situation, mais face à une situation où il y a manque de consensus au sein de l’institution, il serait surprenant que le gouvernement Selinger décide d’aller de l’avant avec ces amendements. Il est surprenant aussi que le Collège n’ait pas cru bon de consulter la communauté sur ces changements à la loi, surtout lorsqu’on considère le très grand succès remporté par le Radiothon récent qui a dépassé de beaucoup les attentes. Si les Franco-Manitobains sont là pour aider au financement de cette institution vitale, il faudrait certainement qu’ils aient aussi un mot à dire sur son avenir. Dans ce contexte, le fait que les inscriptions de nouveaux étudiants au Collège en provenance de la DSFM ont chuté considérablement ces dernières années devrait être très préoccupant pour la communauté.

Les changements frappants récents dans la démographie de la clientèle étudiante du Collège devraient aussi préoccuper au plus haut point le Bureau des gouverneurs et l’administration du Collège; il y a des signes que cela est entrain de se produire, mais il faudrait aussi que tout changement à la charte du Collège soit examiné à la lumière de ses effets possibles sur le recrutement futur des étudiants manitobains francophones et d’immersion.

Chronique de Raymond Hébert – Le 10 décembre 2010