La Liberté | Économie
Le Manitoba compte quelque 558 000 vaches qui, grâce à la réouverture des grands marchés asiatiques et américain, valent autant qu’en 2003.

Huit ans après la crise de la vache folle, les éleveurs manitobains se réjouissent d’un marché bovin en santé. Les consommateurs pourraient cependant payer plus cher pour leur livre de hamburger.

Le prix du bœuf est à la hausse au Manitoba, en grande partie en raison de la décision de la Corée du Sud, prise le 20 janvier, de rouvrir son marché aux bovins canadiens âgés de 30 mois ou moins.

« La Corée du Sud est un marché important pour nos éleveurs, indique le ministre d’Agriculture, Alimentation et initiatives rurales du Manitoba, Ron Kostyshyn. D’ici 2015, il pourrait générer environ 30 millions $ pour le Canada. De plus, cette ouverture de la part de la Corée du Sud pourrait faciliter la conclusion de nouvelles ententes de libre échange, notamment dans le secteur du porc. La situation est fort encourageante. »

Même son de cloche chez le directeur général de l’Association des producteurs de bœuf du Manitoba (APBM), Cam Dahl. « C’est une victoire, déclare-t-il. L’embargo de la Corée du Sud a duré huit ans. Ce pays était le dernier du marché asiatique à nous garder ses portes fermées après la crise de la vache folle de 2003. Nous avons franchi une étape importante dans notre récupération. »

Éleveur à Saint-Malo, René Catellier se réjouit de la nouvelle, tout en y ajoutant plusieurs bémols. « Le bœuf se vend à 1,75 $ et même 2 $ la livre, indique-t-il. C’est du jamais vu depuis 2003. Un veau de 600 livres rapporte environ 1 000 $, ce qui est excellent. Je suis convaincu que plusieurs éleveurs voudront, d’ici un an ou deux, augmenter leurs troupeaux. Surtout si le marché peut se stabiliser davantage. Notre industrie dépend tellement de l’exportation qu’elle est encore bien vulnérable. J’ai bon espoir que pour les éleveurs en général, la hausse des prix sera de bon augure.

« Par contre, pour plusieurs d’entre nous, c’est trop tard, poursuit-il. Nous avons perdu beaucoup de capitaux. La crise de la vache folle a provoqué une chute des prix de 50 %, et nous avons été durement frappés. De nombreux éleveurs ont fait faillite. D’autres, comme moi, ont liquidé 80 % de leurs troupeaux. Ça fait huit ans que j’opère avec des pertes, alors je suis allé chercher de l’emploi ailleurs. Il me reste 150 bovins, et je ne compte pas augmenter mon troupeau. Je ne suis plus intéressé, et mes garçons non plus. Il n’y a d’ailleurs pas une relève dans la région. »

L’éleveur de bétail biologique de Saint-Jean-Baptiste, Guy Barnabé, partage cet avis. « Tout compte fait, la hausse des prix est une nouvelle encourageante, déclare-t-il. Je vends mon bœuf localement, alors qu’il est plus âgé, alors la levée de l’embargo coréen ne me touchera pas directement. Mais la hausse des prix m’affectera positivement. N’empêche que ça fait sept ans que nous sommes en difficulté. »

En outre, les inondations printanières de 2011 ont également eu un impact négatif sur l’industrie bovine manitobaine, surtout dans la région d’Entre-les-Lacs. L’APBM estime qu’il ne resterait qu’environ 9 000 producteurs dans la province. Une statistique qui n’enlève rien au fait que le Manitoba, qui compte quelque 558 000 vaches, possède le troisième plus grand troupeau de bœufs du Canada. Des 4,2 milliards $ de rentrées de fonds des fermes manitobaines, 363 millions $ proviennent de l’industrie bovine, soit 9 %.

« Étant moi-même éleveur, je connais bien l’impact de la crise de 2003, mentionne Ron Kostyshyn. Avant 2003, le marché coréen était le quatrième plus important pour les éleveurs du Canada. Avec le retour de ce marché, nos éleveurs ont une autre option. »

Les consommateurs en auront moins, par contre. « Les consommateurs ne sentiront pas le coup jusqu’à l’été, saison où, traditionnellement, les prix augmentent un peu, explique le boucher et propriétaire du Dutch Meat Market à Saint-Boniface, Marcel Joanisse. Or, si la demande du bœuf canadien continue d’augmenter, aux États-Unis, en Corée et ailleurs en Asie, le prix montera en flèche. Les éleveurs ne pourront pas répondre à la demande. Une augmentation de 5 cents la livre, c’est une chose que pourront tolérer les Manitobains. Mais des augmentations de 10, de 15 ou de 20 cents seraient bien plus difficiles à avaler. D’ici la fin de l’année, le bœuf pourrait coûter très cher. »

Daniel BAHUAUD | journaliste | [email protected]