Ophélie Doireau et Jonathan Semah
Le message est clair : accélérer la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles pour atteindre une égalité réelle.
Présent au Manitoba, au Théâtre Cercle Molière, le commissaire, dont le mandat se termine en janvier 2025 a présenté son rapport intitulé Un avenir en commun : regard sur nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Si le continuum en éducation est le grand thème de ce rapport, Raymond Théberge n’a pas négligé des questions comme le financement des organismes ou encore l’immigration francophone.
Il a soulevé plusieurs avancées dans des dossiers comme celui de la petite enfance. Le rapport souligne, entre autres : « La seconde bonne nouvelle est l’adoption de la Loi sur relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada qui garantit désormais un engagement financier à long terme pour les garderies des CLOSM. »
Brigitte L’Heureux, directrice générale de la Fédération des parents de la francophonie manitobaine, relève que « c’est un aperçu réel des grands enjeux. Si je regarde particulièrement la petite enfance, le Commissaire a relevé les succès des dernières années dont l’engagement financier vers les services en français. On doit tout de même toujours rester vigilant.
« Quand on parle de clauses linguistiques dans les ententes Fédéral-Province, il faut s’assurer qu’il y ait des pourcentages pour les francophones. Au Manitoba, nous avons eu une belle augmentation des places en service de garde. Ce n’est pas forcément le cas partout au pays. Il faut donc s’assurer que les communautés de langue officielle en situation minoritaire soient incluses dans le processus des clauses linguistiques et dans celui de reddition de compte. »
Ce continuum se poursuit alors jusqu’au secondaire qui a désormais une place dans la Loi sur les langues officielles comme le souligne Sophie Bouffard, rectrice de l’Université de Saint-Boniface. « Le commissaire ne pouvait pas commenter sur tous les aspects des langues officielles. Il a choisi de s’intéresser au continuum éducatif. C’est quelque chose qui est nouveau dans la loi modernisée.
« De façon générale, l’USB doit se positionner au niveau politique. Notre avenir est lié à ce milieu avec lequel nous agissons. »
Désormais, sous-ministre adjoint au Bureau de l’éducation française, René Déquier voit d’un bon œil l’importance de la notion de continuum. « Il y a des choses qu’il faudra creuser dans ce rapport. Je suis ravi d’entendre la notion de continuum en éducation. C’est d’important d’avoir tout le portrait de l’éducation. Même si le Bureau de l’éducation française n’est pas responsable du post-secondaire, nous gardons un œil dessus parce que ce continuum doit aussi se ressentir dans notre approche. »
Organismes et financement
Outre une langue parlée à l’école, le commissaire a pointé tout un écosystème qui gravite autour de la langue. Raymond Théberge a notamment consacré une sous-partie à la question du financement des organismes communautaires. Dans le rapport, il écrit : « Un grand nombre de ces organismes se trouvent déjà dans une situation financière précaire et dépendent du financement gouvernemental pour assurer la rétention de leur personnel, éviter l’endettement et continuer d’offrir des services essentiels à leurs communautés. »
Ibrahima Diallo, vice-président de la Fédération des communautés francophones et acadienne, y voit là une piste à creuser. « La question du financement mérite qu’on en discute beaucoup, c’est au cœur du fonctionnement des organismes. Le commissaire a bien souligné cet aspect.
« Quand on parle d’argent, il y a bien sûr le montant d’argent, mais aussi, la date de réception du paiement. Parfois, certains organismes doivent attendre la fin des mandats pour voir l’argent venir. Les organismes peuvent voir leurs structures se désagréger car il n’y a plus de fonds.
« Puis, la confiance est impactée, car les gens ne veulent plus postuler dans des organismes toujours sur le qui-vive. C’est un peu comme un médecin qui vient après la mort : quand l’argent vient, c’est que c’est déjà trop tard. Par manque de moyens, on continue à fragiliser des communautés déjà fragiles. »
Vitalité francophone
La partie VII qui s’intéresse à la Progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais semble donc avoir dû mal à avancer en absence du Règlement qui s’y rattache. Interrogé par La Liberté au sujet d’un échéancier sur cette question, Raymond Théberge a expliqué. « On espère voir arriver le plus vite possible ce règlement. Mais la réalité est que le gouvernement fédéral travaille toujours à l’élaboration du règlement. Des préconsultations ont eu lieu et le travail se poursuit. »
Outre cette question, le Commissaire a rappelé l’importance d’être servi dans la langue de son choix. « Interagir avec le gouvernement fédéral et obtenir des services dans la langue de la minorité est un élément essentiel de la vitalité des communautés. »
Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a évalué qu’il y avait plus de 700 points de services fédéraux qui devraient recevoir la désignation bilingue grâce aux modifications du Règlement sur les langues officielles portant sur les communications avec le public et la prestation des services. Cette modification a eu lieu en 2019, pourtant, en date de 2024, peu de points de services fédéraux bilingues ont été ajoutés. « Je n’ai pas la réponse exacte sur les nombres de points de services bilingues. C’est une initiative fort importante de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor d’élargir l’offre de service. Reste à savoir aussi s’il y aura le personnel nécessaire pour servir la population. »
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