LA LIBERTÉ - Mathieu Napoléon LaBossière.
Le transplanté – Mathieu Napoléon LaBossière.

De retour dans ce pseudo-hiver québécois, je me retrouve rapidement emballé par le traintrain quotidien des études. Je dis pseudo car, vous le comprendrez bien, si je dois tous les jours réfléchir à quel type de manteau porter selon la température, c’est que l’hiver n’est pas aussi redoutable que celui auquel nous, intrépides manitobains, avons été habitués toute notre vie. Si quelqu’un connaît réellement l’hiver, cependant, c’est bien l’homme inuit que j’ai entendu à la radio en ce dimanche soir en écoutant Cross-Country Check Up, animé par nul autre que Rex Murphy sur les ondes de CBC radio 1. Je suis tombé là-dessus de façon assez fortuite alors que je me conduisais vers l’IGA à la recherche de quelques ingrédients essentiels à ma (quand même bonne) sauce spaghetti. Emporté par tout ce que le temps des fêtes avait à offrir, je ne me suis pas vraiment penché sur ce mouvement incroyable « Idle No More » mené par les peuples autochtones canadiens. Heureusement, l’émission de radio sur laquelle je suis tombé traitait justement de tout ça en faisant appel à des Canadiens de tous les coins de ce pays à se prononcer sur ce qu’ils vivaient, ce qu’ils voyaient et ce qu’ils pensaient de tout ce qui se passait.

Pour en revenir à cet homme inuit, il est un des quelques autochtones qui ont appelé Rex Murphy pour lui faire part de leurs perspectives. Plusieurs témoignages éloquents avaient été évoqués lors de ce vox populi, mais le témoignage de l’inuit à la voix remplie de sagesse et émanant un magnifique accent nordique m’a marqué d’une façon particulière. « Nous suivons avec beaucoup d’attention ce qui se passe au sud », a-t-il expliqué. Il a ensuite parlé de façon extrêmement puissante et imagée du fait que les peuples des Premières Nations de l’Amérique étaient effectivement les premiers peuples vivant sur ces terres sacrées et que pourtant ils se trouvaient constamment à être les derniers à être considérés dans toutes les formes de décisions et de subventions gouvernementales actuelles. Malheureusement, le pourquoi de tout cela restera à jamais brodé dans la toile historique du Canada.

C’est alors que j’ai repensé à Winnipeg et à l’étendue du territoire manitobain qui regorgent d’Autochtones dont certains font évidemment bien pitié. Je repensais à Faron Hall, le sans-abri superstar de Saint-Boniface qui, à plus d’une reprise, s’est jeté dans les eaux tumultueuses de la rivière Rouge pour y sauver une personne en détresse. Je repensais aussi à un petit vidéo amateur que mon grand-père Napoléon Comeault avait fait en compagnie de son chum Stanley sur la réserve de Roseau River près de Letellier, son village natal. Dans le vidéo, produit il y a de cela une vingtaine d’années, on y voit des hommes, des femmes et des enfants souriants, vivants dans des conditions précaires, chose que l’on remarquerait malheureusement encore aujourd’hui.

De toute façon, vous voyez bien le portrait; rien de tout cela n’a changé alors que des décennies ont passé. C’est justement cela que les peuples des Premières Nations veulent nous faire voir aujourd’hui. Idle No More. Je suis d’accord avec ceux qui disent que le mouvement n’a pas été des plus agiles à bien informer le public de sa nature, mais peu importe, ils sont là. Si le mouvement est aussi public, c’est bien parce qu’ils font appel non-seulement aux leurs, mais aussi à nous, les Canadiens en général. Ce qu’ils demandent, c’est une reconnaissance des traités et de leurs droits fondamentaux, mais cette fois-ci de façon active plutôt que relativement passive comme il a été le cas avec le processus de pardon suite au scandale des écoles résidentielles. Certains conçoivent que ce n’est encore qu’un problème relié aux Autochtones, mais en réalité ce mouvement s’applique à chacun d’entre nous. Comment pouvons-nous espérer une présence légitime sur la scène internationale si nous laissons pourrir nos peuples indigènes sur les rues et dans les poubelles qui constituent certaines terres devenues leurs réserves? Comment espérons-nous un jour aller de l’avant en tant que pays quand nos lois sont tatouées d’un racisme toxique comme si bien démontré par la « Loi sur les Indiens »? Il est grand temps de faire de cet enjeu une priorité au lieu de toujours penser à nos comptes de banques et nos régimes d’assurance retraite. Les gouvernements nous ont assez hypnotisés à ces sujets là.

Oui, le gouvernement a une grande part à faire dans la question autochtone. Il n’est jamais justifié de laisser crever de faim quiconque, surtout quand la solution se trouve dans un simple dialogue.
Cependant, comme l’a si bien dit ce vieil inuit à la radio : « Toutes les issues gouvernementales prennent toujours une éternité ». Ce n’est pas une excuse pour que nous restions là à tourner nos pouces. Nous n’avons même pas besoin de sortir dehors brandir des pancartes pour essayer de faire une différence. Ce qui compte vraiment, c’est d’en parler. Il faut en parler à nos collègues, nos amis, nos familles pour tâter le pouls de ce qu’ils pensent, pour les informer, dialoguer, et un jour peut-être que les peuples des Premières Nations verront en nous des alliés formidables dans cette lutte contre le racisme, la pauvreté, la cruauté et l’ignorance. Ce n’est qu’un mythe qu’il faut les laisser faire seuls; qu’ils ne veulent pas de nous. Ils ne seraient pas en train de sortir dans les rues si c’était le cas. Peut-être attendions-nous de voir un leadership collectif de leur part afin de participer à l’assaut… eh bien voici notre chance! Une autre collaboratrice autochtone à l’émission de radio a conclu son témoignage en disant que depuis le début les peuples autochtones ne cherchaient pas à diviser ou a garder leurs terres, mais bien de les partager puisque cette terre nous appartiens tous. Cheezy mais vrai.

Après avoir tenté de leur enlever leur fierté, leur identité, leur culture et même leurs vies, la moindre des choses est bien de les écouter, et de changer radicalement notre façon de penser et de fonctionner en société. Attention, il faudra peut-être faire des choix entre prospérité économique et droits humains! Grosses décisions! Et après? Avez-vous réellement besoin d’une troisième auto et d’une nouvelle télé de 90 pouces? Les gens d’Attawapiskat et de Shamattawa ont besoin d’eau potable. On a assez niaisé avec ça, vous ne trouvez pas?!