Vivre avec les Autochtones du Québec pendant près de 15 ans a permis à l’artiste André Michel de dépeindre, avec une grande humanité, un mode de vie en disparition.
«Dans les pays industrialisés, les Autochtones vivent de moins en moins de façon traditionnelle, déclare le peintre ethnographe, André Michel. Alors qu’il y a 20 ou 30 ans à peine, les Innus du Québec partaient des mois dans le bois pour faire la chasse, aujourd’hui, c’est pour une semaine. Et ils ne s’aventurent pas plus loin que la fin de la portée de leurs téléphones portables. »
D’où l’importance des toiles et des dessins à la sanguine d’André Michel qui a habité pendant 15 ans avec ces Autochtones du Québec, durant les années 1970 et 1980. Des ouvrages que l’on peut présentement contempler à la Galerie du Centre culturel franco-manitobain, grâce à l’exposition Au pays des Innus. (1)
« Lorsque je suis arrivé au Québec, en 1970, j’ignorais l’existence des Amérindiens, confie l’artiste originaire d’Avignon, en France. Mais un beau jour, des Québécois m’ont invité à faire une randonnée dans le bois. Je croyais qu’ils étaient des Québécois «ordinaires», mais je me suis vite aperçu qu’ils étaient des Innus. C’était le coup de foudre. »
André Michel s’est dont mis à peindre leur us et coutumes, non pas comme un anthropologue ou un scientifique, mais en tant que personne humaine entrée en relation avec de nouveaux amis. « Les Innus sont des gens avec qui j’ai mangé, voyagé et campé, explique-t-il. Lorsque je me suis mis à les peindre, j’ai voulu peindre une façon de vivre, et d’être. Et il s’adonne que j’ai peint un mode de vie qui disparaît. »
En effet, les toiles et les dessins d’André Michel décrivent la préparation de la banik, des scènes de chasse, des enfants et des aînés souriants en vêtements traditionnels. « Plus on parle d’un peuple, plus c’est difficile de le faire disparaître, rappelle-t-il. Mon rôle, sans prétention, est de contribuer à redonner une fierté aux Premières Nations, en leur rappelant ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été il y a à peine quelques décennies. Ces œuvres ne sont qu’un humble témoignage de mes rapports avec un peuple que j’admire. »
André Michel a longtemps dessiné à l’encre de Chine, mais lorsqu’il vivait chez les Innus, il s’est adonné à la sanguine, forme de dessin qui utilise de la craie couleur terre cuite. « Au départ, c’était pour joindre l’utile à l’agréable, indique-t-il. Les Innus ne pausent pas. Ils sont toujours en mouvement. Alors il fallait oublier la peinture pour exprimer beaucoup d’émotion, du moins dans le bois lorsque je voulais les prendre au vif. L’encre de Chine n’était pas pratique non plus, puisqu’une seule tache d’encre ruine le dessin. La sanguine me permettait de dessiner rapidement un croquis de mes sujets, tout en échangeant avec eux. Et ces échanges sont essentiels.
« Du côté technique, le brun rouge de la sanguine est très chaleureux, poursuit-il. Ces qualités de douceur et de volupté font ressortir la lumière et l’ombre des dessins. Les détails ressortent, mais sans qu’ils ne viennent à vider les personnes dépeintes de leurs émotions. On ressent la chaleur humaine, la chaleur du contact. »
(1) L’exposition Au pays des Innus sera en montre à la Galerie du Centre culturel franco-manitobain jusqu’au 5 avril.