Le capitaine Sanogo : de « nobody » au statut de chef d’État… À la retraite en trois mois.
Deux choses m’intriguent, m’agacent et me désolent dans la crise malienne.
1. Le capitaine Sanogo, qui était un « Nobody » il y a trois mois, passe au rang de chef d’État (à la retraite), avec tous les honneurs et les droits attachés à la fonction. Quelle aberration!
2. Où sont les officiers de l’armée malienne?
Comme dans bien de pays africains, la vie politique au Mali a été gangrenée par la corruption, le clientélisme, luttes de factions et les nominations arbitraires etc. En plus de cela, il est indéniable que le président sortant, Amadou Toumani Touré (ATT) a mal géré la crise entre l’État malien, les rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), d’Ansar Dine et les terroristes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Il faut tout simplement dire que ATT devait savoir, en tant que militaire de carrière et président d’une République, qu’on ne privilégie pas la négociation avec des groupes rebelles qui prônent la balkanisation d’une nation. En un mot, l’intégrité territoriale et la souveraineté du Mali ne sont pas négociables.
Il faut aussi avoir le courage de reconnaître que, en dépit de toutes ces mauvaises gestions des affaires l’État par le gouvernement d’ATT, le Mali était sur les rails de la démocratie. En effet, le pays a vécu maintes élections et alternances de pouvoir décidées par les Maliens eux-mêmes, en toute liberté et dans la transparence. En tant que politologue, je suis le premier à admettre qu’il en faut plus que cela pour parler de démocratie mais, il faut tout de même dire que c’était un beau début, jusqu’à l’arrivée du capitaine Sanogo sur la scène politique malienne.
Malgré toutes ces difficultés sociopolitiques et économiques, on pourrait, tout simplement, se demander si une intervention militaire, était nécessaire, la réponse est tout simplement non. En effet, nous sommes en face du coup d’État le plus idiot au monde car le président sortant, ATT, était à la fin de son mandat et devait quitter son poste le mois suivant. Allez-y comprendre quelque chose ! Si l’Afrique peine à asseoir la démocratie c’est parce qu’elle est malade de ses dirigeants et de ses coups d’État (quoique peu nombreux depuis ces 20 dernières années). Ce mythe du nouvel homme fort du Régime doit être banni de toutes les mémoires africaines car c’est chose du passé. Comme je l’ai toujours dit, L’AFRIQUE N’A PAS BESOIN D’HOMMES FORTS, MAIS PLUTÔT D’INSTITUTIONS FORTES.
Alors mon cher Sanogo, le Mali n’a pas besoin d’homme fort au pouvoir ! Et je crois aussi que, pour renforcer les institutions maliennes, toute l’armée se doit rester en dehors de l’arène politique et surtout, loin des soubresauts et des convulsions sociopolitiques. Autrement dit, rentrez aux casernes et préparez-vous à reprendre les territoires du Nord qui ont été volés au peuple malien. Mon cher capitaine, tous pour le Mali.
Je crois profondément, que la majorité de tous ceux qui semblent être pour le changement inconstitutionnel de gouvernement perpétré par le capitaine Sanogo, en réalité, le sont par réaction à l’ancien gouvernement de ATT et sa mauvaise gestion des affaires de l’État et non pour la personne de Sanogo. Autrement dit, l’avènement du capitaine sur la scène politique malienne est un épiphénomène car il traduit un malaise sociopolitique que les Maliens vivaient depuis un bon moment.
Où sont les officiers? Comme le soulignait Salimata Diouara « Au total, le Mali a fabriqué 69 officiers en 50 ans d’indépendance: Un général sous Modibo KEITA en huit ans, neuf sous le général Moussa Traoré en 23 ans, huit sous Alpha Oumar Konaré en dix ans et 51 sous ATT en dix ans. En effet, ATT a nommé un total de 36 officiers généraux dans l’armée et 15 inspecteurs généraux de police, soit 51 en tout. Et ceci ne concerne même pas les colonels-major (grade créé sous ATT), colonels et lieutenants-colonels ». Cela me désole de savoir que tous ces officiers sont « Tous portés disparus ». Comment se fait-il qu’un simple capitaine piétine tout un ensemble de hauts gradés sans conséquence aucune. Cela, à mon a avis, est dû à la déconnection entre le sommet (les hauts gradés) et la base (les soldats) mal payée et mal équipée. Et c’est pour toutes ces raisons qu’un ‘nobody’ comme le capitaine Sanogo a été capable d’amener une partie de l’armée malienne à le suivre comme des moutons de panurge.